Chaque mois, Causette donne la parole à un duo sentimental pour comprendre comment les visions divergentes de chacun·e n’empêchent pas (toujours) le ménage de tourner. Fabienne et Ludovic, en couple depuis vingt ans et parents de deux filles, n’ont pas le même rapport à la poussière. Sans parler du rangement… Pourtant, petit à petit, il et elle ont trouvé un terrain d’entente.
Fabienne
46 ans
« J’étais avec Ludovic depuis seulement quelques semaines quand on a failli se séparer pour une histoire de torchons ! On était dans sa chambre d’étudiant et j’avais pris celui pour les mains à la place de celui pour la vaisselle, ou l’inverse. Il a commencé à crier et moi qui ai eu un père très colérique, je ne l’ai pas supporté. Je suis partie. Il m’a rattrapée et s’est excusé, mais ça annonçait les disputes qu’on a pu avoir par la suite.
Il faut dire qu’on ne peut
pas imaginer deux familles
plus différentes que les nôtres
en termes d’ambiance et d’or-
ganisation. Chez mes parents,
quand ça devenait sale, on
s’y mettait, mais on pouvait
rester avec des miettes par terre pendant plusieurs jours ! Il y avait toujours du monde à la maison et jamais ma mère ne se serait dit qu’on ne pouvait pas recevoir quelqu’un parce qu’on n’avait pas nettoyé. Lorsque je suis allée chez les parents de Ludovic pour la première fois, ça a été un choc. On aurait pu manger par terre tellement c’était propre ! Une fois, on est restés chez eux deux semaines pour les vacances avec nos filles et ce fut un enfer… Au bout de trois jours, on sentait qu’on gênait parce qu’on mettait du désordre. Qu’on puisse mettre la propreté avant le plaisir est pour moi impensable.
Au bout de deux ans de relation, on a emménagé ensemble. Lui voulait que les choses soient faites à sa manière et me reprochait quand ce n’était pas le cas. Cela générait beaucoup de tensions. Ce qui a permis d’apaiser la situation, c’est d’avoir de l’aide pour le ménage depuis une dizaine d’années. De mon côté, je me suis adaptée à sa manière de fonctionner. Passer l’aspi- rateur après manger ne me serait jamais venu à l’esprit, mais aujourd’hui, on le fait systématiquement. Et quand je vais chez mes sœurs, je me rends bien compte qu’il a influencé ma manière de ranger quand je cuisine. Alors que ma sœur aînée laisse traîner des Kleenex dans sa cuisine, moi, je nettoie au fur et à mesure et je finis avec une cuisine propre. Avec les années, je trouve beaucoup de ses réflexions sensées, en revanche quand ça tourne à la maniaque- rie, je dis non ! De son côté, il a compris mes limites et accepté que ce ne sera jamais parfait. »
Ludovic
46 ans
« Dans ma famille, la propreté était un sujet important, voire primordial, pour mes parents comme pour mes grands-parents. On passait l’aspirateur après chaque repas et le week-end, avant d’envisager une activité, il fallait que le ménage soit fait. Quand j’ai rencontré Fabienne, j’habitais une chambre d’étudiant, elle était encore chez sa mère. Lorsque cette dernière partait en Israël s’occuper de ses petits-enfants, on s’installait dans son appartement. C’est là que j’ai découvert l’existence de la pièce
où on met les choses qu’on ne
veut pas ranger, un cagibi avec
des étagères qui menaçaient de
s’écrouler et où chacun entassait
tant bien que mal des objets
depuis des années. Quand on a vidé l’appartement des années plus tard, on est allé de découvertes en découvertes ! Lorsqu’on a emménagé ensemble, il y a eu beaucoup d’ajustements à faire. Autant la saleté chez les autres ne me dérange pas, autant chez moi, cela me stresse, surtout lorsque le temps que j’ai passé à faire quelque chose – par exemple passer l’aspirateur et un produit pour entretenir le parquet – est ruiné en quelques secondes parce que tout le monde débarque avec des chaussures et laisse des traces. J’ai essayé de sensibiliser Fabienne, pas toujours avec tact, et ça a régulièrement clashé. Les premières années, je passais mon samedi matin à faire le ménage. Indéniablement, avoir une aide à domicile nous a soulagés, même si ce n’était pas évident pour moi, au début, de déléguer. Ce serait mentir de dire que c’est complètement pacifié aujourd’hui, mais au fil du temps et à travers l’expérience et les échanges, on a appris à se répar- tir intelligemment les tâches. J’ai aussi baissé mon niveau d’exi- gence. Je continue à nettoyer systématiquement autour du lavabo de la salle de bains, mais j’accepte d’être le seul à le faire, pareil pour la raclette après la douche. Je suis aussi devenu plus critique vis-à-vis de ma famille, je vois bien que ma mère est dans une logique monomaniaque qui, très vite, prend le pas sur tout le reste. C’est aussi pour cette raison qu’on y va moins, parce que ça fait souffrir Fabienne et les filles. En revanche, on peut inviter ma mère à passer quelques jours de vacances avec nous, comme ce n’est pas chez elle, elle est plus détendue. »