Capture d’écran 2022 11 07 à 14.01.53
©STURTI/GETTY IMAGES

Témoignages : le balai diplomatique

Chaque mois, Causette donne la parole à un duo sen­ti­men­tal pour com­prendre com­ment les visions diver­gentes de chacun·e n’empêchent pas (tou­jours) le ménage de tour­ner. Fabienne et Ludovic, en couple depuis vingt ans et parents de deux filles, n’ont pas le même rap­port à la pous­sière. Sans par­ler du ran­ge­ment… Pourtant, petit à petit, il et elle ont trou­vé un ter­rain d’entente.

Fabienne

46 ans

« J’étais avec Ludovic depuis seule­ment quelques semaines quand on a failli se sépa­rer pour une his­toire de tor­chons ! On était dans sa chambre d’étudiant et j’avais pris celui pour les mains à la place de celui pour la vais­selle, ou l’inverse. Il a com­men­cé à crier et moi qui ai eu un père très colé­rique, je ne l’ai pas sup­por­té. Je suis par­tie. Il m’a rat­tra­pée et s’est excu­sé, mais ça annon­çait les dis­putes qu’on a pu avoir par la suite. 

Il faut dire qu’on ne peut
pas ima­gi­ner deux familles
plus dif­fé­rentes que les nôtres
en termes d’ambiance et d’or-
gani­sa­tion. Chez mes parents,
quand ça deve­nait sale, on
s’y met­tait, mais on pou­vait
res­ter avec des miettes par terre pen­dant plu­sieurs jours ! Il y avait tou­jours du monde à la mai­son et jamais ma mère ne se serait dit qu’on ne pou­vait pas rece­voir quelqu’un parce qu’on n’avait pas net­toyé. Lorsque je suis allée chez les parents de Ludovic pour la pre­mière fois, ça a été un choc. On aurait pu man­ger par terre tel­le­ment c’était propre ! Une fois, on est res­tés chez eux deux semaines pour les vacances avec nos filles et ce fut un enfer… Au bout de trois jours, on sen­tait qu’on gênait parce qu’on met­tait du désordre. Qu’on puisse mettre la pro­pre­té avant le plai­sir est pour moi impensable.

Au bout de deux ans de rela­tion, on a emmé­na­gé ensemble. Lui vou­lait que les choses soient faites à sa manière et me repro­chait quand ce n’était pas le cas. Cela géné­rait beau­coup de ten­sions. Ce qui a per­mis d’apaiser la situa­tion, c’est d’avoir de l’aide pour le ménage depuis une dizaine d’années. De mon côté, je me suis adap­tée à sa manière de fonc­tion­ner. Passer l’aspi- rateur après man­ger ne me serait jamais venu à l’esprit, mais aujourd’hui, on le fait sys­té­ma­ti­que­ment. Et quand je vais chez mes sœurs, je me rends bien compte qu’il a influen­cé ma manière de ran­ger quand je cui­sine. Alors que ma sœur aînée laisse traî­ner des Kleenex dans sa cui­sine, moi, je net­toie au fur et à mesure et je finis avec une cui­sine propre. Avec les années, je trouve beau­coup de ses réflexions sen­sées, en revanche quand ça tourne à la maniaque- rie, je dis non ! De son côté, il a com­pris mes limites et accep­té que ce ne sera jamais parfait. »

Ludovic

46 ans

« Dans ma famille, la pro­pre­té était un sujet impor­tant, voire pri­mor­dial, pour mes parents comme pour mes grands-​parents. On pas­sait l’aspirateur après chaque repas et le week-​end, avant d’envisager une acti­vi­té, il fal­lait que le ménage soit fait. Quand j’ai ren­con­tré Fabienne, j’habitais une chambre d’étudiant, elle était encore chez sa mère. Lorsque cette der­nière par­tait en Israël s’occuper de ses petits-​enfants, on s’installait dans son appar­te­ment. C’est là que j’ai décou­vert l’existence de la pièce
où on met les choses qu’on ne
veut pas ran­ger, un cagi­bi avec
des éta­gères qui mena­çaient de
s’écrouler et où cha­cun entas­sait
tant bien que mal des objets
depuis des années. Quand on a vidé l’appartement des années plus tard, on est allé de décou­vertes en décou­vertes ! Lorsqu’on a emmé­na­gé ensemble, il y a eu beau­coup d’ajustements à faire. Autant la sale­té chez les autres ne me dérange pas, autant chez moi, cela me stresse, sur­tout lorsque le temps que j’ai pas­sé à faire quelque chose – par exemple pas­ser l’aspirateur et un pro­duit pour entre­te­nir le par­quet – est rui­né en quelques secondes parce que tout le monde débarque avec des chaus­sures et laisse des traces. J’ai essayé de sen­si­bi­li­ser Fabienne, pas tou­jours avec tact, et ça a régu­liè­re­ment cla­shé. Les pre­mières années, je pas­sais mon same­di matin à faire le ménage. Indéniablement, avoir une aide à domi­cile nous a sou­la­gés, même si ce n’était pas évident pour moi, au début, de délé­guer. Ce serait men­tir de dire que c’est com­plè­te­ment paci­fié aujourd’hui, mais au fil du temps et à tra­vers l’expérience et les échanges, on a appris à se répar- tir intel­li­gem­ment les tâches. J’ai aus­si bais­sé mon niveau d’exi- gence. Je conti­nue à net­toyer sys­té­ma­ti­que­ment autour du lava­bo de la salle de bains, mais j’accepte d’être le seul à le faire, pareil pour la raclette après la douche. Je suis aus­si deve­nu plus cri­tique vis-​à-​vis de ma famille, je vois bien que ma mère est dans une logique mono­ma­niaque qui, très vite, prend le pas sur tout le reste. C’est aus­si pour cette rai­son qu’on y va moins, parce que ça fait souf­frir Fabienne et les filles. En revanche, on peut invi­ter ma mère à pas­ser quelques jours de vacances avec nous, comme ce n’est pas chez elle, elle est plus détendue. »

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.