Cette nouvelle série britannique adopte la forme tortueuse d’un thriller gothique pour revenir sur le scandale des “couvents de la Madeleine”, chargés de “redresser” les femmes “déviantes” en Irlande jusqu’en 1996. Un récit porté par son sujet, très fort, et Ruth Wilson, sa comédienne principale… littéralement en état de grâce !
Il est des sujets qui agrippent de toute façon, si forts, si choquants, par-delà la forme empruntée pour les raconter. Il est des comédiennes qui fascinent dans un rôle, quels que soient les aléas du scénario. Il est des séries que l’on regarde jusqu’au bout, parce que c’était lui (le thème), parce que c’était elle (l’interprète) et puis c’est tout ! Tel est le cas avec The Woman in the Wall…
Coproduite par la BBC, orchestrée par l’Anglo-irlandais Joe Murtagh, cette nouvelle création britannique déroule son intrigue agitée en 2015, dans la petite ville fictive de Kilkinure, en Irlande. Là même où Lorna se réveille, un beau matin, en découvrant le cadavre d’une femme inconnue dans sa maison, planqué derrière un mur. Le gros souci de cette célibataire un peu en vrac, c’est qu’elle souffre de somnambulisme depuis l’adolescence, époque où elle fut incarcérée dans l’un des tristement célèbres “couvents de la Madeleine” d’Irlande…
Pour rappel, ces institutions se sont chargées pendant plus de deux cents ans – jusqu’en 1996 ! – de “redresser”, sous l’égide de l’Église catholique, les Irlandaises “déviantes” (pour cause d’adultères ou de grossesses précoces, comme Lorna à qui l’on a enlevé le bébé dès la naissance, mais il leur suffisait juste, parfois, d’être jugées trop rebelles ou trop belles ?), détruisant nombre d’entre elles. Bref, Lorna s’interroge : est-ce elle qui a tué cette femme pendant l’une de ces crises ? Et d’abord qui est-elle et que venait-elle faire à Kilkinure ?
Gothique et tics
Autant de questions qui, bien évidemment, vont animer les six épisodes de ce thriller tortueux (Lorna menant sa propre enquête, en parallèle d’un jeune détective ambitieux dépêché de Dublin), d’autant plus chaotique qu’il dévoile un trauma à la fois personnel et collectif…
D’autant plus gothique aussi ! Certes, ce genre très prisé par les Anglais colle assez idéalement, au départ, à l’histoire tapissée de secrets, donc brumeuse et comme hantée qui nous est racontée. Surtout qu’elle oscille entre deux époques (en 2015 et en 1985). De fait, le réalisateur ne se prive pas de jalonner son récit de flash-back déformés et terrifiants, ou de séquences contemporaines à la lisière du réel et du cauchemar, voire de l’hyperréalisme et de l’onirique… histoire de refléter l’état instable de son héroïne. Le clin d’œil au genre horrifique est donc clair, mais, à force, le message n’est plus très subtil !
Heureusement, ce qui est dit sur le silence têtu de ces petites communautés, figées dans leurs traditions religieuses et patriarcales, incapables d’affronter leur passé, sonne juste. La force du sujet, on y revient ! Heureusement, les saillies mordantes du jeune détective dublinois, pourtant lui-même victime de ces couvents honteux, nous emballent. Heureusement, l’engagement irrépressible de Lorna pour retrouver sa fille – et pour que justice soit faite – nous bouleverse… par-delà les tics gothiques de la narration et du filmage. C’est là, enfin, que l’on mesure l’apport des interprètes. Daryl McCormack, en flic adepte de l’humour noir pour mieux cacher sa tristesse, est impeccable de finesse et d’élégance. Quant à Ruth Wilson, déjà épatante dans The Affair, elle est… hallucinante, tout bonnement, dans le rôle de Lorna.
![“The Woman in the Wall” dénonce le scandale des “couvents de la Madeleine” en Irlande 2 Capture decran 2024 01 09 a 15.46.17](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2024/01/Capture-decran-2024-01-09-a-15.46.17.png)
The Woman in the Wall, de Joe Murtagh. Série de 6 épisodes de 60 min. Paramount+ à partir du 20 janvier.