Cette minisérie soignée, qui suit la romance chaotique entre deux hommes dans l’Amérique puritaine et parano des années 1950 à 1980, ne manque ni d’audace ni de rebondissements. Un mélo justement engagé.
C’est une histoire d’amour, intense, poignante, mais c’est aussi un combat passionnant. Adaptée du roman du même nom de Thomas Mallon, portée par un réalisateur (Ron Nyswaner, scénariste du film pionnier Philadelphia) et deux acteurs (Matt Bomer et Jonathan Bailey) ouvertement gays, Fellow Travelers est une minisérie historique qui raconte au plus près la relation passionnelle, interdite, entre deux hommes dans l’Amérique puritaine des années 1950 à 1980. Soit du maccarthysme à l’épidémie du sida. Vous l’avez sans doute compris : à travers cette romance chaotique, c’est bel et bien le sort des homosexuel·les et leurs luttes qui est exploré, l’intime, à cette période et à cet endroit, étant plus que jamais politique.
Tandem
Nul hasard si Hawkins et Tim, ses deux héros attachants, se croisent lors d’une soirée d’élection (celle, en 1952, du président Eisenhower) ! Le premier, vétéran viril de la Seconde Guerre mondiale, est prêt à tout pour se frayer un chemin à travers les antichambres du pouvoir à Washington, tandis que le second, idéaliste et pieu, considère le très réactionnaire sénateur Joseph McCarthy comme son héros. Le tendre jeune homme va pourtant devoir apprendre à se méfier, sous la houlette de son amoureux-pygmalion secret, car la chasse aux sorcières que ledit sénateur républicain est en train de mettre en place ne concerne pas seulement les communistes. Eh non ! C’est d’ailleurs l’un des grands intérêts de cette première partie que d’éclairer sous un jour nouveau cette période paranoïaque, puisque la persécution des fonctionnaires “déviants sexuels” par McCarthy (lui-même homo honteux) et ses sbires a rarement été montrée, jusque-là, sur les écrans.
Tant de haine
Mais ça n’est pas la seule transgression de ce récit soigné (beau travail sur les décors, les costumes et les atmosphères). Fellow Travelers, que l’on pourrait traduire par “compagnons de route”, traite également de la question raciale, tout aussi centrale à cette époque, par un biais peu exploré jusqu’alors lui aussi, à savoir les hauts et les bas d’un couple formé par un artiste latino ouvertement queer et un journaliste afro-américain beaucoup plus discret (la défense des droits civiques des personnes de couleur étant sa priorité, se justifie-t-il).
Ajoutez à cette juste complexité l’ampleur romanesque de la narration, qui nous balade habilement des manifs de la guerre contre le Vietnam dans les joyeuses sixties à la crise du sida dans les plus sombres eighties, mais encore un filmage frontal, explicite, des scènes de sexe entre les deux amants (plutôt exceptionnel dans une série, à part dans Queer as Folk), et vous comprendrez pourquoi ce mélo engagé, dûment nommé aux Golden Globes cette année, est assez remarquable. Au sens propre comme au sens figuré.
![“Fellow Travelers” : une romance gay dans l'Amérique puritaine par le scénariste de "Philadelphia" 2 FELLOWTRAVELERS Saison1 KeyArt](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2024/01/FELLOWTRAVELERS-Saison1-KeyArt-768x1024.jpg)
Fellow Travelers, de Ron Nyswaner. Série de 8 épisodes de 52 min. Sur Canal+ à partir du 18 janvier, les jeudis à 22 h 50, à raison d’un épisode par soirée, et MyCanal.
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