Elle a remporté le prix des lectrices du Prix de l’essai féministe Causette 2020 pour l’adaptation en livre de son podcast Les Couilles sur la table1. Et vient de lancer un nouveau format, Le Cœur sur la table, dans lequel elle explore les rapports intimes au prisme du patriarcat et des systèmes oppressifs de genre, de race et de classe. Pour une révolution amoureuse !
![Victoire Tuaillon : « Ma mère laissait exprès "Le Grand Livre de la femme" dans les toilettes pour que mon frère et moi ne soyons pas gênés de le consulter » 1 tuaillon victoire par marie rouge a](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2021/05/tuaillon-victoire-par-marie-rouge_a-731x1024.jpg)
Causette : Les livres marquants de la « bibliothèque » de vos parents ?
Victoire Tuaillon : Le Grand Livre de la femme, un guide de vulgarisation médicale que ma mère laissait exprès dans les toilettes pour que mon frère et moi ne soyons pas gênés de le consulter. Chez mon père, des SAS et les Fables de La Fontaine.
Les lieux de votre enfance ?
V. T. : La ferme de ma grand-mère Odette, dans le Berry, entre Bourges et Sancerre : des hangars remplis d’objets incompréhensibles et souvent dangereux ; dans le salon, la télé toujours allumée et les têtes de gibier empaillé. Le quartier des Épinettes à Paris, où on vivait à trois dans un studio de 30 m2 ; à l’époque, c’était sale et bruyant, mais c’était chez moi.
Que faites-vous dans vos périodes de dépression ?
V. T. : Ça m’arrive quatre à cinq fois par an. J’ai la flemme de me laver, je regarde n’importe quoi sur YouTube, je me trouve moche, rien ne sert à rien, je suis bête et nulle, la vie n’a aucun sens, je mange trop, je traîne en jogging, je lis des tonnes de trucs sans en garder aucun souvenir. Je fume beaucoup de cigarettes.
Que faites-vous dans vos périodes d’excitation ?
V. T. : J’enchaîne les soirées et les grandes conversations, je danse et je porte des toasts enthousiastes, debout sur la table, je dévore romans, films et chansons, tout me paraît intense et signifiant, et je fume beaucoup de cigarettes.
Votre remède contre la folie ?
V. T. : Le sommeil, l’amitié et le silence.
Vous créez votre maison d’édition. Qui publiez-vous ?
V. T. : Des essais sur les relations humaines, des récits pornographiques et des romans d’anticipation utopiques.
Vous tenez salon. Qui invitez-vous ?
V. T. : Toustes celleux qui veulent venir ! Ce sera table ouverte, small talk interdit, téléphones éteints, et au programme : lecture de textes, cercles de parole, massages et danse libre.
Le deuil dont vous ne vous remettrez jamais ?
V. T. : Pour l’instant, je m’en suis toujours remise.
Le secret d’un couple qui fonctionne ?
V. T. : Être déterminé·es à ce que ce couple soit pour les deux un atelier de travail intérieur, pour apprendre à aimer. Donc introspection, humilité, communication, empathie, désir d’évoluer. Et rigoler.
LA chose indispensable à votre liberté ?
V. T. : Assez d’argent pour subvenir à mes besoins, et beaucoup de temps toute seule.
Que trouve-t-on de particulier dans votre « chambre à vous » ?
V. T. : Un mur recouvert de dizaines de portraits des artistes que j’admire – Nina Simone est entre Françoise d’Eaubonne et Sophie Divry, Agnès Varda sourit à Lhasa qui fait un clin d’œil à Siri Hustvedt qui regarde Doris Lessing à côté de Marie Cardinal…
À quoi reconnaît-on un ami ?
V. T. : Quelqu’un·e capable de te dire la vérité, même si c’est douloureux, de te traiter avec amour et bienveillance, sans aucune complaisance.
Quel est le comble du snobisme ?
V. T. : S’arranger pour ne fréquenter que des gens qui peuvent accroître son propre capital social (les aimer pour leur nombre de followers).
Qu’est-ce qui occupe vos pensées « nuit et jour » ?
V. T. : C’est vraiment égoïste, mais « qu’est-ce que je devrais faire pour être utile ? ».
Vous démarrez un journal intime. Quelle en est la première phrase ?
V. T. : « Je suis si heureuse d’être vivante. »
- Les Couilles sur la table continuent bel et bien malgré ce nouveau lancement. Six épisodes
du Cœur sur la table sont déjà en ligne. La suite à partir du 10 juin.[↩]