Victoire Tuaillon : « Ma mère lais­sait exprès "Le Grand Livre de la femme" dans les toi­lettes pour que mon frère et moi ne soyons pas gênés de le consulter »

Elle a rem­por­té le prix des lec­trices du Prix de l’essai fémi­niste Causette 2020 pour l’adaptation en livre de son pod­cast Les Couilles sur la table1. Et vient de lan­cer un nou­veau for­mat, Le Cœur sur la table, dans lequel elle explore les rap­ports intimes au prisme du patriar­cat et des sys­tèmes oppres­sifs de genre, de race et de classe. Pour une révo­lu­tion amoureuse ! 

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© Marie Rouge

Causette : Les livres mar­quants de la « biblio­thèque » de vos parents ? 
Victoire Tuaillon : Le Grand Livre de la femme, un guide de vul­ga­ri­sa­tion ­médi­cale que ma mère lais­sait exprès dans les toi­lettes pour que mon frère et moi ne soyons pas gênés de le consul­ter. Chez mon père, des SAS et les Fables de La Fontaine.

Les lieux de votre enfance ? 
V. T. : La ferme de ma grand-​mère Odette, dans le Berry, entre Bourges et Sancerre : des han­gars rem­plis ­d’objets incom­pré­hen­sibles et ­sou­vent ­dan­ge­reux ; dans le salon, la télé tou­jours allu­mée et les têtes de gibier empaillé. Le quar­tier des Épinettes à Paris, où on vivait à trois dans un ­stu­dio de 30 m2 ; à l’époque, c’était sale et bruyant, mais c’était chez moi.

Que faites-​vous dans vos périodes de dépres­sion ? 
V. T. : Ça m’arrive quatre à cinq fois par an. J’ai la flemme de me laver, je regarde n’importe quoi sur YouTube, je me trouve moche, rien ne sert à rien, je suis bête et nulle, la vie n’a aucun sens, je mange trop, je traîne en jog­ging, je lis des tonnes de trucs sans en gar­der aucun sou­ve­nir. Je fume beau­coup de cigarettes. 

Que faites-​vous dans vos périodes d’excitation ? 
V. T. : J’enchaîne les soi­rées et les grandes conver­sa­tions, je danse et je porte des toasts enthou­siastes, debout sur la table, je dévore romans, films et chan­sons, tout me paraît intense et signi­fiant, et je fume beau­coup de cigarettes.

Votre remède contre la folie ? 
V. T. : Le som­meil, l’amitié et le silence.

Vous créez votre mai­son d’édition. Qui publiez-​vous ? 
V. T. : Des essais sur les rela­tions humaines, des récits por­no­gra­phiques et des romans d’anticipation utopiques.

Vous tenez salon. Qui invitez-​vous ?
V. T. : Toustes cel­leux qui veulent venir ! Ce sera table ouverte, small talk inter­dit, télé­phones éteints, et au pro­gramme : lec­ture de textes, cercles de parole, mas­sages et danse libre.

Le deuil dont vous ne vous remet­trez jamais ? 
V. T. : Pour l’instant, je m’en suis tou­jours remise.

Le secret d’un couple qui fonc­tionne ? 
V. T. : Être déterminé·es à ce que ce couple soit pour les deux un ate­lier de tra­vail inté­rieur, pour apprendre à aimer. Donc intros­pec­tion, humi­li­té, com­mu­ni­ca­tion, empa­thie, désir d’évoluer. Et rigoler.

LA chose indis­pen­sable à votre liber­té ? 
V. T. : Assez d’argent pour sub­ve­nir à mes besoins, et beau­coup de temps toute seule.

Que trouve-​t-​on de par­ti­cu­lier dans votre « chambre à vous » ?
V. T. : Un mur recou­vert de dizaines de por­traits des artistes que j’admire – Nina Simone est entre Françoise d’Eaubonne et Sophie Divry, Agnès Varda sou­rit à Lhasa qui fait un clin d’œil à Siri Hustvedt qui regarde Doris Lessing à côté de Marie Cardinal…

À quoi reconnaît-​on un ami ? 
V. T. : Quelqu’un·e capable de te dire la véri­té, même si c’est dou­lou­reux, de te trai­ter avec amour et bien­veillance, sans aucune complaisance.

Quel est le comble du sno­bisme ? 
V. T. : S’arranger pour ne fré­quen­ter que des gens qui peuvent accroître son propre capi­tal social (les aimer pour leur nombre de fol­lo­wers).

Qu’est-ce qui occupe vos pen­sées « nuit et jour » ?
V. T. : C’est vrai­ment égoïste, mais « qu’est-ce que je devrais faire pour être utile ? ».

Vous démar­rez un jour­nal intime. Quelle en est la pre­mière phrase ? 
V. T. : « Je suis si heu­reuse d’être vivante. » 

  1. Les Couilles sur la table conti­nuent bel et bien mal­gré ce nou­veau lan­ce­ment. Six épi­sodes
    du Cœur sur la table sont déjà en ligne. La suite à par­tir du 10 juin.[]
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