JENESUISPASCHINETOQUE Histoireduracismeanti asiatique 1
Extrait du documentaire Je ne suis pas chinetoque avec le comédien Frederic Chaud. © France TV

Podcast, docu, expo : les Asio-descendant·es font l’actualité cultu­relle de ce début d’année

Les descendant·es des migra­tions asia­tiques prennent la parole pour évo­quer l’héritage de leurs his­toires et dénon­cer le racisme auquel ils et elles font encore face. Un moment cultu­rel à la croi­sée de la répa­ra­tion des bles­sures géné­ra­tion­nelles et de celles sur­ve­nues à l’occasion de l’épidémie de Covid.

Il flotte un air de mobi­li­sa­tion col­lec­tive chez les Asio-descendant·es en ce début d’année pour ouvrir le dos­sier de l’immigration asia­tique en France. Les ini­tia­tives ne se sont pas for­cé­ment concer­tées, mais elles brassent les mêmes pro­blé­ma­tiques : un besoin de se réap­pro­prier une his­toire migra­toire sou­vent tue dans les familles, une envie de racon­ter des iden­ti­tés plu­rielles et une néces­si­té de décons­truire les sté­réo­types et le racisme qu’ils et elles subissent. 

Ce jeu­di sort le pod­cast Ma Tonkinoise, dans lequel Hanaë Bossert explore les non-​dits du pan viet­na­mien de son his­toire fami­liale. Dimanche, France 5 dif­fuse Je ne suis pas chi­ne­toque, docu­men­taire signé par Émilie Tran Nguyen, qui décrypte les res­sors du racisme anti-​asiatique et raconte com­ment les com­mu­nau­tés d’origine asia­tique s’organisent pour lut­ter contre. Quant au Musée de l’histoire de l’immigration à Paris, il pro­pose jusqu’au 18 février l’exposition Immigrations Est et Sud-​Est asia­tiques depuis 1860.

Toutes ces ini­tia­tives, dans la lignée de la web­sé­rie docu­men­taire défri­cheuse de Grace Ly Ça reste entre nous, parue en 2017, ont un point en com­mun : celui de don­ner à connaître les réa­li­tés plu­rielles des per­sonnes d’origine asia­tiques en France, qu’elles soient primo-​arrivantes ou qu’elles fassent par­tie de la troi­sième géné­ra­tion. C’est d’ailleurs cette géné­ra­tion de tren­te­naires qui est aux manettes, pour por­ter sa propre voix, mais aus­si celle des aîné·es jusque-​là silen­ciée. Par “pudeur” ? C’est le confor­table sté­réo­type construit par le regard fran­çais, qui a volon­tiers regrou­pé en un même ensemble flou d’une com­mu­nau­té asia­tique “modèle” des per­sonnes issues de langues et de cultures diverses. Et a ain­si lar­ge­ment fabri­qué le silence qui se brise enfin aujourd’hui.

Ma Tonkinoise

Disponible sur toutes les pla­te­formes d’écoute de pod­casts dans le flux Injustices de Louie Media.

LouieMedia DPMATONKINOISE 10

En quatre épi­sodes de vingt-​cinq minutes, la jour­na­liste Hanaë Bossert se pro­pose de recol­ler les mor­ceaux d’une his­toire fami­liale à trous, en explo­rant la vie de sa grand-​mère Gisèle, Vietnamienne débar­quée en France à l’occasion d’un mariage avec un mili­taire fran­çais. C’est à la céré­mo­nie mor­tuaire boud­dhiste de cette der­nière que la béance saute aux yeux d’Hanaë Bossert : “Alors là, quand on me demande de chan­ter des chants reli­gieux dans une langue incon­nue devant le corps de ma grand-​mère embau­mé, je me dis que j’ai peut-​être raté un truc. C’est ça, être inté­grée ? Découvrir son aïeule à sa mort et ne pas avoir les codes pour l’enterrer cor­rec­te­ment ? Pourquoi, avec ma famille, on a pris cette voie ?”

Ma Tonkinoise (du nom de cette chan­son colo­nia­liste du début des années 1900, fre­don­née par Gisèle à sa petite-​fille) explore tout d’abord le déra­ci­ne­ment de ces Vietnamien·nes qui ont fui la guerre d’Indochine, par­fois à la faveur d’alliances mari­tales avec le colon fran­çais venu cueillir de très jeunes filles – orphe­line, Gisèle a fal­si­fié son âge sur ses docu­ments pour pou­voir se marier avec celui qui la fera venir en France. 

Par la suite, Hanaë Bossert s'intéresse à la rup­ture dans la trans­mis­sion de la culture de Gisèle à ses enfants. Une enquête à fleur de peau dans laquelle la jour­na­liste bous­cule l'intimité fami­liale pour faire par­ler les non-dits.

Je ne suis pas chinetoque

Dimanche 4 février à 21 heures sur France 5.

JENESUISPASCHINETOQUE Histoireduracismeanti asiatique
© France TV

Dans ce sai­sis­sant docu­men­taire d’une heure trente, la jour­na­liste Émilie Tran Nguyen enquête sur le “racisme tu, ambiant, tolé­ré” que subit la com­mu­nau­té d’origine asia­tique en France. Des racines du mal au XIXe siècle, où l’on com­mence à agi­ter la peur d’un “péril jaune” aux cruelles résur­gences de cette xéno­pho­bie en pleine pan­dé­mie de Covid-​19, Je ne suis pas chi­ne­toque décor­tique des a prio­ri d’autant plus dan­ge­reux qu’ils passent encore comme accep­tables dans notre pays : les Asiatiques seraient ain­si réser­vés, ser­viables, bos­seurs, pros­pères, inté­grés, dociles au lit pour les femmes… “Le pro­blème, c’est que notre com­mu­nau­té souffre d’un racisme posi­tif”, pointe l’acteur Frédéric Chau sous la camé­ra d’Émilie Tran Nguyen. 

Lui comme de nombreux·euses autres Français·es d’origines chi­noise, cam­bod­gienne, viet­na­mienne ou encore lao­tienne racontent à la jour­na­liste leur prise de conscience de leur iden­ti­té sous le coup de remarques ou de com­por­te­ments racistes. “Je suis en train de nour­rir quoi, exac­te­ment ?” dit s’être deman­dé Frédéric Chau au moment où il décide de ne plus répondre favo­ra­ble­ment aux pro­po­si­tions le fai­sant cam­per un per­son­nage stéréotypé. 

On le sait, les mots peuvent avoir l’effet d’un upper­cut. Catherine, sage-​femme, raconte ain­si cet effroyable moment durant la pan­dé­mie de Covid où un couple exige en salle de tra­vail qu’elle – et elle seule – porte un masque. Blessée, la jeune femme a ensuite l’idée de lan­cer le hash­tag #JeNeSuisPasUnVirus sur les réseaux sociaux pour dénon­cer cette mise au ban par pure bêtise et sera sui­vie par de nombreux·euses inter­nautes d’origine asiatique.

Je ne suis pas chi­ne­toque revient aus­si sur la struc­tu­ra­tion d’un mou­ve­ment asso­cia­tif de lutte contre le racisme anti-​asiatique à la suite d’une série d’agressions pour vols, sol­dées par la mort de Chaolin Zhang, cou­tu­rier chi­nois tué en 2016 à Aubervilliers (Seine-​Saint-​Denis). Qu’il s’agisse de Sun-​Lay Tan, porte-​parole de l’association Sécurité pour tous, ou encore de Grace Ly, essayiste inter­sec­tion­nelle qui pro­pose aux enfants d’origine asia­tique des stages d’autodéfense contre le racisme, le docu­men­taire nous donne à voir la viva­ci­té bouillon­nante de la riposte des Asio-descendant·es.

Laquelle cherche aus­si répa­ra­tion en créant des ponts avec la culture des aïeul·es. C’est Frédéric Chau qui amène ses enfants à la pagode, ou encore Émilie Tran Nguyen qui tente elle-​même de faire conter le roman fami­lial par son père et sa grand-​mère. Édifiant et sen­sible, Je ne suis pas chi­ne­toque est une pierre impor­tante à l’édifice de l’histoire des com­mu­nau­tés asia­tiques en France.

Immigrations Est et Sud-​Est asia­tiques depuis 1860

Jusqu’au 18 février au Musée de l’histoire de l’immigration, à Paris.

© Musée de l’histoire de l’immigration

C’est en fait une double expo­si­tion que pro­pose le musée situé dans le XIIe arron­dis­se­ment : l’une his­to­rique (Immigrations Est et Sud-​Est asia­tiques depuis 1860), l’autre artis­tique (J’ai une famille, qui met en avant les œuvres de dix artistes chinois·es installé·es en France). 

La pre­mière “retrace les tra­jec­toires col­lec­tives, mais aus­si indi­vi­duelles de migrants en pro­ve­nance de l’Asie de l’Est et du Sud-​Est et de leurs des­cen­dants, au rythme des grands bou­le­ver­se­ments du monde contem­po­rain” et alors qu’actuellement 6 % de la popu­la­tion immi­grée en France est d’origine asia­tique. Aux manettes de cette exposition-​fleuve, dont l’objet est aus­si de décons­truire des repré­sen­ta­tions “mono­li­thiques” de ces popu­la­tions, on trouve Émilie Gandon, conser­va­trice res­pon­sable des col­lec­tions his­to­riques du Musée natio­nal de l’histoire de l’immigration, et Simeng Wang, socio­logue au CNRS. Cette der­nière est d’ailleurs inter­ro­gée dans le docu­men­taire Je ne suis pas chi­ne­toque, comme l’essayiste Grace Ly, qui a pilo­té, fin jan­vier, l’une des soi­rées carte blanche autour de l’exposition : preuve que toutes ces ini­tia­tives résonnent entre elles et créent une ému­la­tion autour d’une pen­sée déco­lo­niale commune.

Partager
Articles liés
marion seclin la copine 007 brute

Marion Séclin, Cyber Sister

Révélée par le site d’infotainment Madmoizelle et désormais figure du paysage médiatique français, la comédienne distille avec pédagogie et humour un féminisme grand public et libérateur sur YouTube. Quitte à s’en prendre plein la gueule.

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.