Au programme : Rover, Ballaké Sissoko et Taur.
Rover : Un album tout en (sous-)sol
Timothée Régnier, charismatique auteur-compositeur-interprète, connu sous le pseudo de Rover, a enregistré son troisième album, Eiskeller, à Bruxelles. Enfin, plutôt sous Bruxelles puisque l’artiste a investi les anciennes Glacières Saint-Gilles de la capitale belge. Un endroit souterrain de 250 m2 qui a longtemps servi à entreposer de la glace (Eiskeller signifie « cave à glace » en allemand), avant de devenir une salle de boxe clandestine, puis le studio d’enregistrement de Rover. Hors des radars, hors du temps et peut-être hors contrôle, le musicien a sculpté treize chansons au cœur de la roche. Dans son royaume de ténèbres, le prince Régnier a certainement croisé les fantômes des Beatles, de Lou Reed et de David Bowie pour composer des pièces pop à la grandiloquence retenue. Il a gravi en solo d’ambitieuses compositions, soumises à l’acoustique magnétique des lieux. I Still Walk a ainsi des allures de déambulation spéléologique surnaturelle, le morceau titre Eiskeller est une transe au centre de la Terre. Preuves que le talentueux Rover est un artiste tout terrain. J. B.
Ballaké Sissoko : À chœur et à kora
Djourou, c’est la corde. Le lien. Celui qui unit Ballaké Sissoko, le maître malien de la kora, à la tradition ancestrale. Mais aussi celui qu’il tisse lorsque son instrument se mélange aux voix ou aux univers de ses invité·es. Djourou est un disque de rencontres. Au fil des titres résonne la voix de Salif Keita, la kora de la joueuse gambienne Sona Jobarteh ou le violoncelle de son vieux complice Vincent Segal, ici en compagnie du clarinettiste Patrick Messina, pour une variation vertigineuse sur la Symphonie fantastique de Berlioz. Plus loin, la harpe dialogue avec la chanteuse Camille, la voix douce de Piers Faccini ou celle du rappeur Oxmo Puccino. Ce voyage onirique s’achève sous un ciel étoilé, lorsque la poésie surréaliste d’Arthur Teboul, le chanteur de Feu ! Chatterton, et la kora de Ballaké Sissoko partent ensemble décrocher la lune. C. K.
Taur : Le solo lui donne raison
Contrairement à ce que laisse entendre le titre de son premier album (Half Somewhere), le Français Mathieu Artu, 35 ans, ne fait pas les choses à moitié. Personnalité multicasquettes, celui qui a retourné son nom en Taur a tout fait tout seul, à la maison. Cette démarche solitaire et maîtrisée infuse des compositions en anglais à la fois intimistes et universelles, sensuelles et cliniques. Le groove solaire et la fragilité synthétique de Taur évoquent le funk nostalgique de Jungle et la soul diaphane de James Blake. Avec ses guitares millésimées eighties, ses synthés ouatés, sa voix haut perchée et sa basse incisive, Taur plonge dans le grand bain du mainstream (Chicago et Holler sont des tubes en puissance) avec une vision d’esthète indépendant. Rejeton musical du film Drive, Half Somewhere possède le souffle d’un blockbuster mélancolique. J. B.