On connaît d’elle ses textes drôles ou graves, mais toujours poétiques et engagés. Beaucoup moins son côté dénicheuse de talents. Pour Causette, elle raconte ces artistes qu’elle a découvertes – ici dans un cabaret, là dans un bistrot – et qu’elle présente comme des sœurs ou des cousines… à l’évidence, y a un air de famille !

Voilà soixante ans qu’Anne Sylvestre chante. C’est pas donné à tout le monde, une longévité pareille. Et pourtant, à ses débuts, elle s’est battue, Anne, pour exercer son art. Et devenir une « auteure-compositrice-interprète », comme elle dit. Car, dans les années 1970, une femme, ça ne chantait pas, ou alors les textes des hommes. Mais, elle, elle en avait des choses à dire ! Alors elle s’est imposée, sur les scènes des cabarets, avec sa guitare. À La Colombe, d’abord, puis au Cheval d’or, à La Contrescarpe, au Port du salut, Chez Moineau et aux Trois Baudets, à Paris. Et, depuis soixante ans, elle fait entendre sa voix. Si ses célèbres comptines, Les Fabulettes, ont bercé nos oreilles d’enfant, elle a aussi profondément marqué la chanson française avec de fabuleuses histoires d’amour et de tendresse. Mais, surtout, Anne Sylvestre s’indigne. Anticléricale, antimilitariste (contre la guerre d’Algérie), elle a défendu et défend toujours la cause écologique, s’insurge contre le racisme et se mobilise inlassablement pour la liberté des femmes. Elle a, à toutes les époques, précédé dans ses textes les mouvements de société, notamment le droit à l’avortement dans sa déchirante chanson "Non, tu n’as pas de nom", écrite dans les années 1970. S’il est une chanteuse en France à avoir chanté les femmes, leurs vies, leurs difficultés, les injustices dont elles sont parfois victimes, c’est bien elle.
Aujourd’hui, Anne Sylvestre a 81 printemps, vit dans le XXe arrondissement de Paris. Elle donne rendez-vous dans des petits cafés PMU de son quartier pas du tout bobo.[…]