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Joan Baez lors du festival des Vieilles Charrues en 2015 ©Thesupermat

Joan Baez, 80 prin­temps, par celles et ceux qui l’écoutent encore avec émotion

Joan Baez célèbre son 80ème anni­ver­saire ce 9 jan­vier 2021. L’occasion est belle de remon­ter le temps pour les éter­nels fans de cette reine du folk, icône de la non-​violence depuis les années 60.

Comment nait un mythe ? Probablement avec « la bonne chan­son, au bon moment » répon­drait la légende du folk, Joan Baez. La bonne chan­son, « Here’s to you, Nicola and Bart ». Le bon moment, l’été 1971, mar­qué par la guerre du Vietnam et la mon­tée du mou­ve­ment paci­fiste aux États-​Unis. La musique, tirée de la bande ori­gi­nale du film Sacco e Vanzetti réa­li­sé en 71 par l'italien Giuliano Montaldo, rend hom­mage aux deux anar­chistes d’origine ita­lienne, Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti, exé­cu­tés sans preuve après un bra­cage dans l’Amérique des années 20. Le refrain devient rapi­de­ment un hymne du mou­ve­ment pour les droits civiques et son inter­prète, une jeune new-​yorkaise d’origine mexi­caine née en 1941, le fer de lance de toute une géné­ra­tion en quête de paix. 

Joan Baez Bob Dylan en 1963 © Rowland Scherman
Joan Baez et Bob Dylan en 1963 © Rowland Scherman 

Surnommée « Joan of Arc, l’éternelle enga­gée » par son amour de jeu­nesse, le chan­teur Bob Dylan, Joan Baez n’a eu de cesse tout au long de sa vie et de sa car­rière, de réaf­fir­mer ses enga­ge­ments en faveur des droits civiques et humains. Elle par­ti­cipe (entre autres) à la grande marche pour la paix de Washington en 1963, au mythique fes­ti­val de Woodstock en 69 ain­si qu'aux Fêtes de l’Humanité pari­siennes de 1971 et de 2011. Et plus de cin­quante ans après les grandes marches pour les droits civiques, les convic­tions de Joan Baez res­tent inébran­lables. Comme en témoigne son concert en 2003 à San Francisco, où elle chante contre l’invasion amé­ri­caine en Irak. 

Après une qua­ran­taine d’albums et tout autant de suc­cès inter­na­tio­naux, Joan Baez a fait ses adieux à la scène en 2019. Mais la reine du folk reste pour beau­coup l’icône hip­pie enga­gée des années 60 et 70. Joan Baez fête en ce 9 jan­vier 2021, son 80ème anni­ver­saire. Qui de mieux pour célé­brer la madone du folk que ces femmes et hommes, mar­qués par ses chan­sons et son engagement ?

Sophie, 66 ans 

J’ai décou­vert la voix extra­or­di­naire de Joan Baez grâce à mes frères et sœurs. Petite der­nière d’une famille nom­breuse, j’étais évi­dem­ment influen­cée par leurs goûts musi­caux. Quand le pre­mier disque de Joan Baez Kumbaya est sor­ti en 1962, on l’écoutait en boucle. Dans la famille, tout le monde l’aimait alors qu’on était tous très dif­fé­rents. Personne ne pou­vait être indif­fé­rent à sa beau­té natu­relle et à sa voix cris­tal­line. J’étais éga­le­ment très récep­tive aux com­bats pour la non-​violence de Joan Baez. Avec ses titres, Joan Baez, avait le pou­voir de nous faire voya­ger, de faire tra­vailler notre ima­gi­naire. Mais aus­si d’éveiller notre conscience. Je n’étais pas encore poli­ti­sée à l’époque mais cer­taines de ses chan­sons dont celle pour le Bangladesh que j’aime par­ti­cu­liè­re­ment ont par­ti­ci­pé à mon inter­ro­ga­tion sur le monde et la socié­té. En gran­dis­sant, je n’ai jamais ces­sé d’écouter cette voix à part, hors du com­mun. À chaque fois, c’est la même émo­tion. J’ai même trans­mis ma pas­sion à mes enfants. D’ailleurs à la mai­son, quand on met une chan­son “pour maman”, on met très sou­vent du Joan Baez (rire). En 2019, pour mon anni­ver­saire j’ai pu assis­ter avec ma fille Sarah à ses adieux à l’Olympia. Elle n’avait plus la voix de ses débuts mais l’émotion et les sou­ve­nirs sont tou­jours intacts. 

Kumbaya, Joan Baez (1962)

Sarah, 38 ans (fille de Sophie) 

Mon pre­mier sou­ve­nir de ma mère me trans­met­tant son amour de Joan Baez, c’est un Noël. Je devais avoir 15 ou 16 ans. Elle a sor­ti le vieux vinyle et l’a mis sur la pla­tine. Ça a gré­sillé et je crois que c’est la pre­mière fois que j’ai pris la mesure de cette voix incroyable. La chan­son c’était Song Of Bangladesh qui raconte la répres­sion san­glante de l’armée pakis­ta­naise contre des étu­diants ben­ga­lis et des pro­fes­seurs non armés à l’Université de Dhaka le 25 mars 1971 durant la guerre de Libération du Bangladesh. Joan Baez a écrit une chan­son sublime sur ce ter­rible évè­ne­ment. Ma mère connais­sait les paroles par cœur et elle s’est mise à la chan­ter qua­si­ment la larme à l’œil. J’ai vu dans ses yeux et dans sa voix défi­ler toute la jeu­nesse mili­tante de ma mère. Et je pense qu’au-delà de la beau­té de Joan Baez et de sa voix sublime, c’est son enga­ge­ment jamais démen­ti qui émeut tant ma mère. Après ça, je me suis mis moi aus­si à l’écouter. Alors quand j’ai vu qu’elle pas­sait à l’Olympia en 2019 pour sa tour­née d’adieu (je ne veux pas y croire !), j’ai pris des places pour ma mère et moi. Je me sou­viens que le jour J on était émues comme pas pos­sible. Ma mère a pas mal pleu­ré et évi­dem­ment moi aus­si du coup. Joan Baez n’avait plus tout à fait sa voix d’antan mais ma mère était à fond dedans. On chan­tait les chan­sons à tue-​tête. Et même si j’étais l’une des seules de ma tranche d’âge, je m’en fou­tais parce que c’était l’un des très beaux moments que j’ai pu vivre avec ma mère. On a même gar­dé en sou­ve­nir une pho­to d’elle avec les grosses lettres rouges de l’Olympia. 

Song Of Bangladesh, Joan Baez (1972)

Rafael, 69 ans 

Joan Baez a été un point de repère pour moi et beau­coup de gens de ma géné­ra­tion en Espagne. Ses disques n’étaient d’ailleurs pas inter­dits ici parce que la cen­sure fran­quiste les consi­dé­rait comme des “chan­son­nettes folk”. À l’époque, en 1968, elle n’était connue et appré­ciée que des lycéens. Plus tard, avec son album Gracias a la vida (1974) chan­té en espa­gnol, elle fut pro­pul­sée à la télé­vi­sion. La popu­la­ri­té de Joan Baez allait de pair avec la mon­tée des chan­teurs contes­ta­taires en Espagne. De près ou de loin, elle joua sans doute un rôle de cata­ly­seur pour ceux qui, plus jeunes, se révol­taient de façon vis­cé­rale – latente mais pro­fonde – contre la guerre, la vio­lence et les injus­tices de toutes sortes. Quand je la réécoute aujourd’hui, je retrouve des émo­tions oubliées. Des sou­ve­nirs d’un groupe de filles et de gar­çons sur une plage de Majorque autour d’un feu et d’une ou deux gui­tares. Car ses chan­sons nous ser­vaient aus­si à dra­guer, évi­dem­ment. Difficile de ne choi­sir qu’une chan­son de Baez, mais je pense que Love is Just a Four Letter Word reste ma préférée.

Love is Just a Four Letter Word, Joan Baez (1968)

Lucie, 29 ans 

C’est ma grand-​mère qui m’a fait décou­vrir Joan Baez. J’allais chez elle et on écou­tait ses chan­sons en cui­si­nant. Ma grand-​mère a tou­jours été une fer­vente défen­seuse des droits civiques alors elle met­tait un point d’honneur à m’expliquer les paroles des chan­sons de Joan Baez. Je me sou­viens notam­ment des paroles de We Shall Overcome (chan­té par Joan Baez lors des marches du Mouvement des droits civiques aux États-​Unis, ndlr). Au-​delà de la beau­té de la musique, je trouve que les chan­sons enga­gées de Joan Baez ont tou­jours beau­coup de sens aujourd’hui. Quand je les écoute, je pense à ma grand-​mère et à nos moments ensemble. Joan Baez, c’est un peu ma made­leine de Proust à moi. 

We Shall Overcome, Joan Baez (1963)

Michel, 59 ans 

Joan Baez, c’est toute mon ado­les­cence. J’ai com­men­cé à l’écouter grâce à des copains quand j’avais 15 ans dans mon petit bled du Morvan. À l’époque, le mythe du fes­ti­val de Woodstock me fas­ci­nait. La jeu­nesse hip­pie éga­le­ment. Dans mon petit vil­lage, les années 70 étaient sen­si­ble­ment dif­fé­rentes de celles des États-​Unis, mais je me sen­tais en connexion avec les chan­sons de Joan Baez. C’est d’ailleurs l’un de mes pre­miers concerts quand j’ai débar­qué à Paris dans les années 80. Je me sou­viens que Joan Baez avait fait une dizaine de rap­pels, elle ne vou­lait pas quit­ter la scène. C’était impres­sion­nant, j’en garde de très bons sou­ve­nirs. Joan Baez incarne un état d’esprit que j’aimais beau­coup et que j’aime tou­jours. Le paci­fisme, la lutte contre les injus­tices sociales… un truc com­plè­te­ment uto­pique, quoi ! Aujourd’hui, quand je tombe sur une chan­son de Joan Baez à la radio, je l’écoute. Ma pré­fé­rée reste Here’s to you (1971, ndlr) qui parle de deux anar­chistes ita­liens, cou­pables de rien et pour­tant condam­nés à mort dans les années 20 aux États-​Unis. J’aime beau­coup l’histoire que repré­sente cette chanson. 

Here's to you, Joan Baez (1971)

Régine, 55 ans 

J’ai été ber­cée par la voix de Joan Baez toute mon enfance grâce à ma mère qui était une grande admi­ra­trice. Je me sou­viens qu’elle pou­vait pas­ser des heures à écou­ter ses vinyles en boucle, sur­tout Diamonds and Rust qui fait réfé­rence à son his­toire d’amour avec Bob Dylan. L’air me res­tait en tête par­fois toute la jour­née ce qui était plu­tôt aga­çant. Il faut dire qu’à l’époque je ne com­pre­nais pas grand-​chose aux paroles ni à l’engagement de cette chan­teuse folk à la voix si par­ti­cu­lière. En gran­dis­sant, j’ai com­pris le com­bat de Joan Baez et pour­quoi ma mère aimait tant ses chan­sons. Car ce n’était pas seule­ment de jolies mélo­dies. Il y avait der­rière tout un mes­sage poli­tique. Un mes­sage de paix et d’amour. Aujourd’hui, c’est moi qui écoute le réper­toire de Joan Baez. Ce qui doit peut-​être aga­cer mes enfants (rire). 

Diamond and Rust, Joan Baez (1975)
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