Joan Baez célèbre son 80ème anniversaire ce 9 janvier 2021. L’occasion est belle de remonter le temps pour les éternels fans de cette reine du folk, icône de la non-violence depuis les années 60.
Comment nait un mythe ? Probablement avec « la bonne chanson, au bon moment » répondrait la légende du folk, Joan Baez. La bonne chanson, « Here’s to you, Nicola and Bart ». Le bon moment, l’été 1971, marqué par la guerre du Vietnam et la montée du mouvement pacifiste aux États-Unis. La musique, tirée de la bande originale du film Sacco e Vanzetti réalisé en 71 par l'italien Giuliano Montaldo, rend hommage aux deux anarchistes d’origine italienne, Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti, exécutés sans preuve après un bracage dans l’Amérique des années 20. Le refrain devient rapidement un hymne du mouvement pour les droits civiques et son interprète, une jeune new-yorkaise d’origine mexicaine née en 1941, le fer de lance de toute une génération en quête de paix.
![Joan Baez, 80 printemps, par celles et ceux qui l’écoutent encore avec émotion 2 Joan Baez Bob Dylan en 1963 © Rowland Scherman](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2021/01/Joan_Baez-Bob_Dylan-en-1963-©-Rowland-Scherman-1024x724.jpg)
Surnommée « Joan of Arc, l’éternelle engagée » par son amour de jeunesse, le chanteur Bob Dylan, Joan Baez n’a eu de cesse tout au long de sa vie et de sa carrière, de réaffirmer ses engagements en faveur des droits civiques et humains. Elle participe (entre autres) à la grande marche pour la paix de Washington en 1963, au mythique festival de Woodstock en 69 ainsi qu'aux Fêtes de l’Humanité parisiennes de 1971 et de 2011. Et plus de cinquante ans après les grandes marches pour les droits civiques, les convictions de Joan Baez restent inébranlables. Comme en témoigne son concert en 2003 à San Francisco, où elle chante contre l’invasion américaine en Irak.
Après une quarantaine d’albums et tout autant de succès internationaux, Joan Baez a fait ses adieux à la scène en 2019. Mais la reine du folk reste pour beaucoup l’icône hippie engagée des années 60 et 70. Joan Baez fête en ce 9 janvier 2021, son 80ème anniversaire. Qui de mieux pour célébrer la madone du folk que ces femmes et hommes, marqués par ses chansons et son engagement ?
Sophie, 66 ans
J’ai découvert la voix extraordinaire de Joan Baez grâce à mes frères et sœurs. Petite dernière d’une famille nombreuse, j’étais évidemment influencée par leurs goûts musicaux. Quand le premier disque de Joan Baez Kumbaya est sorti en 1962, on l’écoutait en boucle. Dans la famille, tout le monde l’aimait alors qu’on était tous très différents. Personne ne pouvait être indifférent à sa beauté naturelle et à sa voix cristalline. J’étais également très réceptive aux combats pour la non-violence de Joan Baez. Avec ses titres, Joan Baez, avait le pouvoir de nous faire voyager, de faire travailler notre imaginaire. Mais aussi d’éveiller notre conscience. Je n’étais pas encore politisée à l’époque mais certaines de ses chansons dont celle pour le Bangladesh que j’aime particulièrement ont participé à mon interrogation sur le monde et la société. En grandissant, je n’ai jamais cessé d’écouter cette voix à part, hors du commun. À chaque fois, c’est la même émotion. J’ai même transmis ma passion à mes enfants. D’ailleurs à la maison, quand on met une chanson “pour maman”, on met très souvent du Joan Baez (rire). En 2019, pour mon anniversaire j’ai pu assister avec ma fille Sarah à ses adieux à l’Olympia. Elle n’avait plus la voix de ses débuts mais l’émotion et les souvenirs sont toujours intacts.
Kumbaya, Joan Baez (1962)
Sarah, 38 ans (fille de Sophie)
Mon premier souvenir de ma mère me transmettant son amour de Joan Baez, c’est un Noël. Je devais avoir 15 ou 16 ans. Elle a sorti le vieux vinyle et l’a mis sur la platine. Ça a grésillé et je crois que c’est la première fois que j’ai pris la mesure de cette voix incroyable. La chanson c’était Song Of Bangladesh qui raconte la répression sanglante de l’armée pakistanaise contre des étudiants bengalis et des professeurs non armés à l’Université de Dhaka le 25 mars 1971 durant la guerre de Libération du Bangladesh. Joan Baez a écrit une chanson sublime sur ce terrible évènement. Ma mère connaissait les paroles par cœur et elle s’est mise à la chanter quasiment la larme à l’œil. J’ai vu dans ses yeux et dans sa voix défiler toute la jeunesse militante de ma mère. Et je pense qu’au-delà de la beauté de Joan Baez et de sa voix sublime, c’est son engagement jamais démenti qui émeut tant ma mère. Après ça, je me suis mis moi aussi à l’écouter. Alors quand j’ai vu qu’elle passait à l’Olympia en 2019 pour sa tournée d’adieu (je ne veux pas y croire !), j’ai pris des places pour ma mère et moi. Je me souviens que le jour J on était émues comme pas possible. Ma mère a pas mal pleuré et évidemment moi aussi du coup. Joan Baez n’avait plus tout à fait sa voix d’antan mais ma mère était à fond dedans. On chantait les chansons à tue-tête. Et même si j’étais l’une des seules de ma tranche d’âge, je m’en foutais parce que c’était l’un des très beaux moments que j’ai pu vivre avec ma mère. On a même gardé en souvenir une photo d’elle avec les grosses lettres rouges de l’Olympia.
Song Of Bangladesh, Joan Baez (1972)
Rafael, 69 ans
Joan Baez a été un point de repère pour moi et beaucoup de gens de ma génération en Espagne. Ses disques n’étaient d’ailleurs pas interdits ici parce que la censure franquiste les considérait comme des “chansonnettes folk”. À l’époque, en 1968, elle n’était connue et appréciée que des lycéens. Plus tard, avec son album Gracias a la vida (1974) chanté en espagnol, elle fut propulsée à la télévision. La popularité de Joan Baez allait de pair avec la montée des chanteurs contestataires en Espagne. De près ou de loin, elle joua sans doute un rôle de catalyseur pour ceux qui, plus jeunes, se révoltaient de façon viscérale – latente mais profonde – contre la guerre, la violence et les injustices de toutes sortes. Quand je la réécoute aujourd’hui, je retrouve des émotions oubliées. Des souvenirs d’un groupe de filles et de garçons sur une plage de Majorque autour d’un feu et d’une ou deux guitares. Car ses chansons nous servaient aussi à draguer, évidemment. Difficile de ne choisir qu’une chanson de Baez, mais je pense que Love is Just a Four Letter Word reste ma préférée.
Love is Just a Four Letter Word, Joan Baez (1968)
Lucie, 29 ans
C’est ma grand-mère qui m’a fait découvrir Joan Baez. J’allais chez elle et on écoutait ses chansons en cuisinant. Ma grand-mère a toujours été une fervente défenseuse des droits civiques alors elle mettait un point d’honneur à m’expliquer les paroles des chansons de Joan Baez. Je me souviens notamment des paroles de We Shall Overcome (chanté par Joan Baez lors des marches du Mouvement des droits civiques aux États-Unis, ndlr). Au-delà de la beauté de la musique, je trouve que les chansons engagées de Joan Baez ont toujours beaucoup de sens aujourd’hui. Quand je les écoute, je pense à ma grand-mère et à nos moments ensemble. Joan Baez, c’est un peu ma madeleine de Proust à moi.
We Shall Overcome, Joan Baez (1963)
Michel, 59 ans
Joan Baez, c’est toute mon adolescence. J’ai commencé à l’écouter grâce à des copains quand j’avais 15 ans dans mon petit bled du Morvan. À l’époque, le mythe du festival de Woodstock me fascinait. La jeunesse hippie également. Dans mon petit village, les années 70 étaient sensiblement différentes de celles des États-Unis, mais je me sentais en connexion avec les chansons de Joan Baez. C’est d’ailleurs l’un de mes premiers concerts quand j’ai débarqué à Paris dans les années 80. Je me souviens que Joan Baez avait fait une dizaine de rappels, elle ne voulait pas quitter la scène. C’était impressionnant, j’en garde de très bons souvenirs. Joan Baez incarne un état d’esprit que j’aimais beaucoup et que j’aime toujours. Le pacifisme, la lutte contre les injustices sociales… un truc complètement utopique, quoi ! Aujourd’hui, quand je tombe sur une chanson de Joan Baez à la radio, je l’écoute. Ma préférée reste Here’s to you (1971, ndlr) qui parle de deux anarchistes italiens, coupables de rien et pourtant condamnés à mort dans les années 20 aux États-Unis. J’aime beaucoup l’histoire que représente cette chanson.
Here's to you, Joan Baez (1971)
Régine, 55 ans
J’ai été bercée par la voix de Joan Baez toute mon enfance grâce à ma mère qui était une grande admiratrice. Je me souviens qu’elle pouvait passer des heures à écouter ses vinyles en boucle, surtout Diamonds and Rust qui fait référence à son histoire d’amour avec Bob Dylan. L’air me restait en tête parfois toute la journée ce qui était plutôt agaçant. Il faut dire qu’à l’époque je ne comprenais pas grand-chose aux paroles ni à l’engagement de cette chanteuse folk à la voix si particulière. En grandissant, j’ai compris le combat de Joan Baez et pourquoi ma mère aimait tant ses chansons. Car ce n’était pas seulement de jolies mélodies. Il y avait derrière tout un message politique. Un message de paix et d’amour. Aujourd’hui, c’est moi qui écoute le répertoire de Joan Baez. Ce qui doit peut-être agacer mes enfants (rire).