Mathieu Nicolas c Astrid di Crollalanza decembre 20252
Portrait de Nicolas Mathieu. © Astrid di Crollalanza

Sortie du livre #WhenIwas15 coor­don­né par Nicolas Mathieu : “C'est un petit acte de résis­tance par rap­port à la censure”

La mobi­li­sa­tion #WhenIwas15, lan­cée cet été par l’écrivain contre la cen­sure d’un livre pour ados, est deve­nue aujourd’hui un recueil, Lire et dire le désir, dont une par­tie des béné­fices sera rever­sée au Planning fami­lial. Entretien.

Le 17 juillet der­nier, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin annon­çait l’interdiction de la vente aux mineur·es du livre de Manu Causse, Bien trop petit, paru en 2022 chez Thierry Magnier qui fai­sait par­tie d’une col­lec­tion éro­tique à des­ti­na­tion des ados. Selon l'arrêté pris par le ministre, l'ouvrage consti­tuait "un conte­nu à carac­tère por­no­gra­phique, pré­sen­tant de ce fait un dan­ger pour les mineurs qui pour­raient l'acquérir ou le consul­ter".“Thierry Magnier n’est pas un dan­ge­reux por­no­graphe, s’emporte encore aujourd'hui l'écrivain Nicolas Mathieu. Cette cen­sure est d’autant plus aber­rante que des gens comme Manu Causse font de la lit­té­ra­ture exprès pour aider les ados à se décom­plexer. Ils jouent un vrai rôle d’accompagnement et de pédagogie.”

En réac­tion à cette cen­sure, l'auteur de Nos enfants après nous et de Connemara lan­çait dans la fou­lée sur son compte Instagram le hash­tag #WhenIWas15, invi­tant les inter­nautes à lui envoyer des récits de leurs pre­miers émois lit­té­raires. L’initiative ren­contre alors un suc­cès ful­gu­rant et il reçoit près de cinq cents textes. Il se sou­vient : “Certains étaient très bons, très poli­tiques, et disaient des choses sur la vie des gens et à quel point les livres les aidaient à s’émanciper, notam­ment dans des situa­tions de domi­na­tion.” Rapidement, l’auteur et l’éditeur Thierry Magnier décident de les publier et c'est ce livre qui sort aujourd'hui : “Les lec­teurs eux-​mêmes me disaient qu’il ne fal­lait pas que ça se perde,” avance-​t-​il. “Et puis c’est une bonne ven­geance [rires] ! Ce livre est un petit acte de résis­tance par rap­port à la cen­sure et il per­met de don­ner de l’argent à un orga­nisme qu’on aime bien, le Planning familial.”

Rétrospectivement, l'écrivain s’interroge sur cette affaire : “Il est cho­quant qu’une petite com­mis­sion [la Commission de sur­veillance des publi­ca­tions jeu­nesse, ndlr] demande à un ministre d’interdire un livre alors qu’en trois clics on a accès à toute la por­no­gra­phie que l’on veut. Je me demande bien quelle asso­cia­tion ou quel groupe ont signa­lé ce livre au ministre”, 

Vengeance : soixante-​dix témoi­gnages sont ain­si com­pi­lés dans un livre, Lire et dire le désir, assor­tis d’une pré­face de Nicolas Mathieu et d’une note de Manu Causse, l’auteur incri­mi­né. On y trouve aus­si bien des ano­nymes que des per­son­na­li­tés, comme les autrices jeu­nesse Melody Gornet et Jessie Magana, qui apportent leur sou­tien à la liber­té d’expression. “Dans l’un des textes, une jeune femme égyp­tienne raconte qu’elle tra­vaillait dans une librai­rie fran­çaise au Caire et que des livres étaient ren­voyés car jugés licen­cieux. Grâce à eux, elle s’est ren­du compte qu’on pou­vait faire l’amour hors mariage, qu’ils avaient une vraie puis­sance éman­ci­pa­trice.” Nicolas Mathieu relève que peu d’hommes ont par­ti­ci­pé à cette ini­tia­tive épis­to­laire et mémo­rielle. “Parmi les seuls qui m’ont écrit, il y a cet homme qui raconte la décou­verte de son homo­sexua­li­té dans une petite ville de pro­vince et la lec­ture d’Armistead Maupin [Les chro­niques de San Francisco]. Ça l’a libé­ré, ça lui a ouvert le champ des pos­sibles”.

Régine Deforges et Sade sous les draps

Parmi les témoi­gnages sélec­tion­nés dans Lire et dire le désir, on trouve de nom­breux sou­ve­nirs moites et récits de pre­mières fois : “Il y a des textes olé olé réjouis­sants, et un côté rétro et nos­tal­gique,” s’amuse l’écrivain. Parmi les réfé­rences lit­té­raires ayant ser­vi de sup­port mas­tur­ba­toire aux lecteur·rices pour décou­vrir leur corps, citons La Bicyclette bleue (1981) de Régine Deforges, les polars sul­fu­reux SAS de Gérard de Villiers ou encore le clas­sique SM de Sade. Nicolas Mathieu lui-​même se sou­vient de la lec­ture émous­tillée de la revue Métal hur­lant, déni­chée à la biblio­thèque muni­ci­pale. “Il y avait aus­si Wilbur Smith, un auteur zam­bien que lisait ma mère. Puis Arthur Miller.” 

Il conclut, à pro­pos de la publi­ca­tion du recueil : “Tout cela m’a confir­mé dans mes intui­tions, à savoir que la lit­té­ra­ture éveille les sens, qu’elle a tout à voir avec les pre­miers émois.”

couvbandeau

#WhenIwas15. Lire et dire le désir, pré­face de Nicolas Mathieu. Éditions Thierry Magnier, 176 pages, 10 euros. En librairie. 

Lire aus­si I "Connemara", le très atten­du nou­veau roman de Nicolas Mathieu

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