Cette année encore, Causette est fière d’être partenaire du prix Hors concours, qui récompense un livre issu de l’édition indépendante. La grande gagnante est cette fois Claire Duvivier avec Un long voyage, qui a fait la quasi unanimité.
Les juré·es qui l’ont défendue étaient intarissables. On a senti le coup de cœur, la délicieuse surprise, l’emballement qui fait tourner la délibération à l’échange enthousiaste. C’était à qui avait le plus, le mieux aimé ce livre foisonnant, annoncé comme un roman d’heroic fantasy et d’aventure. L’histoire d’un jeune orphelin, Liesse, promis à l’esclavage. Il devient pourtant l’éminence grise d’une aristocrate charismatique, Malvine Zélina de Félarasie, femme de pouvoir au sein de l’Empire, un monde dont nous allons suivre le déclin, précipité par un événement fabuleux.
Un univers complet dort dans les pages d’Un long voyage. Des archipels d’îles hantées de rites et de légendes ancestrales, menacées par le pragmatisme d’une société qui se modernise. Claire Duvivier s’est inspirée, nous confie-t-elle, « des archipel polynésiens, avec, souvent, ce schéma : deux capitales, une ancienne et une nouvelle. Comme au Vietnam, aussi. J’ai attrapé de petits détails un peu partout pour créer de toutes pièces cet univers, qui lui-même a nourri mon intrigue. » Cette intrigue court tout au long du récit, qui nous charme aussi par d’autres facettes. « J’ai vraiment voulu qu’il y ait plusieurs angles d’approche dans ce livre, explique l’autrice, avec la gourmandise des conteuses. D’abord l’angle fantasy qui est le plus évident, mais aussi celui de l’intrigue politique, du roman d’aventure et de la science-fiction, qui intervient à la fin. Je voulais surprendre les lecteurs et les lectrices, les détromper quand ils et elles se sentaient en terrain connu dans un genre. » On ajoute que ce long voyage est aussi un subtil portrait de femme. L’autrice sait donner de l’épaisseur à ses personnages, que l’on quitte à regret.
On peut s’étonner de la maîtrise de ce premier roman, mais on n’est pas surpris d’apprendre que Claire Duvivier est elle-même éditrice, cofondatrice d’Asphalte qui publie « de la fiction de la ville et des marges ». Le rythme sans faille et la construction de l’ouvrage doivent beaucoup à sa passion pour l’écriture : « Transformer un texte en objet livre, c’est toujours une alchimie qui me fascine et qui est encore mon métier. » Et c’est parce qu’elle le sait habité par cette même passion qu’elle a confié son manuscrit (travaillé jusque-là en secret) à David Meulemans, fondateur de la maison d’édition Aux Forges de Vulcain.
La boucle est bouclée, puisque le prix Hors Concours, « prix des éditions qui n’ont pas de prix », récompense des auteur·rices, mais aussi, à travers leurs ouvrages, des maisons d’édition indépendantes. Ce qui est doublement le cas pour ce cru 2020 !