Pucelle – Débutante, de Florence Dupré la Tour
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À table, la mère de Florence avait pour habitude de raconter cette anecdote familiale : celle d’une tante qui, le soir de sa nuit de noces, était sortie de sa chambre en hurlant que son mari voulait lui enlever sa culotte. Récit qui entraînait invariablement l’hilarité générale, ponctuée de ce commentaire de la part de la mère de famille : « Comment peut-on laisser une jeune fille dans une telle ignorance ? » C’est pourtant cet immense tabou des choses du corps et de la sexualité – que cette mère elle-même pratiquait assidûment –, qui a régi l’enfance, puis l’adolescence de Florence Dupré la Tour et qu’elle raconte dans Pucelle, récit autobiographique aussi tordant qu’édifiant.
Dans cette famille nombreuse de grands bourgeois très croyants, on ne nomme jamais « la chose ». Aussi, l’enfance de Florence n’est faite que de questions auxquelles elle n’obtient jamais de réponse. Ou, au mieux, des rires nerveux. Comment donc le bébé a‑t-il pu entrer dans le ventre de sa mère ? Que sont ces petits boutons de chair qui poussent au niveau de la poitrine ? Quel est ce sang qui tache sa culotte ? Comment se construit-on avec pour seules références le péché originel et de ridicules histoires de petites graines dans une famille ultra patriarcale ? Eh bien, on passe un début de vie entre angoisse et culpabilité. Puis (dans le meilleur des cas), on déconstruit et on en fait une géniale BD sur les ravages des non-dits. Alléluia !
Pucelle – Débutante (tome 1), de Florence Dupré la Tour. Éd. Dargaud,
184 pages, 19,99 euros.
Rita sauvée des eaux, de Sophie Legoubin Caupeil et Alice Charbin
C’est une histoire qui ressemble à un conte. Un triste conte qui va vers la lumière. C’est pourtant celle, bel et bien vraie, de Sophie Legoubin Caupeil, l’autrice de cet ouvrage délicat : Rita sauvée des eaux, illustré avec grâce par Alice Charbin. Alors qu’elle a une quinzaine d’années, Sophie, comme tous les ans, voyage en Inde avec ses parents et son frère. Un beau jour, alors qu’ils prennent le soleil sur une plage, une jeune fille se noie au loin. N’écoutant que leur courage, le père et le frère de Sophie se précipitent à sa rescousse. Mais le courant est fort et seul le frère parviendra à ramener la jeune femme sur le rivage. Le père, lui, y perdra la vie. Des années plus tard, Sophie décide de retrouver cette femme qui, malgré elle, a bouleversé sa vie, et dont elle ne sait rien. Après des échanges épistolaires, elle part à sa rencontre en Inde. Une rencontre qui changera sa destinée. Un bel ouvrage sur les méandres de l’existence, la résilience et la force des liens humains. U S. G.
Rita sauvée des eaux, de Sophie Legoubin Caupeil et Alice Charbin. Éd. Delcourt, 176 pages, 22,95 euros.
La Mécanique du sage, de Gabrielle Piquet
Paru mi-janvier, bien avant le début du confinement, La Mécanique du sage, de Gabrielle Piquet, résonne étrangement avec la période que nous traversons. Inspiré de l’histoire réelle de Charles Hamilton, riche héritier dans l’Écosse du XXe siècle, l’ouvrage retrace le parcours de cet homme en quête de sens et qui, pour ce faire, fait le pari de la réclusion volontaire. Pourtant, toute sa vie, Charles a vécu grand train. Amoureux de la fête et des femmes, il a un succès fou et une vie sociale remplie. Mais un jour, le vide existentiel l’assaille. Il décide donc de faire appel à un « ermite ornemental ». Une pratique qui a cours alors et qui consiste à embaucher une sorte de sage à la barbe et aux ongles longs qui vit sous vos yeux, au fond de votre jardin, une existence toute en sobriété. Le regarder, comme un maître, permettrait d’accéder à la sérénité. Une étrange histoire écrite dans une langue soutenue (c’est rare en BD !), dessinée d’un trait désuet du meilleur goût et ponctuée d’un charmant humour pince-sans-rire.
La Mécanique du sage, de Gabrielle Piquet. Éd. Atrabile, 96 pages, 15 euros.