Trois très belles sorties cette semaine. Sans signe particulier, de Fernanda Valadez, La voix d'Aïda, de Jasmila Zbanic et Tout s'est bien passé, de François Ozon.
Sans signe particulier, une odyssée au féminin
Ce premier film bouscule, au bas mot. Parce qu’il s’attaque à un sujet épineux : l’extrême violence qui sévit chaque jour au Mexique. Parce qu’il adopte un point de vue alternatif : celui d’une mère dont le fils a disparu depuis des mois. Et, enfin, parce que son récit en forme d’odyssée, très visuel, est à la fois lyrique et mystérieux. Saisissant. Fernanda Valadez, sa réalisatrice, coproductrice et coautrice, est une femme courageuse et déterminée. On suit donc avec curiosité le parcours de Magdalena, son héroïne. Puis, stupéfaction : Sans signe particulier n’est pas seulement un road-movie tragique, c’est aussi un thriller fantastique, justement mâtiné de traditions locales (la figure du diable et le culte des morts occupent une place centrale au Mexique). Halluciné et hallucinant, in fine.
Sans signe particulier, de Fernanda Valadez.
Voir la bande annonce du film :
Tout s'est bien passé, chronique d'une mort annoncée
Est-ce parce que son sujet (le suicide médicalement assisté) est difficile, propice au redoutable « film dossier » que François Ozon choisit résolument la vie en adaptant le livre éponyme d’Emmanuelle Bernheim (l’histoire d’un grand bourgeois qui, après un AVC, demande à sa fille aînée de l’aider à mourir) ? De fait, il injecte volontiers des moments de rire, d’émotion, de gêne ou de doute à son intrigue. Autant d’éclats qui permettent à son récit, faussement classique, de vibrer. Il est bien aidé, cela dit, par l’interprétation très naturelle, tout en nuances, de Sophie Marceau dans le rôle de la fille douloureusement perplexe. Un contrepoint idéal au numéro plus théâtral, quoique assez jubilatoire, d’André Dussolier, méconnaissable, lui, dans celui du père déterminé - et tyrannique.
Tout s’est bien passé, de François Ozon. S
Voir la bande annonce du film :
La voix d'Aïda, la voie humaine
Cette voix-là, vous n’êtes pas près de l’oublier. Elle est celle d’une femme qui s’élève contre la violence et la haine. Une femme modeste, courageuse, vibrionnante. Une femme symbole. En l’occurrence, le nouveau film de Jasmila Zbanic revient sur la prise de la ville de Srebrenica par l’armée serbe, en juillet 1995, juste avant le massacre de civils bosniaques musulmans (plus de huit mille hommes et adolescents). Un des crimes de guerre les plus atroces commis en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
Nulles exactions spectaculaires, ici : la réalisatrice, elle-même bosniaque, préfère les laisser hors champ pour mieux se concentrer sur le parcours intime et batailleur d’Aïda, son héroïne. Professeure d’anglais recrutée auprès des Casques bleus (ils sont stationnés aux abords de la ville, dépassés, impuissants) pour leur servir d’interprète, témoin du chaos sur place (les habitants viennent chercher refuge par milliers dans le camp de base où elle officie), elle comprend vite que la situation est en train de tourner au désastre. Elle va donc tout tenter pour mettre sa famille en lieu sûr…
Délibérément, La Voix d’Aïda se présente comme une course contre la montre personnelle, d’autant plus déchirante qu’elle se joue sur fond de tragédie collective. Précisément, si cette fiction, à la fois tendue comme un thriller et fidèle, hélas, aux événements, captive autant, c’est parce qu’elle se situe aux confins de la petite et de la grande Histoire. Un peu comme Aïda, qui, elle, fait le lien entre ses congénères et les autorités internationales. Personnage d’autant plus charismatique qu’il est incarné par Jasna Djuricic, actrice ô combien ardente !
La voix d’Aïda, de Jasmila Zbanic.