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Massoud Bakhshi, réa­li­sa­teur de « Yalda » : « En Iran, le talion est un droit accor­dé à la socié­té civile »

Yalda, la nuit du par­don arrive en salles ce mer­cre­di 7 octobre. Film coup de poing, il met en scène Maryam, une jeune Iranienne qui a tué acci­den­tel­le­ment son vieux mari. Condamnée à mort, son des­tin se joue fina­le­ment lors d’une émis­sion de télé­réa­li­té ! Une fic­tion ins­pi­rée de faits réels. Explications avec Massoud Bakhshi, son réalisateur…

Causette : Pouvez-​vous nous expli­quer, pour com­men­cer, le titre de votre film : Yalda, la nuit du par­don ?
Massoud Bakhshi : Le mot « Yalda » signi­fie, lit­té­ra­le­ment, « grande nais­sance ». C’est une fête zoroas­trienne qui date de la Perse antique et marque le début de l’hiver, le 21 décembre, autre­ment dit, la nuit la plus longue de l’année. Cette fête est très impor­tante pour les Iraniens. Elle porte en elle un mes­sage d’espoir puisque, après cette longue nuit, cha­cun sait que les jours vont ral­lon­ger. J’y ai vu le moment par­fait pour le dérou­le­ment de mon film : une longue nuit où tout peut bas­cu­ler… Précisément, Maryam, ma jeune héroïne, a été condam­née à mort pour avoir tué son mari. Cette nuit de fête est sa der­nière chance pour obte­nir le par­don de Mona, sa belle-​fille, la seule qui puisse la sauver.

Lire notre chro­nique : « Yalda, la nuit du par­don », peine de mort ver­sion téléréalité

Pour com­prendre l’enjeu – hal­lu­ci­nant – de votre récit, il faut rap­pe­ler ce que signi­fie la notion de par­don en Iran et com­ment elle s’articule à la loi du talion…
M.B. :
Vous connais­sez sans doute le talion par sa for­mule : « Œil pour œil, dent pour dent. » Eh bien, elle fait par­tie inté­grante de la loi isla­mique ! De fait, en Iran, le talion est un droit accor­dé à la socié­té civile. Mettons, comme dans le cas de Maryam, qu’une femme tue son mari. Si la famille de la vic­time par­donne, il n’y a pas de mise à mort. En revanche, l’épouse condam­née doit pur­ger une peine de pri­son et acquit­ter le « prix du sang » à la famille de la victime.

L’alternative est gla­çante, d’autant qu’elle se joue lors d’un show télé­vi­sé, devant des mil­lions de télé­spec­ta­teurs, dans Yalda. D’où vient cette idée ?
M.B. : Je me suis ins­pi­ré d’une émis­sion qui a réel­le­ment exis­té en Iran pen­dant dix ans. Elle était dif­fu­sée pen­dant le mois du rama­dan et met­tait en scène et en jeu dif­fé­rents cas de par­dons. Mais les épi­sodes les plus popu­laires avaient tous à voir avec la famille d’une vic­time d’un cri­mi­nel… Je me sou­viens d’un père qui avait refu­sé, in fine, le par­don à celui qui avait tué son fils : il pré­fé­rait le voir pen­du. Le pré­sen­ta­teur, très déçu, l’avait lais­sé en plan sur le pla­teau, sans même le saluer, tan­dis que des mil­lions de SMS étaient envoyés pour don­ner rai­son au père. Du coup, cette émis­sion sur le par­don était deve­nue une émis­sion sur la ven­geance… Tout cela était bou­le­ver­sant et effrayant. D’ailleurs, je suis fier de dire que, grâce à mon film, cette émis­sion n’existe plus aujourd’hui ! Yalda est sor­ti en salles en juin der­nier en Iran et l’émission a été arrê­tée juste après.

Yalda, qui est un huis clos presque total, donne à voir un récit hale­tant où les per­son­nages sont com­plexes, ni bons ni méchants…
M.B. : Oui, c’est vrai, mais cette com­plexi­té vient de la socié­té ira­nienne, où tra­di­tion et moder­ni­té se confrontent en per­ma­nence. C’est ça qui crée beau­coup de para­doxes et c’est ça qui la rend inté­res­sante ! Vous par­lez de huis clos, et vous avez rai­son. Ce dis­po­si­tif, situé pour l’essentiel au siège de la télé­vi­sion, entre pla­teau et cou­lisses, était un pari ris­qué. Mais cela m’a per­mis de mettre en valeur les para­doxes dont je vous par­lais. Et d’abord entre mes deux per­son­nages fémi­nins prin­ci­paux : Maryam est une femme pauvre et Mona une femme riche.
À tra­vers elles, mon film veut aus­si par­ler de la lutte des classes et ques­tion­ner les inéga­li­tés et les injus­tices. C’est impor­tant… et c’est uni­ver­sel, pour le coup !

Néanmoins, ne croyez-​vous pas que Maryam, parce qu’elle est femme et pauvre, est condam­née au mal­heur de toute façon ?
M.B. : Disons, sans dévoi­ler la fin, que cela va être très dif­fi­cile pour elle. Cela étant, il ne faut pas oublier que les femmes ira­niennes sont puis­santes. Je veux dire par là que leur pré­sence est très forte. Surtout, ces der­nières années, la socié­té ira­nienne étant deve­nue plus urbaine que rurale. Beaucoup de femmes tra­vaillent aujourd’hui, il est nor­mal qu’elles réclament leurs droits et se fassent entendre.

Yalda, la nuit du par­don, de Massoud Bakhshi. Sortie le 7 octobre.

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