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De gauche à droite Noémie Merlant et Coralie Fargeat. © Capture écran allocine.fr, © MTV International / Wikimedia Commons

Cannes 2024 : Noémie Merlant et Coralie Fargeat, quand les femmes cinéastes font gore… et corps !

De plus en plus de réa­li­sa­trices inves­tissent le ciné­ma d’horreur pour por­ter un mes­sage fémi­niste, dans le sillon de Julia Ducournau, pal­mée d’or en 2021 avec Titane. Une ten­dance qui, cette année encore à Cannes, se véri­fie avec la comé­die hor­ri­fique de Noémie Merlant et la fable bien gore et bien punk de Coralie Fargeat…

Les Femmes au balcon

Programmé en Séance de minuit – une sélec­tion paral­lèle qui attire avant tout les oiseaux de nuit et autres fans de "ciné­ma bis" –, le deuxième long-​métrage de Noémie Merlant, Les Femmes au bal­con, a d’autant plus fait le buzz sur la Croisette que sa réa­li­sa­trice (et cos­cé­na­riste, et actrice) en a par­lé juste avant comme d'"un délire absurde extrê­me­ment jubi­la­toire". Miam ! Un film en forme de trip assu­mé, qui se mêle de ras­sem­bler trois copines fofolles dans un appar­te­ment en sur­chauffe à Marseille (pour cause de cani­cule exté­rieure et de voi­sin d’en face bien trop sexy), avant de les faire bas­cu­ler dans une farce san­gui­no­lente et ven­ge­resse pour mieux dénon­cer les vio­lences faites aux femmes, ça fait drô­le­ment envie a prio­ri ! Après coup aus­si, même si ces Femmes au bal­con s’avèrent quand même un peu inégales…

Extrême, cette comé­die hor­ri­fique l’est assu­ré­ment en tout cas ! Pour le meilleur : son élan fémi­niste élec­trise nombre de ses séquences, par­fois outran­cières, voire tout à fait de mau­vais goût, puisque c’est le propre de la série B (gor­gée de "scream queens" dénu­dées et de cadavres encom­brants, le tout pimen­té de clins d’œil à un ciné­ma fan­tas­tique asia­tique hyper colo­ré), mais sachant aus­si être sai­sis­santes de véri­té (on pense à une scène gla­çante de viol conju­gal dans une chambre d’hôtel, sans doute l’une des plus réa­listes, donc ter­ri­fiantes, jamais mon­trées dans un film fran­çais). Pour le moins bien, éga­le­ment : les trois comé­diennes prin­ci­pales, à savoir Souheila Yacoub (la plus spec­ta­cu­laire), Sanda Codreanu (la moins à l’aise) et Noémie Merlant (elle-​même en per­sonne, le trip n’étant jamais loin de l’ego-trip), sont à peu près en roue libre dans les trois rôles prin­ci­paux. Confondant éman­ci­pa­tion gri­sante et cour de récré un brin épuisante.

Un peu plus res­ser­ré (pour­tant, l’habile Céline Sciamma cosigne le scé­na­rio et copro­duit le film), un peu moins didac­tique, Les Femmes au bal­con nous aurait pro­pul­sée au 7e ciel, dommage !

The Substance

Seconde réa­li­sa­trice fran­çaise de la com­pé­ti­tion, Coralie Fargeat a créé "The" choc rituel du Festival, tou­jours avide de fris­sons et de scis­sions, ce dimanche 19 mai lors des toutes pre­mières pro­jec­tion de The Substance sur la Croisette. Sans doute le film le plus punk de la Sélection offi­cielle ! Le plus orga­nique, aussi…

Estampillé "body hor­ror" (une éti­quette qui se passe de tra­duc­tion, même quand on ne fré­quente que de loin le ciné­ma de David Cronenberg), ce film pro­vo­cant, rageur ET diver­tis­sant explose le male gaze comme rare­ment en nous plon­geant dans une his­toire féroce, qui mixe allè­gre­ment quête de la jeu­nesse éter­nelle, culte du corps, élixir mys­té­rieux, trans­for­ma­tions phy­siques inquié­tantes et dik­tats insup­por­tables… En clair, l’on y suit les affres spec­ta­cu­laires d’Elizabeth Sparkle, pré­sen­ta­trice star d’une émis­sion d’aérobic, qui apprend du jour au len­de­main qu’elle va être rem­pla­cée par une can­di­date plus jeune, sa cin­quan­taine (pour­tant tonique et bien conser­vée) fai­sant tache à la télé. Désespérée, elle passe alors com­mande d’un mys­té­rieux pro­to­cole de jou­vence à base d’injections appe­lé "The Substance". Après la piqûre d’activation, voi­là qu’Elizabeth se dédouble en une ver­sion plus jeune d’elle-même bap­ti­sée "Sue", l’idée étant que l’une et l’autre se relaient une semaine sur deux pour mieux se régé­né­rer. Sauf que, très vite, Sue ne va plus jouer le jeu, pro­vo­quant, à force de tirer sur la corde, le vieillis­se­ment accé­lé­ré d’Elizabeth…

Ultrastylé et léché sur la forme, ultraex­pli­cite sur le fond, The Substance frappe fort et l’assume, musique stri­dente, dia­logues hur­lés et hec­to­litres d’hémoglobine à la clé (sur­tout vers la fin) ! Porté par deux actrices génia­le­ment cas­tées (Demi Moore se régé­nère for­mi­da­ble­ment, à tout point de vue, dans le rôle d’Elizabeth, tan­dis que dans celui de Sue, Margaret Qualley confirme com­bien le beau peut être bizarre…), le film de Coralie Fargeat s’affirme de fait comme une satire du jeu­nisme effré­né en géné­ral, et du star-​système hol­ly­woo­dien en par­ti­cu­lier. Multipliant les réfé­rences avec humour, de David Cronenberg à Alfred Hitchcock, de Stanley Kubrick à Gaspar Noé, et de Dorian Gray à The Thing, la réa­li­sa­trice forge un style qui n’appartient qu’à elle, à la fois esthé­ti­sant (son film com­porte peu de dia­logues et parle sur­tout avec ses plans, ses effets, son mon­tage), amu­sant, et por­teur d’un pro­pos fémi­niste acé­ré. Bien joué !

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The Substance, de Coralie Fargeat, en com­pé­ti­tion à Cannes, sor­tie en salle cou­rant 2024. © Metropolitan Film Export.

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Les Femmes au bal­con, de Noémie Merlant, en Séance spé­ciale à Cannes, sor­tie en salle cou­rant 2024. © Tandem Films.

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