“Âme double” sur Arte : por­trait émou­vant d’un ado­les­cent non-binaire

Pendant qu’iel se maquille et se pré­pare pour le pow wow ¹ de sa com­mu­nau­té nar­ra­gan­sett dans l’État du Rhode Island, au Nord des États-​Unis, Sherente Harris livre devant la camé­ra son point de vue sur les normes de genre éta­blies par la socié­té amé­ri­caine. « Tout ce que nous caté­go­ri­sons comme mas­cu­lin ou fémi­nin est basé sur des cri­tères cultu­rels et sociaux. » Signé Stéphanie Lamorré, le docu Âme double suit pen­dant plus d’une heure le quo­ti­dien de Sherente, entre le lycée, chez iel et sa com­mu­nau­té. Ne vous fiez pas à son jeune âge et son visage pou­pon, du haut de ses 16 ans, Sherente sait ce qu’iel veut. La fraî­cheur de sa jeu­nesse ne l’empêche pas d’avoir des convic­tions déter­mi­nées et de les défendre au quo­ti­dien. Iel milite depuis son enfance pour la recon­nais­sance, au sein de sa com­mu­nau­té, des per­sonnes non-​binaires comme iel. A tra­vers la camé­ra de Stéphanie Lamorré, on découvre un ado­les­cent comme les autres qui s’habille un jour en jean pour le lycée et qui porte le len­de­main une robe et un rouge à lèvres brillant. Tout ça le plus natu­rel­le­ment du monde. Car et c’est l’essentiel, Sherente est entou­ré par une famille aimante et saine dans laquelle iel s’épanouit. 

Tradition 

Au sein de sa com­mu­nau­té, les per­sonnes non-​binaires comme Sherente sont appe­lées « âmes double », ou « bis­pi­ri­tuel ». Traditionnellement, ceux et celles qu’on appelle ain­si sont bien vu·es au sein de la com­mu­nau­té amé­rin­dienne, ils et elles sont même consi­dé­rées comme des per­sonnes sacré·es. Mais ces der­nières années, des membres du clan ont com­men­cé à por­ter des juge­ments sur les bis­pi­ri­tuels. Pour la maman de Sherente, ce rejet vient de la men­ta­li­té occi­den­tale qui a impré­gné leur com­mu­nau­té. Pour elle pour­tant, « le plus impor­tant est que nous tra­vaillons col­lec­ti­ve­ment pour res­ter connec­tés à nos tra­di­tions et que nos enfants les perpétuent. » 

Pour per­pé­tuer les tra­di­tions et lut­ter contre les pré­ju­gés, le com­bat de Sherente est aujourd'hui double : iel se bat à la fois pour la com­mu­nau­té LGBTQI+ et la com­mu­nau­té indi­gène. Iel y est d’ailleurs très investi.e. Iel parle la langue et par­ti­cipe ain­si aux groupes de parole où une mul­ti­tude de sujets variés sont abor­dés. Iel par­ti­cipe aus­si à des concours de danse au sein de sa com­mu­nau­té. « C’était com­pli­qué au début car les orga­ni­sa­teurs ne savaient pas dans quelle caté­go­rie me mettre, explique Sherente à la camé­ra. Ils ont fini par me mettre avec les filles où j’ai fini troisième. » 

Tolérance

Le dis­cours empreint de tolé­rance et d’ouverture de Sherente et de sa famille est une invi­ta­tion à la réflexion sur nos propres normes. Il est encore dif­fi­cile aujourd’hui pour de nombreux·ses jeunes dans le monde d’exprimer leur non-​binarité sans essuyer cri­tiques, insultes et agres­sions. Âme double est un film déli­cat et néces­saire qui dresse le por­trait d’un ado­les­cent au visage doux mais plein de combativité.

Âme double, de Stéphanie Lamorré, à voir sur Arte.tv.

1. un ras­sem­ble­ment fes­tif d’Amérindien·nes du Nord[↩]