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© Elena Mozhvilo

Gens de gauche, gens de droite : pour vivre heu­reux, vivons séparés ?

Une moi­tié de Terre pour les « gens de gauche », l'autre pour les « gens de droite », à pro­por­tion de la par­tie de l'humanité se récla­mant de l'une ou de l'autre, et avec éga­li­té de richesses et contraintes naturelles.

ÉDITO. L'autre fois, en voyant en Top Tweet sur Twitter les hash­tags #CeSeraMélenchon d'un côté et #JeVoteZemmourLe10Avril de l'autre, le tout au milieu de #Boutcha et #CrimeDeGuerre, je me suis trou­vée lasse et me suis posé une ques­tion. Ne serait-​il pas temps de décré­ter que, pour mieux vivre le reste du temps qu'il nous incombe à chacun·e, l'heure est venue de sépa­rer la Terre en deux ?

Une moi­tié pour les « gens de gauche », l'autre pour les « gens de droite », à pro­por­tion de la par­tie de l'humanité se récla­mant de l'une ou de l'autre, et avec éga­li­té de richesses et contraintes natu­relles (tu prends le Sahara, je récu­père l'Atacama).

Pour celles et ceux qui ne sau­raient se situer sur l'échiquier poli­tique aus­si cruel­le­ment et bête­ment syn­thé­ti­sé, un ques­tion­naire serait four­ni pour aider à voir plus clair : si vous deviez choi­sir entre ces deux valeurs car­di­nales, vous pren­driez plu­tôt la liber­té, ou l'égalité ? Et si vous pen­chez pour la liber­té des mœurs, que pensez-​vous de l'économie pla­ni­fiée ? En fait, en y pen­sant, on pour­rait rendre ce test obli­ga­toire, car je suis per­sua­dée que beau­coup de gens se racon­tant être de gauche sont des capi­ta­listes en puis­sance, notam­ment quand il s'agit de bien vou­loir arrê­ter de sur­con­som­mer pour sau­ver la pla­nète. À l'inverse, il me semble que pas mal de gens s'affichent de droite mais ignorent qu'au fond, ils ne sont pas prêts à renon­cer aux acquis sociaux dure­ment arra­chés par la gauche. Donc test obli­ga­toire pour tout le monde.

Grand reset

Une fois l'humanité scien­ti­fi­que­ment divi­sée en deux caté­go­ries (à cet égard, les pro­por­tions seront cer­tai­ne­ment inat­ten­dues), une fois le monde par­ta­gé en deux, on pro­cède à un démé­na­ge­ment des un·es et des autres, puis chaque grande nou­velle Nation (l'une de gauche, l'autre de droite), mène sa vie comme elle l'entend.

Et là, ça com­mence à être inté­res­sant. Que se passe-​t-​il donc ?

Serait-​on, de chaque bord de ce nou­veau monde, plus heu­reux entre soi, entre gens qui pensent comme nous et avec qui il est cohé­rent de faire société ?

La démo­cra­tie de la Nation de gauche va-​t-​elle tenir sans auto­ri­ta­risme, en par­tant du pré­sup­po­sé que, dans cette Nation de gauche, per­sonne n'a rien contre la fin de la domi­na­tion des un·es sur les autres ? Les gens de gauche accepteront-​ils, à la longue, d'avoir les mêmes pri­vi­lèges que l'ensemble des membres de la Nation ou chercheront-​ils à se sin­gu­la­ri­ser par l'argent ou le pou­voir ? Seront-​ils, dès lors, envoyés de force dans la par­tie droite du monde, mais par cet acte, la Nation de gauche ne prendra-​t-​elle pas auto­ma­ti­que­ment fin ?

La Nation de droite optera-​t-​elle pour une forme démo­cra­tique ou ne verra-​t-​elle pas d'inconvénient à être diri­gée par une figure forte pro­met­tant plus d'efficacité ? Les gens de droite feront-​ils acte de ser­vi­tude volon­taire ? Dans une socié­té où le capi­ta­lisme sera défi­ni­ti­ve­ment sau­vage, la mise en concur­rence des indi­vi­dus en met­tra sur le car­reau : pau­pé­ri­sés, voudront-​ils rejoindre l'autre par­tie du monde ou resteront-​ils de droite et si oui, bon sang, pourquoi ?!

Échanges cultu­rels & échanges d'enfants

Malgré ces dif­fi­cul­tés, il n'empêche : ima­gi­nez une Nation de gauche où plus aucune femme ne sera emmer­dée parce qu'elle avorte (être en accord avec le droit à l'IVG sera un impé­ra­tif pour réus­sir le test d'entrée de la Nation de gauche). À l'inverse, ima­gi­nez une Nation de droite où les gens de droite ne paie­ront, enfin, plus d'impôt ! On ne sait pas trop com­ment la Nation de droite finan­ce­ra son hôpi­tal public et ses écoles, c'est un secret d'État, mais on se réjouit pour le peuple de droite qu'il soit heu­reux comme ça.

Des échanges cultu­rels et ami­caux façon « cor­res­pon­dance avec un·e étranger·ère » pour­ront être mis en place entre les deux Nations, dans une optique d'enrichissement intel­lec­tuel pour les deux par­ties, mais aus­si dans le but de main­te­nir une rela­tion paci­fique. Nous ne sommes en effet pas à l'abri des vel­léi­tés expan­sion­nistes de la Nation de droite, ni des risques que la Nation de gauche se sente sou­dai­ne­ment inves­tie de la néces­si­té d'aller convaincre par les armes les gens de la Nation de droite qu'être de gauche est l'option la plus huma­niste possible.

Il est à envi­sa­ger qu'une troi­sième par­tie de la pla­nète, du type Groenland ou Arctique, soit confiée aux deux Nations pour y éta­blir une colo­nie com­mune où envoyer les récalcitrant·es de gauche ou de droite. Car en effet, après vingt ans de vie de ce nou­veau monde, il est pro­bable que les nou­velles géné­ra­tions – les enfants des gens ayant fon­dé les Nations – prennent le contre­pied poli­tique de leurs parents. Au besoin et après leur avoir refait pas­ser le test, on pour­ra échan­ger des enfants de gauche rési­dant sur le sol de droite avec des enfants de droite nés en terre de gauche.

Une solu­tion à la crise écologique ?

Enfin, en ce qui concerne la dimen­sion éco­lo­gique de l'expérience, il sera là encore très inté­res­sant pour notre connais­sance de l'aventure humaine de voir com­ment évo­luent les deux Nations. La Nation de gauche n'aura plus aucune excuse (ni grand·e patron·ne, ni politicien·ne oisif·ve) der­rière laquelle se réfu­gier pour ne pas, enfin, mener à bien la tran­si­tion éco­lo­gique per­met­tant sa sur­vie. Après avoir cra­mé ses der­nières réserves d'hydrocarbures, la Nation de droite devrait théo­ri­que­ment se rendre à l'évidence que dans les fon­da­men­taux de ses valeurs, on trouve aus­si l'attachement au pas­sé et à la Nature et se résoudre à pas­ser au moins à la crois­sance verte. Dans cette pers­pec­tive, il ne faut pas oublier non plus l'esprit gen­ti­ment concur­ren­tiel entre ces deux Nations, qui pour­raient alors riva­li­ser d'ingéniosité et de cou­rage pour être la pre­mière à dépol­luer défi­ni­ti­ve­ment sa terre.

En atten­dant que cette étrange dys­to­pie voie le jour, allez voter dimanche.

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