Chaque mois, on demande à quelqu’un·e pourquoi il ou elle se lève le matin. La réponse en dessins.
![Alexandre, la relève de l'ostréiculture familiale 1 Huitres 031](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/02/Huitres_031-1024x576.jpg)
Chez les Prod’homme, on est ostréiculteur depuis trois générations. Alexandre, 41 ans, n’a pas vraiment eu le choix. « Mon grand-père était marin. À l’époque, comme il n’y avait pas de retraite, l’État nous donnait des parcelles pour compléter les revenus des familles. Ma grand-mère a commencé en 1948. Beaucoup de Cancalais étaient petits parqueurs. On travaillait les huîtres dans le garage. Pendant les fêtes de fin d’année, il y en avait même dans la cuisine de ma grand-mère. Jusque dans les années 1960, où l’activité s’est professionnalisée. Les gros ont voulu virer les petits, ma mère a racheté les parcs de la famille. Nous sommes devenus exploitants producteurs. »
C’est ici que l’on « travaille » les huîtres. On les trie, les emballe, les « dédouble ». Les huîtres, sur les parcs, sont contenues dans des sacs de maille, les « poches ». Régulièrement, on sort les poches de l’eau pour les diviser en deux et mettre la moitié des huîtres dans une autre poche, afin qu’elles aient la place de grandir. C’est ça « dédoubler ». Elles passent de 620 bébés huîtres (le naissain) par poche au départ, à 180. Elles sont alors prêtes pour la vente, trois ans plus tard.
![Alexandre, la relève de l'ostréiculture familiale 2 Huitres 111](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/02/Huitres_111-1024x476.jpg)
La mère d’Alexandre, Annick, est une figure locale. Il faut dire qu’une femme dans les parcs, ce n’était pas banal, et jusqu’à 65 ans, ça relève de l’exploit. Prendre sa suite n’a pas été simple. Au changement de génération s’ajoutait un changement de rapport au travail. « Ma mère était une droguée du boulot. Sa maison, c’était le chantier. Ma femme et moi, on a changé des petites choses pour moderniser, pouvoir souffler. La vie, ce n’est pas que le boulot. Je vois les gens passer à Cancale, toujours en vacances. Nous, on travaille 70 heures par semaine. À part nos quatre semaines de congés, le temps libre n’existe pas. » Les tensions sont arrivées. « Rompre avec un associé, ce n’est pas simple. Quand cet associé est ta mère… C’est compliqué. »
![Alexandre, la relève de l'ostréiculture familiale 3 Huitres 101](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/02/Huitres_101-1024x576.jpg)
Pendant la « morte-eau », marée de faible amplitude, les parcs ne sont pas accessibles. Les huîtres sont alors stockées au dépôt : près du rivage.
![Alexandre, la relève de l'ostréiculture familiale 4 Huitres 061](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/02/Huitres_061-1024x590.jpg)
À ses débuts, Alexandre voyait grand. « J’ai voulu travailler avec les GMS [grandes et moyennes surfaces]. Rapidement, elles m’ont mis une telle pression… je n’en dormais plus. Aujourd’hui, j’ai trouvé un équilibre. Ma femme, moi, mon ouvrier Arnaud et une vendeuse. Des saisonniers au besoin. Je pourrais faire 150 tonnes par an, j’en fais 70. Je veux rester tranquille, ne pas me mettre en danger. C’est ça l’avenir : les entreprises les plus petites seront les plus solides. Un petit volume, c’est un produit plus frais, les gens ont plus confiance. »
![Alexandre, la relève de l'ostréiculture familiale 5 Huitres 081 1](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/02/Huitres_081-1-931x1024.jpg)
Pendant trois heures, les deux hommes vont travailler les pieds dans la vase, seuls dans l’immensité de la baie. « Les gens viennent l’été et nous disent : “Vous faites un beau métier.” J’ai envie de leur dire : “Reviens l’hiver, avec la pluie et le vent…” »
![Alexandre, la relève de l'ostréiculture familiale 6 Huitres 041](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/02/Huitres_041-1024x742.jpg)
![Alexandre, la relève de l'ostréiculture familiale 7 Huitres 071](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/02/Huitres_071-1024x698.jpg)
En une journée, c’est une tonne d’huîtres qu’il aura fallu charger, décharger, retourner, recharger, décharger à nouveau… Un travail de forçat pour un produit exceptionnel. D’ailleurs, la culture des huîtres de Cancale pourrait entrer cette année au patrimoine mondial de l’Unesco !
![Alexandre, la relève de l'ostréiculture familiale 8 Huitres 011](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/02/Huitres_011-1024x789.jpg)