Alexandre, la relève de l'ostréiculture familiale

Chaque mois, on demande à quelqu’un·e pour­quoi il ou elle se lève le matin. La réponse en dessins. 

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© Illustrations : Camille Besse

Chez les Prod’homme, on est ostréi­cul­teur depuis trois géné­ra­tions. Alexandre, 41 ans, n’a pas vrai­ment eu le choix. « Mon grand-​père était marin. À l’époque, comme il n’y avait pas de retraite, l’État nous don­nait des par­celles pour com­plé­ter les reve­nus des familles. Ma grand-​mère a com­men­cé en 1948. Beaucoup de Cancalais étaient petits par­queurs. On tra­vaillait les huîtres dans le garage. Pendant les fêtes de fin d’année, il y en avait même dans la cui­sine de ma grand-​mère. Jusque dans les années 1960, où l’activité s’est pro­fes­sion­na­li­sée. Les gros ont vou­lu virer les petits, ma mère a rache­té les parcs de la famille. Nous sommes deve­nus exploi­tants pro­duc­teurs. »
C’est ici que l’on « tra­vaille » les huîtres. On les trie, les emballe, les « dédouble ». Les huîtres, sur les parcs, sont conte­nues dans des sacs de maille, les « poches ». Régulièrement, on sort les poches de l’eau pour les divi­ser en deux et mettre la moi­tié des huîtres dans une autre poche, afin qu’elles aient la place de gran­dir. C’est ça « dédou­bler ». Elles passent de 620 bébés huîtres (le nais­sain) par poche au départ, à 180. Elles sont alors prêtes pour la vente, trois ans plus tard. 

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La mère d’Alexandre, Annick, est une figure locale. Il faut dire qu’une femme dans les parcs, ce n’était pas banal, et jusqu’à 65 ans, ça relève de l’exploit. Prendre sa suite n’a pas été simple. Au chan­ge­ment de géné­ra­tion s’ajoutait un chan­ge­ment de rap­port au tra­vail. « Ma mère était une dro­guée du bou­lot. Sa mai­son, c’était le chan­tier. Ma femme et moi, on a chan­gé des petites choses pour moder­ni­ser, pou­voir souf­fler. La vie, ce n’est pas que le bou­lot. Je vois les gens pas­ser à Cancale, tou­jours en vacances. Nous, on tra­vaille 70 heures par semaine. À part nos quatre semaines de congés, le temps libre n’existe pas. » Les ten­sions sont arri­vées. « Rompre avec un asso­cié, ce n’est pas simple. Quand cet asso­cié est ta mère… C’est compliqué. »

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Pendant la « morte-​eau », marée de faible ampli­tude, les parcs ne sont pas acces­sibles. Les huîtres sont alors sto­ckées au dépôt : près du rivage.

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À ses débuts, Alexandre voyait grand. « J’ai vou­lu tra­vailler avec les GMS [grandes et moyennes sur­faces]. Rapidement, elles m’ont mis une telle pres­sion… je n’en dor­mais plus. Aujourd’hui, j’ai trou­vé un équi­libre. Ma femme, moi, mon ouvrier Arnaud et une ven­deuse. Des sai­son­niers au besoin. Je pour­rais faire 150 tonnes par an, j’en fais 70. Je veux res­ter tran­quille, ne pas me mettre en dan­ger. C’est ça l’avenir : les entre­prises les plus petites seront les plus solides. Un petit volume, c’est un pro­duit plus frais, les gens ont plus confiance. »

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Pendant trois heures, les deux hommes vont tra­vailler les pieds dans la vase, seuls dans l’immensité de la baie. « Les gens viennent l’été et nous disent : “Vous faites un beau métier.” J’ai envie de leur dire : “Reviens l’hiver, avec la pluie et le vent…” » 

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En une jour­née, c’est une tonne d’huîtres qu’il aura fal­lu char­ger, déchar­ger, retour­ner, rechar­ger, déchar­ger à nou­veau… Un tra­vail de for­çat pour un pro­duit ­excep­tion­nel. D’ailleurs, la culture des huîtres de Cancale pour­rait entrer cette année au patri­moine mon­dial de l’Unesco !

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