Tous les ans, la journée du 19 juillet est consacrée à sensibiliser le public aux activités humanitaires et à rendre hommage aux travailleur·euses qui risquent leur vie en portant secours. Causette dresse un état des lieux de la situation de l’action humanitaire dans le monde.
En 2020, 108 travailleur·euses humanitaires ont été tués, 242 blessés et 125 kidnappés, selon l’organisation Aid Worker Security Database. Cette année, 78 ont déjà trouvé la mort en mission. La grande majorité d'entre eux sont des travailleur·seuses humanitaires nationaux, plus exposés aux risques car intervenant souvent en première ligne. La journée mondiale de l’aide humanitaire leur rend hommage. Elle est célébrée le jour anniversaire de l’attaque visant le complexe des Nations Unies à Bagdad, le 19 août 2003, qui a coûté la vie à 22 personnes. Depuis, l’ONU estime à 117% l’augmentation du nombre d’attaques à l’encontre des acteurs humanitaires.
Pourtant, les besoins humanitaires dans le monde sont sans précédent et le travail des ONG est primordial. Selon les organismes onusiens, près de 235 millions de personnes ont actuellement besoin d’une aide humanitaire. « Avec les conflits qui durent, la crise environnementale et les conséquences du Covid, il va notamment y avoir une crise aiguë de faim, la situation va être terrible », déplore à Causette Camille Gosselin, responsable Plaidoyer et Politiques Humanitaires à Action contre la Faim.
Directement pris pour cibles
« Le fondement de notre action, c’est de nous trouver dans des pays hautement insécuritaires, explique Isabelle Mouniaman, directrice adjointe des opérations de Médecins Sans Frontières, nous sommes donc confrontés à des risques, comme récemment avec le tremblement de terre en Haïti ». Toutefois, au-delà de ces incidents, les ONG sont parfois directement prises pour cibles et empêchées dans leur travail sur le terrain. En juin, trois employés de MSF ont été tués en Ethiopie. « Nous sommes particulièrement sensibles à cette problématique car nous sommes régulièrement touchés. Une membre d’Action Contre la Faim est retenue au Nigéria depuis 2019… », explique Camille Gosselin.
Cette situation impacte le travail quotidien des ONG et l’aide apportée. « Notre but premier est d’être sur place et d’appuyer les populations mais il y a des moments ou l’on est obligé de mettre temporairement en hibernation nos activités pour assurer la sécurité de nos équipes », continue le responsable d’ACF. « On n’évalue pas une situation uniquement à la lumière des besoins mais aussi en fonction de notre capacité à travailler ou pas, détaille Isabelle Mouniaman, par exemple, au vu de la détérioration du contexte depuis quelques mois à Haïti, on a fermé un hôpital car le staff et les patients n’étaient plus en sécurité ». Les ONG doivent ainsi en permanence arbitrer entre toutes ces considérations.
Mépris croissant du droit international humanitaire
Il y a aujourd’hui beaucoup plus d’interventions humanitaires qu’auparavant, ce qui implique plus d’incidents. Toutefois, Camille Gosselin estime que les conditions de travail du personnel humanitaire se dégradent : « le droit international humanitaire est de plus en plus souvent bafoué. Il était communément admis mais certaines de ces modalités ne sont plus respectées par certains acteurs ». Il y a une réduction de ce que l’on appelle « l’espace humanitaire », cet espace symbolique de liberté d’intervention pour protéger les populations et les travailleur·ses humanitaires.
La forme des conflits a beaucoup évolué, touchant de plus en plus les populations civiles, auprès desquelles sont basées les ONG, ce qui explique notamment la dégradation des conditions de travail des humanitaires. La multiplication des acteurs dans les zones d’intervention entraîne la multiplication des interlocuteurs. « Notre capacité à ouvrir la discussion avec tous les partis, c’est ça qui fait qu’on est accepté, explique Isabelle Mouniaman, l’impartialité permet la confiance et donc que l’on puisse faire notre travail sur le terrain ».
Appel aux instances internationales
En juillet, plusieurs ONG dont Action contre la Faim ont rédigé un plaidoyer appelant à un renforcement de la protection de l'espace humanitaire devant le Conseil de Sécurité de l’ONU. Ils dénoncent notamment un manque d’action et des résolutions non mises en œuvre. Conséquences, une décrédibilisation des organismes internationaux aux yeux de certains belligérants. « La lutte contre l’impunité est primordiale pour protéger les acteurs humanitaires, les coupables d’actes contre les travailleurs humanitaires doivent être jugés ou rien ne changera », explique Camille Gosselin.
Malgré cela, les ONG se veulent optimistes. « En 2020, on a ouvert 96 projets et à part quelques rares endroits, comme l’intérieur de la Syrie par exemple, on arrive à rester sur place, à fournir de l’aide et on continue à recruter », affirme la directrice adjointe des opérations de Médecins Sans Frontières. Un sentiment partagé par Camille Gosselin : « il y a eu des avancées très importantes ces derniers temps sur la promotion de l’espace humanitaire, maintenant on attend de voir comment cela sera transformé sur le long terme ».