
ÉDITO
Cela semble si loin. Et pourtant, une semaine avant que le monde se mette sur pause, le 8 mars, on battait encore le pavé pour la Journée internationale des droits des femmes. Certaines étaient venues masquées, un peu stressées, mais toujours déterminées. Après la grande vague violette du 23 novembre, on n’allait pas s’arrêter de marcher en si bon chemin. Et puis voilà. Clac. Le verrou fermé à double tour. Une autre peur, plus grande peutêtre, plus immédiate, sans doute, a pris le dessus. Et on peut le comprendre sans peine. Mais presque aussi rapidement, comme si l’Histoire venait confirmer fissa la célèbre maxime de Simone de Beauvoir, on a vu s’abattre le danger sur une moitié de l’humanité. « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question », écrivait-elle dans Le Deuxième Sexe. La période nous le prouve tristement. Recul de l’accès à l’avortement, augmentation des violences conjugales, mères célibataires en précarité financière et psychique, et gros retour de bâton du côté de la charge mentale et domestique dans les foyers. L’addition est salée. Et sans parler de celles qui sont en première ligne. Les infirmières, aides-soignantes, femmes de ménage, caissières, aides à domicile, enseignantes, dont l’indécence des salaires au regard du travail indispensable fourni saute (enfin !) aux yeux de presque toutes et tous. On l’a beaucoup dit, beaucoup lu. Mais il ne faut pas se lasser de le répéter. Car aussitôt cette crise terminée, tout risque d’être oublié, enterré. « Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant », ajoutait Beauvoir. Alors, vigilantes, nous le sommes et le resterons. Ici, comme ailleurs.
C’est pourquoi il nous fallait, malgré les difficultés, sortir ce numéro. Pour nous maintenir, plus que jamais, à notre poste de vigie. Mais également parce qu’il nous semblait impossible de ne pas vous accompagner dans ce moment si spécial. Pour cette fois, ce ne sera pas en version papier, mais on commence à avoir l’habitude de ne plus rien toucher… Les amours virtuelles, c’est pas mal aussi, non ? Et comme il n’y a pas que le féminisme dans la vie et que l’humour est la politesse du désespoir, nous avons tenté de vous concocter un numéro rigolo. Histoire de souffler entre une lessive, les devoirs du petit et une session de télétravail dans le dressing. Ou de travail tout court, sur le terrain : nous vous savons nombreux·euses à nous lire, les premières lignes.
D’ici là, courage. On est là. Et à dans un mois, en kiosques ou dans vos boîtes aux lettres. On fera tout pour en tout cas.