C’est quoi la recette d’un clip de pop anti-sexiste ? Pour Julien Doré, tu prends l’habituel combo comédiennes au physique de mannequin + petites tenues + poses sexy, MAIS tu y glisses un plan où l’une d’elles lit Mona Chollet et un autre plan où la ribambelle de meufs au physique validé par le patriarcat regardent dans une salle de ciné le discours de Simone Veil à l’Assemblée lors du vote de la loi légalisant l’IVG.
Le 24 juillet, le musicien et chanteur qu’on adore pour ses ballades romantico-langoureuses, publiait un remix (par Uslef) de sa chanson La Fièvre, qui, à la base, évoquait le changement climatique. Même air sirupeux et entêtant, mêmes paroles nébuleuses, mais un morceau transformé en La Fever, à l’occasion du remix et du nouveau clip. Le protagoniste masculin avec un planisphère à la place de la tête du clip de La Fièvre est cette fois non plus aux prises avec les excès du capitalisme, mais est apparemment englué dans des excès de consommation de femmes-potiches, façon Weinstein. Car cette fois, Julien Doré se propose, avec ce nouveau clip réalisé par Brice VDH, de dénoncer le sexisme.
Niveau paroles, on peut éventuellement admettre que le crooner suave aux cheveux longs questionne certains écueils de la masculinité : « Je veux plus écrire les peines que le féminin m’a fait » (Julien range au placard ses male tears) /« Dites à Jacquie et Michel de venir me chercher » (Julien conscientise les représentations problématiques des femmes dans le porno mainstream). Un petit pas vers la déconstruction plutôt sympathique.
Mais pour le reste, on repassera. Julien a beau dédicacer cette œuvre « à [s]es grand-mères, à [s]a maman » et même, dans un élan de générosité certain, « à toutes les femmes », on ne voit pas très bien où est le féminisme dans ces nanas que la caméra couve d’un œil transpirant le male gaze, à grand renfort de focales sur fessiers musclés.
Pour Les Inrocks, il s’agit d’un « clip ironique » qui « tente de se moquer des clichés sexistes ». Apparemment aussi dubitatif que nous, le site tient à « préciser d’emblée » que « tous les droits de ce clip et de ce remix seront reversés à la Fondation des femmes ». Laquelle fondation, d’ailleurs, s’en est félicitée. De notre point de vue, Julien Doré et Brice VDH se sont fait plaisir en mettant en scène de jolies pépettes sans parvenir à convaincre de la dimension féministe de la démarche : les cautions Mona Chollet et Simone Veil ne suffisent pas à politiser l’affaire. Et on aurait mieux fait, sur ce coup-là, de les laisser tranquilles.
D'ailleurs, Mona Chollet l'a clairement exprimé.