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© Oleg Laptev / Unsplash

Tribune : “Nous, jeunes femmes jour­na­listes en for­ma­tion, dénon­çons le sexisme qui règne dans la pro­fes­sion avant même l’embauche”

Les femmes de la 28e pro­mo­tion de la licence Presse de proxi­mi­té de l’ESJ Lille dénoncent le sexisme qui règne dans la pro­fes­sion avant même l’embauche.

Toi, tu vas l’avoir ton stage…” Cette phrase, on vou­drait l’entendre après une pré­sen­ta­tion réus­sie. Pas lors d’une soi­rée, de la bouche d’un homme de l’âge de notre père qui nous la glisse à l’oreille d’un ton char­gé de sous-entendus.

Chaque année, le congrès de la presse heb­do­ma­daire régio­nale (PHR) ras­semble de nom­breux édi­teurs de presse locale. Les étu­diants de la licence pro­fes­sion­nelle “Presse de proxi­mi­té” de l’École supé­rieure de jour­na­lisme de Lille (ESJ Lille) sont tra­di­tion­nel­le­ment conviés. Mi-​juin, à Laval, nous y avons donc pré­sen­té notre tra­vail de l’année, un maga­zine thé­ma­tique et deux quo­ti­diens édi­tés durant le congrès.

Si nous avons été féli­ci­tées pour notre tra­vail, nous nous sommes éga­le­ment sen­ties humi­liées, par­fois consi­dé­rées comme des proies. “J’informais les per­sonnes pré­sentes qu’elles pou­vaient par­ti­ci­per à un quiz avec un panier gar­ni à la clé, un homme m’a répon­du avec un sou­rire : ‘C’est vous, le lot à gagner ?’”

Scénario simi­laire en dis­tri­buant les jour­naux à l’entrée. “Un homme s’est appro­ché. Je lui ai ten­du un jour­nal. Il m’a dit qu’il aime­rait me pré­sen­ter à plein de col­lègues en me relu­quant. Je lui avais juste dit bon­jour.” Ce n’est pas nou­veau, la pro­mo­tion d’il y a vingt-​trois ans fai­sait déjà état de “pro­po­si­tions dou­teuses et de blagues gra­ve­leuses”.

Une fois la jour­née de confé­rences ter­mi­née, met­tez des édi­teurs, employeurs poten­tiels, face à de jeunes femmes jour­na­listes en pleine construc­tion pro­fes­sion­nelle, arro­sez le tout d’alcool et vous obtien­drez une atmo­sphère mal­saine. Regards insis­tants, remarques dépla­cées et gestes mal­ve­nus, le congrès a été un concen­tré de ces vio­lences que nous pou­vons subir dans l’exercice de notre pro­fes­sion. Ces actes, signa­lés dès le len­de­main aux orga­ni­sa­teurs de l’événement, répondent à la défi­ni­tion de l’outrage sexiste ou sexuel aggra­vé, un délit puni d’une amende de 3 750 euros.

Nous relayons l’actualité locale et natio­nale. C’est notre métier. Nous décri­vons des réa­li­tés. Nous témoi­gnons aujourd’hui de cette atmo­sphère étouf­fante, non sans dif­fi­cul­té face aux pres­sions dont nous avons pu faire l’objet.

Ce malaise, nous le vivons aus­si dans nos rédac­tions locales, iso­lées, où nous n’avons par­fois qu’une poi­gnée de col­lègues et pas tou­jours de syn­di­cats sur place à qui nous adres­ser. Nous sommes fati­guées de ne pas être écou­tées. Quand la pro­fes­sion changera-​t-​elle ? Combien d’écoles devront faire atten­tion à ne pas envoyer de jeunes femmes dans cer­tains jour­naux, dans cer­taines rédac­tions ? Combien d’entre nous renon­ce­ront à leur rêve par peur de vio­lences ? Les men­ta­li­tés doivent pro­fon­dé­ment évo­luer. Le jour­na­lisme est, aus­si, un métier de femmes. Nous y avons toute notre place. Nous ne tolé­re­rons pas ces violences.

Les femmes de la 28pro­mo­tion de la licence Presse de proxi­mi­té de l’ESJ Lille

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