Le must du mois
Dérapages : le cadre se rebiffe
C’est du bon boulot, sans mauvais jeu de mots. De fait, Dérapages traite bel et bien du chômage des seniors, mais sans pincettes. Mieux encore : cette création originale française adopte la forme audacieuse d’un thriller en six épisodes, aussi glaçants que poignants. Palpitants.
Adaptée librement du roman Cadres noirs, de Pierre Lemaitre, cette nouvelle série concentre sa force de frappe sur le personnage attachant d’Alain, un DRH âgé de 57 ans que six années de chômage, de déclassement social et de petits boulots humiliants, ont anéanti. Jusqu’au jour où sa candidature est retenue par une multinationale prestigieuse. De quoi reprendre du poil de la bête ! Seul hic : avant d’être embauché, il doit se prêter à un jeu de rôles assez odieux. À savoir une prise d’otages au cours de laquelle, bien sûr, rien ne va se passer comme prévu.
Oscillant entre l’intime et le politique, notamment par le biais de la voix off d’Alain (les deux tiers du récit sont construits sur un flash-back), Dérapages dégage un sentiment de cohérence rare en dépit de ses excès assumés. Sans doute parce qu’elle porte un regard sans concession sur notre société ultra libérale. Raccord avec sa brutalité, en somme, d’autant que la réalisation de Ziad Doueiri (Baron noir) est au cordeau. Sans doute, encore, parce que les personnages qui gravitent autour d’Alain (sa femme, ses filles, son meilleur pote, les dirigeants de la multinationale) ont le temps d’exister. S’ils étoffent le point de vue de la série par leur diversité, ils nous racontent tous, aussi, à quel point cette société est impitoyable. Et sans doute, enfin, parce que son casting ne commet aucune sortie de route. Mention spéciale à Éric Cantona dans le rôle d’Alain. À part chez Ken Loach, il n’a jamais été aussi juste. Du bon boulot, vraiment.
Dérapages, de Ziad Doueiri. Série de 6 épisodes de 52 min. Les 23 et 30 avril, à 20 h 55 sur Arte. En intégralité sur Arte.tv du 16 avril au 13 mai.
En replay
Visible : Out on Television
De l’exclusion (méprisante) à l’inclusion (classieuse), la télévision américaine a toujours entretenu une relation « compliquée » avec la communauté LGBTI+. Nul hasard dans ce pays taraudé par la religion et la norme. Ce que montre cette série documentaire passionnante, à travers nombre d’archives (sitcoms, talk-shows, téléfilms, séries, reportages d’actualité) et de témoignages (d’Ellen DeGeneres à Oprah Winfrey ou Neil Patrick Harris…). La forme est certes classique, mais le fond – qui nous balade des années 1950 aux années 2020 – est tour à tour sidérant, bouleversant ou brillant. In fine, ce voyage tumultueux nous rappelle à quel point la petite lucarne peut façonner les mentalités. Aujourd’hui comme hier.
Visible : Out on Television, de Ryan White. Série de 5 épisodes de 52 min,
disponibles sur AppleTV+.
À surveiller
Le Bureau des légendes, saison 5
Qu’est-il arrivé à Marie-Jeanne ? Telle est l’une des questions posées par la cinquième et nouvelle saison du Bureau des légendes… Méchant teasing ! De fait, cette série française hyper populaire, qui raconte les coulisses de la DGSE et le parcours de l’espion Malotru, a fait de chacun·e de nous un·e pro du renseignement. Donc du secret. Impossible, dès lors, de vous en dire davantage, si ce n’est que le personnage de Marie-Jeanne (interprété par Florence Loiret Caille) s’étoffe, que le sémillant Louis Garrel y fait une très convaincante apparition, que l’on se promène de Paris à Moscou et du Caire à Djedda, et qu’Éric Rochant, brillant créateur-auteur-producteur, signe ici sa dernière saison. En beauté : il cède sa place à Jacques Audiard pour les deux derniers épisodes.
Le Bureau des légendes (saison 5), d’Éric Rochant. Série de 10 épisodes inédits de 52 min, à partir du 6 avril en exclusivité sur Canal + et sur MyCanal.