blue and white desk globe on green grass field during daytime
© Guillaume de Germain

Délit d’écocide : la pro­po­si­tion du gou­ver­ne­ment déçoit les écolos

C’était l’une des 149 mesures proposées par la Convention citoyenne pour réduire de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Pourtant, ce n’est pas le « crime » d’écocide qui sera inscrit dans le Code pénal, mais un simple délit général de pollution. Un changement de cinq lettres, annoncé le 22 novembre dernier, qui passe mal pour de nombreux militant·es écologistes.

Du crime au délit. Dans leur rapport final remis au gouvernement en juin dernier, les 150 citoyens de la Convention citoyenne pour le climat demandaient la création du crime d’écocide. Cinq mois plus tard, le 22 novembre, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili et le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, annoncent, dans un entretien accordé au Journal du dimanche, la création non pas d’un crime, mais d’un « délit d’écocide », visant à prévenir et à sanctionner les atteintes graves, étendues et durables à l’environnement. Exit donc la notion de crime. Le garde des Sceaux faisant valoir un problème de constitutionnalité à l’égard du mot « crime ». « Avec Éric Dupond-Moretti, on a mis en place, et on va le faire voter dans la loi de la semaine prochaine, un grand délit qui va permettre de faire payer tous ceux qui, soit sans le faire exprès, soit parce qu’ils l’ont voulu et parce qu’ils ont fait exprès, portent des atteintes à l’environnement », s’est enthousiasmée Barbara Pompili.

Un enthousiasme loin d’être partagé par tous. « La proposition qui sera présentée aux députés est infiniment moins ambitieuse que celle portée par la Convention citoyenne et ne correspond pas aux définitions internationales de l’écocide », déplore ainsi le réalisateur et militant Cyril Dion sur Twitter, entre autres messages doutant de la véritable portée de cette annonce.

Lire aussi ; Convention citoyenne pour le climat : un gadget pour l’Élysée ?

Délit d’écocide ou délit général de pollution ?

Car concrètement, le gouvernement prévoit en réalité deux délits. Un délit général de pollution, avec des pénalités ajustées en fonction de l’intentionnalité de l’auteur : une « infraction d’imprudence », une « violation manifestement délibérée d’une obligation » ou la plus lourde, l’« infraction intentionnelle », détaille Éric Dupond-Moretti au Journal du dimanche. Le gouvernement prévoit également un délit de mise en danger de l’environnement. Contrairement au premier, les sanctions pourront s’appliquer y compris quand l’atteinte à la nature n’a pas encore eu lieu. « Le texte vise à pénaliser la mise en danger délibérée de l’environnement par des violations délibérées d’une obligation », ajoute le garde des Sceaux.

De quoi laisser un arrière-goût amer à Marie Toussaint, eurodéputée écologiste et cofondatrice de l’association Notre affaire à tous. Si l’eurodéputée, jointe par Causette, salue le fait que le gouvernement se saisisse de la question, elle déplore toutefois l’abandon de la notion de « crime d’écocide ». « La création d’un délit général de pollution, de même que la création d’un délit de mise en danger de l’environnement sont deux progrès demandés depuis longtemps, souligne-t-elle. Mais on reste quand même très loin de l’esprit initial du texte de la Convention citoyenne. »

« Les crimes qui mettent en danger la planète doivent enfin être considérés comme tels par le droit pénal »

Marie Toussaint, eurodéputée écologiste et cofondatrice de l’association Notre affaire à tous

Pour comprendre les enjeux de l’écocide, il est bon de revenir à son étymologie. « éco » vient du grec oikos, la maison, et « cide », du latin caedere, tuer. L’écocide est donc la destruction de notre maison commune, la Terre. Depuis son apparition dans les années 1970, pendant la guerre du Vietnam – après que l’armée américaine a largué sur le pays des tonnes d’agent orange, ce défoliant chimique très toxique qui a saccagé une grande partie de la forêt vietnamienne et dont les conséquences sur la population se font encore sentir aujourd’hui –, les exemples ne manquent pas. Le naufrage de l’Erika au large de la Bretagne en 1999, la déforestation de l’Amazonie, la pollution régulière des sols et de l’eau par des produits chimiques, ou encore la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon en 2011 sont autant d’écocides. Et s’ils ont beau constituer les crimes les plus graves en matière d’environnement, ces écocides ne sont pas reconnus dans le droit international, contrairement au génocide, au crime de guerre ou au crime contre l’humanité. Une absence qui complique donc la poursuite et la sanction des criminels à travers le monde.

Lire aussi : « Les impacts de la pollution des sols post-exploitation peuvent être graves sur l’environnement »

Reste qu’en France – sous réserve du vote de l’Assemblée nationale qui aura lieu la semaine prochaine –, entreprises polluantes, agriculteur·rices ou particuliers peu attentif·ives à l’environnement pourront donc désormais être passibles d’amendes de 100 000 à 4,5 millions d’euros, mais également de peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à dix ans. Et pour faire appliquer la loi, le gouvernement prévoit la création d’une juridiction spécialisée de l’environnement avec un tribunal spécialisé dans chaque cour d’appel, ainsi que des postes d’assistant·es spécialisé·es en matière environnementale.

« Chacun sait qu’un délit n’est pas un crime, ajoute Marie Toussaint. En l’état, avec cette proposition, le gouvernement envoie donc le message qu’au final un écocide est une infraction mineure non moralement condamnable. Les crimes qui mettent en danger la planète doivent enfin être considérés comme tels par le droit pénal. »

Lire aussi : Solène Ducrétot : pour la planète et pour les femmes, « l’écoféminisme veut faire des émotions un moteur de la lutte »

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.