Lhémicycle du Sénat français en septembre 2009
L'hémicycle du Sénat français en septembre 2009. ©Wikimedia Commons / Romain Vincens

Mélanie Vogel : « Aucun pays n’est immu­ni­sé face aux attaques contre le droit à l’avortement »

À la veille de l’examen en première lecture et d’un probable rejet au Sénat d’une proposition de loi visant à inscrire le droit à l’IVG et à la contraception dans la Constitution, la sénatrice écologiste Mélanie Vogel défend son texte rejeté par la commission des Lois la semaine dernière.

Inscrire le droit à l’avortement et à la contraception dans la Constitution est un engagement que Mélanie Vogel semble avoir chevillé au corps. À la veille de la première lecture au Sénat de son texte lors d'une niche parlementaire du groupe écologiste, la sénatrice écolo s’est longuement exprimée ce 18 octobre avec d’autres co-rapporteur·trices lors d’une conférence de presse. Le texte qu'elle a déposé début septembre propose d’inscrire le droit à l’Interruption volontaire de grossesse (IVG) et à la contraception dans la Constitution française. Un texte qui s’inscrit d'ailleurs dans une série d’initiatives parlementaires (des textes similaires ont été déposés par la Nupes et Renaissance à l'Assemblée) prises en réaction à la décision historique de la Cour suprême des États-Unis de révoquer l’accès à l’IVG au niveau fédéral au mois de juin.

Concrètement, le texte – cosigné par 117 sénateur·trices issu·es de tous les groupes du Sénat sauf des Républicains (le plus important numériquement) - propose de compléter la Constitution avec l’article 66-2 qui disposerait ainsi que « nul ne peut porter atteinte au droit à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception. La loi garantit à toute personne qui en fait la demande l’accès libre et effectif à ces droits. » Pour l’heure, la loi Veil de 1975 - renforcée en janvier 2022 - garantit son accès jusqu’à la fin de la 14e semaine de grossesse. Adopter cette proposition de loi constitutionnelle n’a pas pour but de modifier la loi existante, mais simplement de la protéger puisque toute loi qui attaquerait le droit à l’avortement serait déclarée contraire à la Constitution.

« C’est quand un droit n’est pas encore menacé qu’on peut le protéger »

Face à la presse, Mélanie Vogel est revenue sur le rejet, mercredi dernier, de la commission des Lois sur sa proposition de loi constitutionnelle. Cette dernière a justifié son rejet estimant qu’« une révision constitutionnelle ne s’impose pas » en France. Cet argument ne tient pas selon la sénatrice. « Ça me fatigue d’entre ça, s'est-elle agacée. Il est illusoire de considérer le droit à l’avortement comme inaliénable et intangible, aucun pays n’est immunisé face aux attaques contre le droit à l’avortement. »

Pour la sénatrice, « réhausser le niveau de protection juridique de l’IVG, c'est empêcher toute loi régressive en France. » Pour elle, l'inscrire dans le marbre de la Constitution ne propulserait pas seulement la France à l’avant-garde des droits des femmes : « Ce n’est pas juste symbolique, c’est utile et nécessaire car c’est justement quand un droit n’est pas encore menacé qu’il faut le protéger, parce qu’il peut l’être un jour. »

Lire aussi I Droit à l'IVG dans la Constitution : une inscription qui se fait attendre

Dans un communiqué expliquant son rejet, la commission des Lois dénonçait « l’importation d’un débat lié à l’organisation constitutionnelle propre aux États-Unis, très différente de la France ». Un argument là aussi démonté par la sénatrice. À l’image de ce qu’il s’est récemment passé en Hongrie où les femmes désireuses d’avorter sont désormais obligées d’écouter le battement de cœur du fœtus, Mélanie Vogel a rappelé que les attaques contre le droit à l’IVG sont globales et ne concernent pas seulement les États-Unis.

Elle a également pointé que l’IVG n’est jamais attaquée frontalement du jour au lendemain : « Ça n’arrive jamais de vivre dans un pays qui légalise l’avortement comme la France et de se réveiller un matin avec l’avortement totalement illégal, il est toujours grignoté bout par bout, les délais, la gratuité, les conditions, l’accès et un jour, il n’existe plus ». Et c’est justement ce qui alerte la sénatrice. « Si demain, on votait une loi régressive, par exemple pour réduire les délais légaux, pour dérembourser, pour conditionner ce droit à des critères stricts (par exemple, uniquement accessible si danger pour la vie de la mère, malformation fœtale, viol), rien ne l’empêcherait. Le Conseil constitutionnel n’aurait rien sur quoi se baser pour dire que c’est interdit », déplore Mélanie Vogel.

Source d’espoir 

La sénatrice écologiste est également revenue sur les enjeux du vote de demain. Sa proposition sera, en effet, examinée en première lecture dans le cadre d’un espace réservé, la niche parlementaire du groupe écologiste. « Tout se jouera demain en séance », a rappelé Mélanie Vogel ajoutant que les groupes politiques laissent généralement une liberté de vote sur des sujets sociétaux de ce type. Si, elle le sait, le vote de demain en première lecture augure probablement la même issue qu’en commission des Lois, la sénatrice mesure déjà l’importance d’avoir amené le débat dans la chambre haute. « Dans cette période de régression globale des droits et des libertés fondamentales des femmes dans le monde, le fait que la France mette cela à l’agenda et en discute dans l’hémicycle, c’est déjà une source d’espoir pour les mouvements féministes dans le monde », estime Mélanie Vogel.

À la veille d’un probable rejet donc, l'une des co-signataires du texte, la sénatrice PS Laurence Rossignol, a d’ailleurs appelé le gouvernement à présenter lui-même un projet de loi. « Nous savons que la procédure d’initiative parlementaire n’ira pas au bout, a-t-elle déclaré lors de la conférence de presse. Seul le gouvernement en réalité peut prendre l’initiative d’une réforme constitutionnelle. » Pour cela, il suffirait d’un vote de la majorité des 3/5e des suffrages exprimés de l’Assemblée nationale et du Sénat réunis en Congrès. Mélanie Vogel garde espoir : selon un sondage Ifop pour la Fondation Jean Jaurès réalisé en juin 2022, 81 % des Français·es se disent favorables à la constitutionnalisation de l’IVG. « Il est temps d’être en phase avec la société », conclut la sénatrice.


Et à l’Assemblée ?

Deux propositions de loi constitutionnelles similaires sont dans les tuyaux à l'Assemblée nationale, à l’initiative de l'alliance de gauche Nupes et du groupe de la majorité présidentielle Renaissance. Elles seront respectivement débattues les 24 et 28 novembre prochains à l'Assemblée.

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