Florence Mendez, lan­ceuse d’alerte de #MeToo stand-​up : “Chez les humo­ristes, tout le monde veut per­cer. Si on dénonce des vio­lences, on n’est plus invité”

florence mendez copie
© Editions Massot

L'humoriste belge publie ce mois-​ci son pre­mier roman, parle d'autisme dans son spec­tacle, Délicate, et a aler­té sur des vio­lences sexuelles qui auraient été com­mises par le stand-​uppeur Seb Mellia.

L'actualité se télé­scope pour Florence Mendez en ce mois de jan­vier : spec­tacle, pre­mier roman, et sur­tout, la dénon­cia­tion, la semaine der­nière, de l'humoriste Seb Mellia, accu­sé, selon elle, par plu­sieurs femmes de vio­lences sexuelles. Après des mois à, selon ses dires, "entendre et recueillir des témoi­gnages" de vic­times pré­su­mées, elle s'est déci­dée à relayer sur son compte Instagram ces accu­sa­tions. Les affaires Depardieu et Godrèche l’incitent à sau­ter le pas. “J’ai vu que le 13 jan­vier, Seb Mellia venait jouer à Bruxelles dans une grosse salle et j'ai réa­li­sé qu’il allait encore faire des vic­times, car il y en a qui font par­tie de son public. Je me suis dit, tant pis si je m’en prends plein la gueule, il en faut bien une pre­mière”. Pourquoi ? Parce qu'aucun média ne s'était encore empa­ré de l'affaire. Ce fai­sant, elle s’expose à des pour­suites en dif­fa­ma­tion : “Je suis pré­pa­rée. Ma colère et ma tris­tesse d’avoir lu ce qui est arri­vé à ces femmes sur­passent de loin ma peur d’être atta­quée." Alors qu'elle est vio­lem­ment prise à par­ti sur les réseaux sociaux, L'Humanité a publié mar­di 16 jan­vier une lettre de sou­tien pre­nant sa défense.

Vingt témoi­gnages contre Seb Mellia

Samedi, elle a mobi­li­sé des militant·es fémi­nistes pour inter­ve­nir au spec­tacle bruxel­lois de Seb Mellia. Depuis, elle a reçu au total vingt témoi­gnages, dont six, selon ses dires, concer­ne­raient des viols. Elle note, dans chaque récit, un mode opé­ra­toire simi­laire de l'agresseur pré­su­mé : “Il s’arrange pour se retrou­ver seul avec elles. Ensuite, il insiste tel­le­ment que la fille finit par céder. Puis il devient très violent, très bru­tal pen­dant le rap­port sexuel : il ne pose pas la ques­tion et pénètre la fille par der­rière. Celle-​ci est par­fois sidé­rée par la vio­lence, ou bien elle dit non, mais il retire tout de même le pré­ser­va­tif. Ensuite, il leur fait croire qu'elles ont dit oui." Lorsque celles-​ci expriment le sou­hait de par­ler, Seb Mellia leur enver­rait des mes­sages inti­mi­dants afin de les dis­sua­der.
Lundi 15 jan­vier, l'une des vic­times pré­su­mées, @JessyRelaxationAsmr une you­tu­beuse ayant une chaîne dédiée à la relaxa­tion ASMR a témoi­gné à visage décou­vert sur Instagram : pho­to à l'appui, elle affirme avoir reçu des vidéos non-​sollicitée de la part du comé­dien se mas­tur­bant. Si l’on ne sait pas, à l’heure actuelle, si les vic­times pré­su­mées ont por­té plainte, Florence Mendez assure qu'une action en jus­tice est en cours, grâce à l’association Derrière le rideau, qui milite pour "la libé­ra­tion de la parole dans le spec­tacle vivant".
Elle-​même ancienne vic­time de viol, la comé­dienne a depuis pas­sé la main à une jour­na­liste du Monde, qui col­lecte désor­mais les témoi­gnages. “J’ai cra­qué, confie t‑elle. Je pen­sais être blin­dée par rap­port aux hor­reurs qu’on lit sur les femmes mais je ne peux pas accueillir tout ça. Je n’imaginais pas l’ampleur du phé­no­mène."

D'autres humo­ristes mis en cause ? 

Depuis, le petit milieu de l'humour parle d'un #MeToo du stand up. Florence Mendez affirme en effet avoir reçu des témoi­gnages met­tant en cause d’autres humo­ristes. L’affaire Seb Mellia va faire boule de neige, promet-​elle. L’occasion pour elle d'évoquer la spé­ci­fi­ci­té du milieu du stand up et l'omerta qui y règne face aux agres­sions et au har­cè­le­ment : “Il y a l'aura de l’artiste qui consti­tue une rela­tion hié­rar­chique, proche de l’emprise. À cela s'ajoute l'impunité car chez les humo­ristes, tout le monde veut per­cer. Or, si on dénonce, on n'est plus invi­té par les gros noms. Et les gens ont besoin de taf­fer."

Un pre­mier roman

Avant d'être pro­pul­sée à son corps défen­dant lan­ceuse d'alerte, Florence Mendez a publié il y a quelques jours son pre­mier roman. Une envie qui la tarau­dait depuis dix ans. Ce récit pre­nant mêle adroi­te­ment les ques­tions de san­té men­tale au genre du polar : Accident de per­sonne (édi­tions Massot) suit Daphné, une jeune femme qui veut en finir et com­man­dite son sui­cide auprès d’une pla­te­forme du dark web. “C’est quelque chose que j’ai vécu, détaille la comé­dienne et autrice. Il y a eu un sui­cide dans ma famille et moi-​même j’ai fait une ten­ta­tive de sui­cide. C'est un sujet dif­fi­cile que je ne vou­lais pas trop roman­ti­ser. L’idée est de faire gagner la vie, dans le livre, pas de dire aux gens 'Suicidez-​vous, c’est trop cool'”. 

Harcèlement et licenciement

L’humoriste de 36 ans, qui vit à Bruxelles, n’est pas issue d’une famille d’artistes, même si elle recon­naît que son père a le même “humour de merde” qu’elle. Après avoir tâton­né plu­sieurs années, gérante de maga­sin puis ensei­gnante, elle s'est lan­cée sur scène en 2016 et, une fois repé­rée, a fait ses débuts à la radio belge. Le ton est à la fois intros­pec­tif et dés­in­hi­bé. Consécration, elle rejoint ensuite les rangs de France Inter comme chro­ni­queuse, puis la chaîne Téva : deux décon­ve­nues. En 2022, elle prend la parole pour dénon­cer le har­cè­le­ment dont elle aurait fait l’objet dans l’émission de Nagui, La bande ori­gi­nale. Diagnostiquée à l'âge adulte autiste asper­ger avec un trouble anxieux, elle dit avoir subi les dis­cri­mi­na­tions réser­vées aux han­di­caps invi­sibles dans la sphère pro­fes­sion­nelle : “Chez Nagui, on m’a repro­ché de n’être 'pas adap­tée', de ne pas regar­der les gens dans les yeux…”, s'agace t‑elle. 
Chez Téva, Causette en par­lait en mai, elle a été congé­diée de l'émission Piquantes ! pour avoir trai­té Gérald Darmanin de "vio­leur", lors de son pas­sage dans le bâti­ment de M6. Elle explique : “Je suis hyper pas­sion­née, enga­gée sur les sujets fémi­nistes et je ne fais pas les choses à moi­tié parce que je ne sais pas faire.” Là encore, une lettre de sa psy ne suf­fi­ra pas à plai­der sa cause – elle est depuis enga­gée dans une pro­cé­dure aux prud'hommes avec son ancien employeur. La parole libé­rée, dans la socié­té, sur les ques­tions de san­té men­tale ? Du “bull­shit”, selon elle, pré­fé­rant évo­quer le sujet dans son spec­tacle, Délicate, qui se joue tous les mar­dis soir au Métropole, à Paris. Pendant ce temps, Florence Mendez planche déjà sur son pro­chain livre, qui aura pour thème le har­cè­le­ment sco­laire, sujet qu'elle connaît de près pour l'avoir subi, enfant. Un nou­veau spec­tacle est lui aus­si en cours d'élaboration, conçu après qu'elle a réa­li­sé un test ADN et décou­vert dans son patri­moine le gène de la mala­die d'Alzheimer. Pas de quoi rire, et pourtant.

Accident de per­sonne, édi­tions Massot, 224 pages, 18 euros, dis­po­nible.
Délicate, tous les mar­dis, 19h30, au Métropole, à Paris, jusqu'au 30 avril. 

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