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Violences sexuelles : la défense de Roman Polanski par son épouse Emmanuelle Seigner sus­cite l'indignation

Dans un entretien diffusé dimanche dans l'émission Sept à huit de TF1, l'actrice Emmanuelle Seigner estime que son mari Roman Polanski « n'avait pas besoin de violer ». Le réalisateur est accusé par douze femmes - la plupart mineures au moment où se seraient déroulés les faits - de viol ou d'agression sexuelle.

« La honte » ; « l'hallu » ; « c'est très grave ». Depuis dimanche soir sur Twitter, nombreux·euses sont les internautes à s'indigner de la diffusion d'une interview d'Emmanuelle Seigner dans l'émission Sept à huit sur TF1. L'actrice, qui s'apprête à faire paraître le 26 octobre le livre autobiographique Une vie incendiée, s'est attelée à défendre pour la première fois son mari, accusé de viol ou d'agression sexuelle par douze femmes. « Quand j'ai connu mon mari, toutes les femmes voulaient coucher avec lui, soutient-elle ainsi pour réfuter ces accusations. Toutes les jeunes filles voulaient coucher avec lui, c'était un truc de dingue... Il attirait énormément et je pense qu'il n'avait besoin de violer personne. »

Interviewée par la journaliste Audrey Crespo-Mara, Emmanuelle Seigner évoque tout d'abord la condamnation aux États-Unis de Roman Polanski pour le viol de Samantha Geimer, âgée de 13 ans, en 1977. « C'était une époque très permissive, on louait la lolita, on la célébrait, affirme celle qui s'est mariée avec le réalisateur franco-polonais en 1988. Moi, ayant commencé le mannequinat à 14 ans, ce n'était pas une histoire qui me choquait. »

Après avoir passé 42 jours en prison, Roman Polanski est libéré en janvier 1978 pour « conduite exemplaire » et fuit en France alors que le juge revient sur sa décision en raison du scandale de cette libération. « Je comprends qu'il ait fui, commente Emmanuelle Seigner. [La décision de l'incarcérer à nouveau] était tellement effrayante et malhonnête qu'il a fui l'injustice. » En septembre 2009, à l'occasion de la remise d'un Prix, le cinéaste est arrêté en Suisse. Il est détenu en prison puis assigné à résidence dans un châlet à Gstaad, où sa famille le rejoint. Cet épisode de leur vie commune est décrit par Emmanuelle Seigner comme « le pire moment de [sa] vie » en raison des paparazzi qui encerclent le châlet. « Bien sûr qu'il se sent coupable de ça [le viol de Samantha Geimer, ndlr], ajoute-t-elle. D'ailleurs, ils ont une très bonne relation [aujourd'hui]. Ils s'envoient des emails. En fait, je pense qu'elle n'en peut plus de son statut de victime. » En 2013, Samantha Geimer a publié le livre-témoignage La fille, ma vie dans l'ombre de Roman Polanski, dans lequel elle raconte avoir plus souffert de la médiatisation de l'affaire que du viol et demande à ce que l'on laisse tranquille et qu'on arrête de l'envisager comme une éternelle victime.

"Un paria pour satisfaire l'air du temps"

L'entretien d'Emmanuelle Seigner s'oriente ensuite vers les nombreuses autres femmes qui accusent le réalisateur de viol ou d'agression sexuelle. En 2010, alors que Roman Polanski est assigné à résidence à Gstaad, c'est l'actrice Charlotte Lewis qui l'accuse de viol, pour des faits remontant à 1983, alors qu'elle avait 16 ans. Une nouvelle vague de témoignages, pour des faits toujours prescrits, intervient dans le sillage de #MeToo. Parmi eux, cinq femmes témoignent publiquement. Trois d'entre elles (Robin M., Renate Langer, Marianne Barnard) décrivent des faits qui se seraient déroulés alors qu'elles étaient, là encore, mineures. À ces témoignages s'en ajoutent cinq autres, anonymes, incités par un homme israélien du nom de Matan Uziel. En 2017, il créé un site dédié au recueil de « la parole des femmes » accusant Roman Polanski. Ces cinq victimes déclarées évoquent des faits qui se seraient déroulés entre 1969 et 1976, alors qu'elles étaient mineures également. « Ce n'est pas sérieux », tonne Emmanuelle Seigner au micro d'Audrey Crespo-Mara. Celle-ci cite un passage de son livre à paraître, dans lequel elle écrit : « Autrefois ovationné, Roman Polanski est devenu un paria pour satisfaire l'air du temps. »

Cet « air du temps » que critique l'actrice, c'est, selon elle, une époque où « tout le monde est accusé », reprend-elle. « Il y a de très bonnes choses dans #MeToo, c'est très bien que la parole soit libérée si on a vécu des viols ou des incestes, des choses terribles, développe-t-elle. C'est très important que les femmes puissent parler et qu'elles puissent être entendues. Néanmoins, nous assistons à beaucoup de dérives, d'abus, de mensonges, qui décrédibilisent ces victimes et ne leur rendent pas service. »

Une actrice ostracisée ?

Au sujet de l'action d'Adèle Haenel qui, le 28 février 2020, a quitté la cérémonie des César où le film J'accuse de Roman Polanski a été récompensé, en criant « la honte ! », Emmanuelle Seigner dit « ne pas comprendre ». « Adèle Haenel m'a tellement félicitée pour mon rôle dans La Vénus à la fourrure lors des César de 2014 », cingle-t-elle. Enfin, l'actrice vue en 2016 dans Réparer les vivants de Katell Quillévéré se plaint d'être désormais ostracisée par le cinéma français en tant qu'épouse de Roman Polanski : « On conseille aux acteurs de ne pas jouer avec lui. Même si la Gaumont a fait beaucoup d'argent avec J'accuse, ils ne veulent pas distribuer son prochain film parce qu'ils ont peur. Moi-même, je suis blacklistée en France. Là je viens de faire un film à New York avec Willem Dafoe, eux n'ont pas ce genre de problèmes. [...] En France, on m'empêche et c'est totalement injuste. » Et de conclure : « Qu'on le [Roman Polanski] laisse tranquille, qu'ils s'occupent des prédateurs, des vrais prédateurs, des gens qui sont un danger pour la société. »

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Au-delà des propos d'Emmanuelle Seigner qui semble balayer d'un revers de main la parole des nombreuses femmes accusant Roman Polanski, c'est une certaine complaisance de Sept à huit qui a été dénoncée par les internautes. Ainsi, son témoignage est introduit en ces termes : « Un témoignage exclusif d'une femme amoureuse, abimée par des années de pressions judiciaires, médiatiques et militantes. »

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