La 46ème grand-messe du cinéma français se déroulera le 12 mars et sera présentée par Marina Foïs devant une salle probablement vide. Un an après la crise qui a poussé la direction des César vers la sortie, un an après la cérémonie marquée par le départ fracassant d’Adèle Haenel, l’institution a totalement revu son fonctionnement. Causette vous raconte les coulisses de cette mue vers la démocratie, qui n’a pas toujours été un long fleuve tranquille.
Le geste, habité, intense, reste en mémoire. Un an après, personne n’a oublié cet instant suspendu où Adèle Haenel a quitté la Salle Pleyel. C’est là que se déroulait la 45e cérémonie des César, le 28 février 2020. Cette cérémonie, souvenez-vous, c’était quelque chose. Manifs féministes à l’extérieur, ambiance plombée à l’intérieur… Et un nom synonyme de toutes les tensions : Roman Polanski et ses douze nominations pour J’accuse. Quand le rideau tombe, la France ne parle plus que d’Adèle se levant de son siège lors de la victoire de Polanski pour le César de la meilleure réalisation. Une attitude mythifiée quelques jours plus tard dans Libération par la plume de Virginie Despentes : « On se lève et on se casse. » Si le grand public a retenu cette image, elle n’était, en fait, que la partie visible de l’iceberg. Depuis plusieurs semaines, déjà, le milieu du cinéma se déchirait et les César, l’institution qui récompense les films de l’année, était en train d’exploser. Le détonateur ? Une sombre histoire de non-dits et de marraines snobées.
En effet, chaque année, quelques semaines avant la grande soirée, a lieu le dîner des révélations. Un événement sponsorisé par Chanel, qui se tient dans des endroits chicos. Les jeunes acteur·rices distingué·es doivent s’y rendre accompagné·es de l’artiste de leur choix. L’an dernier, les choses ne se sont pas passées comme prévu. « On s’est rendu compte qu’il n’y avait pas d’égalité de traitement, qu’en gros il y avait les grandes et les petites révélations : ceux qui pouvaient venir avec leur chien comme parrain ou marraine, car leur seule présence souriait à l’Académie, et ceux à qui on disait non », se souvient la comédienne Marina Foïs.
Deux marraines refusées
Tout part d’un comédien, Jean-Christophe Folly, sélectionné pour son rôle dans le film L’Angle mort. Il transmet une liste de personnalités sur laquelle figure l’écrivaine Virginie Despentes. En l’absence de réponse des organisateurs, il se décide à la contacter « via des amis communs ». Elle dit oui. De son côté, l’Académie, pourtant prévenue, ne dit rien. « Trois jours avant le dîner, on a fini par me répondre non, mais sans me fournir d’explication, poursuit Jean-Christophe Folly. Comme je n’avais personne avec qui me rendre au dîner, je n’y suis pas allé. » Le bouche-à-oreille fonctionne vite et une autre histoire vient corroborer les soupçons de censure. L’acteur Amadou Mbow, sélectionné pour Atlantique, de Mati Diop, souhaitait venir accompagné de la réalisatrice Claire Denis, qui n’a, en fait, jamais été sollicitée. « En pleine vague de protestation féministe, ce sont deux femmes importantes qui sont refusées aux César, c’était un peu fou comme situation », tacle la productrice Marie-Ange Luciani. « Cette soirée a une vraie dimension artistique, ce n’est pas de la représentation, mais un moment où de jeunes acteurs viennent se raconter et choisissent un ou une artiste pour les[…]