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©A.T.

Riposte fémi­niste : on a col­lé des sti­ckers pro-​IVG sur les Vélib pari­siens avec Nous Toutes

Causette a suivi, hier soir, des militantes du collectif féministe Nous toutes qui ont collé des milliers de stickers pour le droit à l’avortement sur les garde-boues des Vélib parisiens. Une contre-offensive féministe en cette Journée mondiale de lutte pour l’avortement mais aussi une réponse aux collages antiavortements revendiqués par les Survivants en juin dernier.

Il est presque 20 heures et la place Pigalle du IXe arrondissement de Paris est déjà bien animée. Les néons des sex-shopss brillent dans la nuit qui vient de tomber, ce mercredi 27 septembre. Les terrasses des bistrots se remplissent à vue d’œil, tout comme la brasserie Bouillon, de l’autre côté de la rue, dont la file d’attente ne cesse de s’allonger. La petite dizaine de femmes rassemblées devant la mythique discothèque aux murs rouges des Folies Pigalle détonne avec le paysage et les passant·es endimanché·es.

Ces militantes du collectif Nous toutes se sont donné rendez-vous dans le nord-ouest de la capitale, au pied de la butte Montmartre pour coller des stickers sur les garde-boues des Vélib parisiens. Et elles ne seront pas les seules. Pendant une bonne partie de la soirée, deux cents militantes féministes sillonneront l’ensemble des 1 400 stations de vélos en libre-service pour inonder Paris de ces autocollants carrés violets où l’on peut lire “Un enfant c’est un choix, l’IVG c’est un droit”. Grâce à une cagnotte de 1 200 euros, 25 000 ont pu être collés cette nuit, apprend-on ce jeudi matin dans un communiqué du collectif.

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Réponse féministe aux anti-IVG

Coller sur des Vélib est une première pour Nous toutes, plus habitué aux collages sur les murs. Mais c’est loin d’être un choix anodin. L’opération fait en effet suite à l’action sauvage revendiquée par le collectif anti-IVG Les Survivants sur les Vélib de Paris. Dans la nuit du mercredi 24 au jeudi 25 mai, puis dans celle du 14 au 15 juin, les militant·es de ce groupuscule né en 2006 – qui s’était fait oublier ces dernières années – avaient collé des autocollants représentant un bébé en train de grandir avec la phrase : “Et si vous l’aviez laissé vivre ?”

Trois mois plus tard et à la veille de la Journée mondiale de lutte pour l’avortement, qui a lieu ce jeudi 28 septembre, l’heure était donc à la riposte féministe. “On veut aller symboliquement sur le même terrain que les Survivants pour montrer qu’on est là et qu’on ne lâchera pas”, tonne Josée, coordinatrice de l’action pour les 9e, 10e et 11e arrondissement de Paris ce soir-là, auprès de Causette. “Nous, jusqu’à la dernière minute, on ne savait pas si on allait avoir les fonds nécessaires pour faire imprimer nos stickers alors que les Survivants, eux, ont réussi à financer des stickers sur-mesure, ça montre à quel point l’extrême droite finance les anti-IVG”, rétorque une militante.

Il est 20 heures, le moment de passer à l’action. Les militantes se rassemblent autour de Josée. Elle rappelle que le droit à l’avortement est toujours en danger, citant notamment des pays où il a récemment été remis en cause, comme aux États-Unis, en Pologne ou en Hongrie. Elle condamne les menaces qui pèsent sur lui en France : la pénurie de pilules abortives dans certaines régions l’an dernier et les récentes attaques de l’extrême droite contre le planning familial.

Rappeler que l’avortement est un droit 

L’occasion également de rappeler l’importance d’inscrire l’avortement dans le marbre de la Constitution, dont les discussions politiques sur le sujet semblent d'ailleurs s’être essoufflées. Marteler l’importance d’y inscrire “le droit” à l’avortement et non “la liberté” comme c’est désormais le cas dans le texte voté au Sénat en janvier dernier. “On voit bien que l’IVG est discutée de manière anecdotique dans le calendrier politique”, déplore Josée. Emmanuel Macron avait pourtant annoncé, en mars dernier, une proposition à venir “dans les prochains mois” d’un projet de loi de révision constitutionnelle pour inscrire “dans notre texte fondamental”, cette “liberté”, mais depuis, plus rien. Selon Le Monde, le renvoi du texte au Palais Bourbon serait en discussion, mais sans calendrier défini.

En attendant une inscription qui se fait attendre donc, les militantes comptent bien inonder l’espace public parisien de leur revendication. Après avoir fait l’appel des participantes, Josée leur rappelle certaines règles : pas de collage sur les établissements publics et attentions aux caméras. Elle demande aussi aux militantes si elles ont lu le brief juridique envoyé la veille. Si toutes répondent “oui” en chœur, les oreilles sont attentives lorsque Josée donne le nom et le numéro de téléphone de l’avocate qui les accompagnera en cas d’arrestation par les forces de l’ordre. Chacune doit d’ailleurs l’écrire sur son avant-bras. Josée rappelle aussi qu’en cas d’arrestation, une seule règle prévaut : celle de garder le silence.

“J’aime bien l’idée d’inscrire la lutte féministe dans l’espace public”

Victoria

Pour Victoria, 24 ans, c’est une grande première. “J’ai voulu participer parce que j’ai trouvé l’affichage des Survivants extrêmement choquant et ignoble, c’est rare qu’une campagne anti-IVG soit aussi bien faite, condamne-t-elle. Et j’aime bien l’idée d’inscrire la lutte féministe dans l’espace public.” Quand on lui demande si elle craint une possible arrestation, l’étudiante nous répond avec aplomb : “Non, et c’est même un risque que j’ai envie de prendre.”

Josée divise ensuite les militantes en quatre groupes de couleur à qui elle attribue à chacun un bout du secteur. Elles vont se repérer à l’aide d’une carte interactive où chaque station est répertoriée par un point rouge qu’il faudra passer en vert une fois les collages effectués.

C’est justement le moment de distribuer les autocollants et de se séparer. Chaque groupe disparaît dans la nuit. Sauf celui des jaunes. Sophie et Gaëlle, 46 et 47 ans, préfèrent prendre le temps de préparer leur itinéraire avant de s’élancer. Les deux femmes ne sont pas des néo-colleuses, elles sont toutes deux à la coordination nationale du collectif et ont même lancé un comité local dans les Yvelines.

“C’est kiffant de coller”

Après avoir pris connaissance de la carte, le duo s’élance vers sa première station : celle qui porte le numéro 9025, rue Taitbout. Sur la route, Sophie revient sur son engagement militant : “C’est kiffant de coller !” lance-t-elle en riant avant de reprendre plus sérieusement : “On a besoin de reprendre possession de la rue. Mais c’est aussi un moment pour se retrouver, je vis dans une ville de droite, tous mes amis sont de droite, mes collègues aussi, avoir cet espace safe, c’est important pour moi.”

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Arrivées à la station, il n’y a plus que trois vélos. Elles s’empressent alors de coller leurs stickers sur les seuls garde-boues encore présents et en profitent pour en coller également sur toutes les bornes grises. À côté d’elles, les passant·es ne s’attardent pas. Sauf une jeune femme qui s’approche de Sophie. “Elle m’a demandé si on était en train de coller des autocollants anti-IVG, nous explique la militante. Comme quoi, l’action des Survivants a vraiment marqué les esprits.” En quelques minutes, la station Vélib de la rue Taitbout est recouverte d’autocollants violets. “Ça a franchement de la gueule !” s’extasie Gaelle. Après avoir passé leur station en vert sur la carte interactive, le duo se met aussitôt en route pour la prochaine. Sophie et Gaelle ne rentreront chez elles, dans les Yvelines, que bien plus tard dans la nuit.

En essaimant des milliers de stickers sur les garde-boues des Vélib parisiens, l’objectif de Nous toutes était double : répondre aux attaques des anti-IVG tout en diffusant leur revendication sur des vélos en libre-service, permettant de fait une diffusion massive dans l’espace public. Plus tard dans la soirée, bien après avoir quitté le duo de militantes près de l’Opéra Garnier, nous croisons deux personnes en Vélib. Sur leurs garde-boues trônent deux carrés violets. Mission accomplie.

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