Sanaa
La candidate Sanaa Saitouli dans son QG de campagne. Cergy, mai 2022. ©A.T.

Législatives : face au can­di­dat de la Nupes, l’indépendante Sanaa Saitouli main­tient sa can­di­da­ture à Cergy

Série : Les primo-candidat·es en campagne 2/6

L'activiste locale issue du quartier de la Croix-Petit à Cergy Sanaa Saitouli est candidate indépendante aux législatives dans la 10e circonscription du Val d’Oise. Elle vient récemment de voir l’investiture de la Nupes lui échapper au profit du député sortant Aurélien Taché.

Un long couloir dans les arcanes de la cité artisanale Francis Combe de Cergy. Sur l’une des portes rouges l’affiche « Cergy Demain » nous intime que nous sommes au bon endroit. Derrière la porte se trouve le QG de campagne de Sanaa Saitouli, candidate indépendante aux élections législatives sur la 10e circonscription du Val-d’Oise. Verbe haut, débit rapide et large sourire, la Cergyssoise de 40 ans ne s’embarrasse pas des conventions et nous propose immédiatement de nous tutoyer, « c’est quand même plus sympa », précise -t-elle assise derrière son bureau de bois clair. C’est entre deux séances de tractage que la candidate et son suppléant, Elrazali Boultame, nous ont donné rendez-vous, ce mercredi 11 mai en début d’après-midi.

Amère déception

Il faut dire que ces temps-ci, Sanaa Saitouli n’a pas une minute à elle. Tout juste a-t-elle pris le temps de déjeuner à midi. « C’est dur mais je ne lâche rien », assure la primo-candidate à Causette d’une voix infaillible toutefois teintée de déception. Car, aux jeux des alliances à gauche, l’ancienne élue municipale de Cergy compte parmi les sacrifié·es à l’issue des négociations. Après une semaine de tractations avec les cadres de LFI, celle qui a fait campagne pour Jean-Luc Mélenchon lors des récentes présidentielles a perdu début mai l'espoir de se voir investie par la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) au profit d'Aurélien Taché (député sortant élu en 2017 sous la bannière LREM avant de la quitter en 2020 pour co-présider le parti et groupe parlementaire Les Nouveaux Démocrates). « Je ne suis pas contre la Nupes et je suis assez fière qu’il se passe un truc à gauche mais la déception est amère, on a l’impression d’avoir été baladé alors qu’on voulait vraiment être de la partie, déplore la candidate. Aurélien Taché m’a sollicitée pour être sa suppléante mais j’ai dit non. Je ne veux pas, parce que je suis une femme racisée issue d’un quartier populaire, être le ticket gagnant d’une élection. »  

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La candidate Sanaa Saitouli et son suppléant Elrazali Boultame. Cergy, mai 2022. ©A.T.

La déception est d’autant plus amère que Sanaa Saitouli y a cru, aux sirènes de l’union. « Avec l’investiture NUPES, c’est sûr qu’on gagnait. Maintenant on y croit toujours mais ça sera plus compliqué », admet-elle. On maintient notre candidature parce qu’à mon sens, on illustre la seule gauche légitime aujourd’hui à Cergy. » « On est des insoumis dans l'âme », ajoute son suppléant Elrazali Boultame.

C’est donc désormais seule que Sanaa Saitouli fait cavalière vers le premier tour des législatives le 12 juin prochain. « Être indépendant, c’est pouvoir avoir la liberté de porter haut et fort la voix de nos pairs mais c’est a contrario difficile car on peut parfois se sentir esseulé de ne pas avoir le soutien d’un parti », affirme-t-elle. Au-delà de la déception personnelle, Sanaa Saitouli s’interroge plus largement sur les choix d’investiture de la Nupes et les blocages structurels à y intégrer des profils comme le sien. « Seulement 2% des candidats représentent les quartiers populaires », constate-t-elle.

Lire aussi : Législatives : à Marseille, le candidat indépendant Kevin Vacher veut croire à son intégration dans la Nupes

L'enfant du quartier 
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Quartier des Martelets, Cergy. Mai 2022. ©A.T.

Les quartiers dits « sensibles », l’enfant de la Croix-Petit les connaît bien. Si bien qu’elle en a fait son cheval de bataille. L’activiste locale engagée depuis vingt ans à Cergy, ancienne élue municipale adjointe à la jeunesse qui travaille aujourd’hui pour un bailleur social privé aux Mureaux (Yvelines), porte l’identité de ces territoires au cœur de sa profession de foi. Dans celle-ci, on retrouve les principales mesures portées d’ailleurs par Jean-Luc Mélenchon : le smic à 1400 euros dès septembre, le blocage immédiat des prix des produits de première nécessité et du carburant, la retraite à 60 ans, l’abrogation de la loi travail El Khomri et la planification écologique. 

En parallèle de son engagement local, elle a validé en juin 2021 un master à Sciences Po en urbanisme et a intégré en janvier dernier la promotion de l’Académie des futurs leaders. « C’est une vraie boule d’énergie et un véritable modèle pour notre génération », commente son suppléant Elrazali Boultame, 26 ans, assis en face de Sanaa Saitouli. À ces mots, cette dernière ne peut retenir une larme. « C’était symbolique d’intégrer science po, confie-t-elle. Je n’avais pas de bagage universitaire, j’avais peur de ne pas réussir et de faire honte aux gens des quartiers. »

Adoubée par Kouria, la patronne du quartier

C’est pour ces gens des quartiers, « les oubliés » comme elle dit, que Sanaa Saitouli se bat depuis qu’elle a lancé symboliquement sa campagne le 2 février, jour de son quarantième anniversaire. Depuis, l’équipe composée d’une vingtaine de personnes a réussi à lever 20 000 euros. Alors, pas question pour la mère de famille de trois petites filles de baisser les bras face à l’investiture d’Aurélien Taché.

Il est d’ailleurs l’heure pour le duo de reprendre le chemin du tractage. Direction le quartier des Martelets. Après quelques poignées de main avec des riverain·es, Sanaa Saitouli et Elrazali Boultame se rendent chez Kouria, « une des mamans du quartier » qui organise régulièrement des réunions avec les femmes des Martelets. « Je connais Sanaa depuis qu’elle est enfant, c’est une grande fierté pour nous qu’elle se présente, confie Kouria à Causette autour d’une tasse de thé. On prie pour elle et pour qu’elle gagne parce qu’on sait qu’on sera enfin représentés. »  

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Chez Kouria (à gauche). Cergy, les Martelets, mai 2022. ©A.T.

Son téléphone à la main, Sanaa Saitouli est justement en train de prévoir « un barbecue de campagne » dans le jardin de Kouria pour le dimanche suivant. « Il nous reste quarante jours pour faire le taf, on ne lâche rien », assure-t-elle.

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Affiche de campagne de Sanaa Saitouli. ©S.S.

Le soir même, son affiche de campagne officielle sortira d’ailleurs de chez l’imprimeur et ce n’est pas un hasard si cette dernière a des airs d’Alexandra Ocasio-Cortez. « C’est un modèle pour moi, je me retrouve dans son parcours, celui d’une serveuse partie de rien, issue d’une minorité », souffle Sanaa Saitouli qui rêve, le 12 juin prochain, de marcher dans les pas de l’élue new-yorkaise. Un étrange « Jean-Luc Mélenchon premier ministre » est visible en bas de l'affiche. Pas sûr que ce brouillage de pistes plaise beaucoup à son adversaire Aurélien Taché.

Lire aussi l Alexandra Ocasio-Cortez, l'idole des jeunes

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