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Happening du JDD place du Palais Royal (©Clément Boutin)

Entre confiance dans la mobi­li­sa­tion et inquié­tude pour leur ave­nir, les jour­na­listes du JDD orga­nisent un hap­pe­ning « sym­bo­lique » devant le minis­tère de la Culture

Plusieurs dizaines de rédacteur·trices du Journal du dimanche (JDD) ont don­né rendez-​vous aux poli­tiques et médias place du Palais Royal, dans le 1er arron­dis­se­ment de Paris, ce ven­dre­di matin. Une action, à quelques mètres du minis­tère de la Culture, pour conti­nuer de faire exis­ter la grève his­to­rique de l'hebdomadaire.

Malgré la pluie qui bat son plein sur la place du Palais Royal, dans le 1er arron­dis­se­ment de Paris, les jour­na­listes du Journal du dimanche (JDD) sont là. Plusieurs dizaines de rédacteur·trices ont don­né rendez-​vous aux poli­tiques et médias dans ce sec­teur très pri­sé des tou­ristes – qui, de manière cocasse, s'arrêtent ou prennent en pho­to les manifestant·es – afin de peser sur le minis­tère de la Culture, situé à quelques mètres de là, rue de Valois. Le Conseil d'État, éga­le­ment situé sur cette place, charge d'autant plus l'atmosphère d'une impres­sion de solen­ni­té et d'irréalité.

Il s'agit là d'une action « sym­bo­lique », sou­ligne Guillaume Caire, jour­na­liste web de l'hebdomadaire, pour conti­nuer à faire exis­ter les gré­vistes dans l'espace public et média­tique. Ces derniè·res viennent d'entamer leur 36e jour de mobi­li­sa­tion, déclen­chée après l'annonce en juin de l'arrivée de Geoffroy Lejeune, ex-Valeurs actuelles, à la tête de l'hebdomadaire domi­ni­cal. L'accointance de son jour­nal ,et de lui-​même, avec l'extrême droite, fait craindre le pire à la rédac­tion qui refu­sait dans un pre­mier temps son arri­vée, mais réclame désor­mais deux choses à leur direc­tion : des condi­tions de départ satis­fai­santes et la signa­ture d'une charte déon­to­lo­gique. En vain. Le groupe Lagardère, qui détient le JDD, a mis fin aux négo­cia­tions lun­di, annon­çant au pas­sage la prise de poste de Lejeune au 1er août. 

À lire aus­si I « Le JDD de demain ne sera pas celui d'aujourd'hui » : Causette prend le pouls de la rédac­tion du Journal du dimanche tou­jours en grève

« Les dis­cus­sions n'ont pas repris. Nous regret­tons leur rup­ture bru­tale et uni­la­té­rale. Nous sommes prêts à redis­cu­ter avec la direc­tion pour trou­ver une sor­tie de crise, même le week-​end. Nous sommes le Journal du dimanche, nous sommes habi­tués à tra­vailler ces jour-​là », arrive à sou­rire le jeune jour­na­liste, mal­gré la fatigue qui com­mence à régner, assu­rant qu'ils res­tent « confiants mais tout de même un peu inquiets ».

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Un jour­na­liste du JDD avec son pins "en grève" place du Palais Royal (©Clément Boutin)
Plusieurs poli­tiques présents

À leurs côtés, des membres de plu­sieurs syn­di­cats de jour­na­listes, mais aus­si quelques hommes poli­tiques, qui ont fait le dépla­ce­ment. Comme le chef de file des socia­listes Olivier Faure qui juge ce mou­ve­ment de grève « émé­rite » et conduit par des jour­na­listes « extrê­me­ment cou­ra­geux ». « Ils refusent la can­ni­ba­li­sa­tion de leur rédac­tion par un repré­sen­tant de l'extrême droite donc ils méritent tout notre sou­tien, poursuit-​il. Ce qui est en jeu est la concen­tra­tion des pou­voirs média­tiques dans les mains d'un seul homme. »

Le dépu­té PS fait ici réfé­rence à Vincent Bolloré, en passe de rache­ter le groupe Lagardère par une offre publique d’achat (OPA), qui a été vali­dée par la Commission euro­péenne début juin mais qui n'est pas encore effec­tive. Le mil­liar­daire bre­ton, déjà à la tête du groupe Canal+, des chaînes de télé CNews et C8, pren­drait ain­si le contrôle du JDD, mais aus­si du maga­zine Paris Match et de la radio Europe 1, les trois médias appar­te­nant à Lagardère. 

À lire aus­si I Grève his­to­rique au Journal du dimanche : l'inquiétude d'une « bol­lo­ri­sa­tion » des médias

Le dépu­té EELV Julien Bayou se dit lui aus­si « admi­ra­tif » de la « déter­mi­na­tion » des jour­na­listes du JDD, notant que leur réac­tion « réveille » les poli­tiques et les « oblige ». Il estime que la ministre de la Culture Rima Abdul-​Malak doit arrê­ter de sim­ple­ment com­men­ter la situa­tion – elle avait rédi­gé un court tweet de sou­tien le 25 juin der­nier -, et de mettre « des ver­rous sur la liber­té d'entreprendre ». « Il faut qu'elle fasse évo­luer la loi pour pro­té­ger notre démo­cra­tie, poursuit-​il. On a fait évo­luer la loi pour inter­dire le tra­vail des enfants, pour inter­dire le gaz de schiste, pour des avan­cées sociales et éco­lo­giques, on doit main­te­nant le faire pour la démo­cra­tie et blo­quer les concen­tra­tions trop impor­tantes. Permettre à la rédac­tion de ne pas se faire impo­ser un choix avec lequel elle est en pro­fond désaccord. »

Deux pro­po­si­tions de loi

Deux pro­po­si­tions de loi sur l'indépendance des médias ont d'ailleurs été dépo­sées au Parlement : l'une trans­par­ti­sane à l'Assemblée natio­nale par la dépu­tée éco­lo­giste Sophie Taillé-​Polian, l'autre au Sénat par le séna­teur socia­liste David Assouline. « Ma PPL est très simple : elle sou­met la nomi­na­tion du direc­teur de la rédac­tion d'un média à la vali­da­tion de l'équipe rédac­tion­nelle. Les aides à la presse accor­dées au média en ques­tion seront alors condi­tion­nées à cette vali­da­tion effec­tive de l'équipe rédac­tion­nelle », explique ce der­nier, éga­le­ment pré­sent place du Palais Royal. 

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De nom­breux médias et jour­na­listes pré­sents place du Palais Royal (©Clément Boutin)

Les trois hommes poli­tiques attendent plu­sieurs choses du gou­ver­ne­ment. Soit que Rima Abdul-​Malak se sai­sisse d'une de ces pro­po­si­tions de loi pour éla­bo­rer un décret simi­laire. Soit que l'exécutif fasse tout pour que ces textes soient bien débat­tus au Parlement dès la ren­trée pro­chaine, ce qui consti­tue­rait « un signal extrê­me­ment fort pour aider les jour­na­listes à tenir », estime Olivier Faure. Une délé­ga­tion de jour­na­listes a été reçue ce ven­dre­di matin rue de Valois, mais rien n'a fil­tré sur une déci­sion ou posi­tion du minis­tère. « Il est impor­tant pour nous que la mobi­li­sa­tion du JDD ne soit pas vaine et puisse aider, au-​delà de nous, toutes les rédac­tions », note Guillaume Caire, le porte-​parole des gré­vistes. En atten­dant, la rédac­tion conti­nue son com­bat, tou­jours aus­si sou­dée. Une cagnotte en ligne a d'ailleurs été ouverte pour les aider à pour­suivre leur mobilisation.

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