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©Eric Ward

Covid-​19 : les jeunes femmes deux fois plus tou­chées que la moyenne par les pen­sées suicidaires

Après une baisse des suicides pendant les confinements de 2020, le cinquième rapport de l’Observatoire national du suicide publié mardi 6 septembre note une forte augmentation des tentatives et des suicides, liée à la crise sanitaire. Notamment chez les femmes et les adolescentes.

L’Observatoire national du suicide a publié mardi 6 septembre sa dernière étude sur la santé mentale et les idées suicidaires dans la population française. S’il s’agit du cinquième rapport depuis la création de l’Observatoire en 2013, celui-ci a une particularité nouvelle. C'est le premier publié depuis 2020 et donc depuis le début de la crise du Covid-19. Pour la première fois, le rapport se penche sur les effets et les conséquences de la crise sanitaire – et plus particulièrement des confinements – sur le suicide, sur une période allant de mars 2020 à juin 2022.

Le rapport de 300 pages note une diminution des tentatives et des passages à l’acte lors des deux confinements de l’année 2020 (mars et novembre). Ce qui peut sembler paradoxal, car dans le même temps, la crise du Covid-19 a lourdement impacté et dégradé la santé mentale des Français·es en augmentant par exemple les troubles anxio-dépressifs et les difficultés de sommeil. Parmi les indicateurs utilisés pour évaluer les risques suicidaires, les hospitalisations en court séjour pour lésions auto-infligées, ont baissé de 10 % en 2020 par rapport à la période 2017-2019. Selon le rapport de l’Observatoire, les passages aux urgences et les appels aux centres anti-poison pour auto-intoxication ont aussi diminué pendant le premier confinement et au cours de l’été 2020 par rapport aux années précédentes.

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Comment expliquer cette baisse ? L’Observatoire suggère « que certains aspects de la crise sanitaire, et tout particulièrement les épisodes de confinement, ont pu atténuer ponctuellement le risque suicidaire ». Parmi ces aspects, le rapport cite « le sentiment de partage d’une épreuve collective, le moindre accès à certains moyens létaux, une surveillance accrue par les proches et une grande adaptation du système de soins psychiatriques ».

Des aspects qui ont, d’après les résultats de l’étude, fait baisser les décès par suicide respectivement de 20 % et 8 % durant les deux confinements de 2020 par rapport aux années précédentes. Pour autant, sur une période un peu plus large (de janvier 2020 à mars 2021), le nombre de suicides n’a pas particulièrement diminué. Il est estimé, selon un algorithme analysant les certificats de décès, à 11 210. Un chiffre tout juste légèrement inférieur à la moyenne observée au cours de la période 2015-2019. Une constante qui s’explique selon l’Observatoire par le fait qu’il a fallu presque un an pour que les effets néfastes de la crise sanitaire sur la santé mentale se ressentent sur certaines populations, notamment chez les jeunes.

Les femmes davantage touchées

« Avec le premier confinement, les syndromes dépressifs ont augmenté chez tout le monde, explique Valérie Ulrich, chargée du pilotage de l’Observatoire national du suicide au micro de France Inter. La différence, c’est qu’assez vite chez les jeunes hommes, on est revenus à des niveaux antérieurs, alors que ce n’est pas le cas chez les jeunes femmes. » Selon le rapport, c’est en effet chez les femmes et les adolescentes que la situation s’est le plus dégradée depuis la fin des confinements. « À partir de la fin 2020, un fait nouveau apparaît avec une augmentation très marquée des recours aux soins pour pensées et gestes suicidaires chez les adolescentes et les jeunes femmes », pointe le rapport.

Il faut toutefois noter que ces évolutions accentuent des tendances préexistantes à la crise sanitaire. La part des gestes suicidaires et des tentatives de suicide a en effet toujours été plus importante chez les jeunes femmes que chez les jeunes hommes. D’après des chiffres de Santé publique France obtenus par Libé en janvier 2022, le nombre d’admissions aux urgences chez les jeunes filles de moins de 15 ans était, par exemple, deux fois supérieur à celui des garçons pour les années 2018–2020. Une différence qui s’explique par des causes multifactorielles, biologiques, hormonales et socioculturelles qui peuvent amener à des troubles du comportement alimentaire ou de stress post-traumatique, notamment à la suite de violences sexuelles.

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Une inégalité entre les femmes et les hommes qui s’est donc accrue avec la crise sanitaire. Ainsi, les femmes âgées de 15 à 24 ans sont très nombreuses (plus de 4 sur 10) à avoir présenté un syndrome dépressif au moins une fois au cours de la période étudiée – contre une personne sur quatre en moyenne dans le reste de la population. D’après l’Observatoire, au total, 6,5 % des femmes entre 15 et 24 ans ont pensé à se suicider pendant la crise du Covid : c’est presque trois fois plus que dans la population globale, où ce taux atteint 2,7 %.

Le phénomène ne s'est d'ailleurs pas limité à la France. Au Royaume-Uni aussi, la santé mentale des filles a été davantage mise à l'épreuve avec la pandémie que celle des garçons, selon une étude publiée à la fin du mois de mai dans la revue d'économie Economics Letters, et menée par des chercheur·ses britanniques (City University of London) et australien·nes (Université de Wollongong et Royal Melbourne Institute of Technology).

Vulnérabilités économiques

Si l’Observatoire explique cette différence par une plus grande vulnérabilité psychologique chez les jeunes face à la crise sanitaire qui a agi comme un facteur de risque supplémentaire, cette vulnérabilité semble prépondérante chez les jeunes femmes. Une vulnérabilité psychologique qui s’accompagne aussi d’une vulnérabilité économique. « Pour tous les niveaux de vie, les femmes sont particulièrement vulnérables entre 15 et 19 ans, mais plus particulièrement pour celles appartenant aux 25 % des ménages les plus modestes », pointe l’étude. Pour ces dernières, le taux d’hospitalisation pour lésions auto-infligées est ainsi près de huit fois supérieur à celui des hommes du même âge appartenant aux 25 % des ménages les plus aisés.

Dans ce contexte, l’Observatoire recommande dans son rapport une prévention globale du suicide des jeunes, « s’appuyant sur un réseau d’acteurs entre lesquels des liens doivent être établis pour permettre un repérage des risques et une prise en charge coordonnée ». Compte tenu des résultats de l'étude, l’Observatoire appelle notamment à la vigilance chez les femmes et les adolescentes.

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