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Monique Olivier, ex-femme du tueur en série Michel Fourniret, assise dans la salle d'audience pour son procès à la cour d'assises de Nanterre, en banlieue parisienne, le 28 novembre 2023. © Miguel MEDINA / AFP

Au pro­cès de Monique Olivier : les regrets de l’accusée et l’absence de Fourniret 

Monique Olivier, 75 ans, comparaît seule depuis aujourd’hui devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine pour complicité dans les enlèvements, viols et meurtres de Marie-Angèle Domèce, Joanna Parrish et Estelle Mouzin. Récit de la première journée d’audience d'un procès historique qui devrait durer trois semaines.

Mardi 28 novembre. 8h30. Il est encore tôt ce matin, mais déjà, une petite foule se masse devant le palais de justice du tribunal judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine). « C’est pour quoi tout ce monde ? », demande incrédule une passante à une policière devant les grilles du tribunal. « Ils sont tous là pour le procès de Monique Olivier ! », répond cette dernière. 

Monique Olivier. Un prénom et un nom associé depuis près de vingt ans au crime, à l’horreur et surtout à un autre : celui de son ex-mari, Michel Fourniret. C’est pourtant seule – celui que l’on surnomme « l’ogre des Ardennes » étant décédé en prison en mai 2021 – qu’elle comparaît aujourd’hui devant la justice pour complicité dans les enlèvements, viols et meurtres de Marie-Angèle Domèce, Joanna Parrish et Estelle Mouzin. Elle encourt pour cela la réclusion criminelle à perpétuité. Elle a déjà été condamnée à la perpétuité en 2008 pour complicité dans quatre autres meurtres et un viol commis par Michel Fourniret. Dix ans plus tard, elle est de nouveau condamnée à vingt ans de prison pour complicité dans le meurtre de Farida Hammiche. Pour ces deux condamnations, elle n’avait pas fait appel.

Devant la cour d’assises de Nanterre, Monique Olivier devra faire face à la justice mais aussi aux familles des victimes, venues nombreuses en ce premier jour d’audience. Elles attendent des réponses depuis plusieurs décennies. C’est dire que pour tous·tes, le procès était donc très attendu. Et arrive parfois trop tard. Claude Domèce, le père de Marie-Angèle, disparue en 1988 à Auxerre, qui s’est battu toute sa vie pour connaître la vérité et retrouver le corps de sa fille, n'en verra pas le dénouement judiciaire. Il est mort la semaine dernière, à l’âge de 95 ans. 

Premier procès pour le pôle "cold case"

L’audience n’a pas encore commencé que déjà des dizaines de caméras stationnent devant la salle des assises. Une couverture médiatique à l’image d’un procès - qui devrait durer trois semaines - qui promet d’être d’envergure. Selon le tribunal de Nanterre, plus de 350 accréditations ont été délivrées à la presse française, belge et britannique. Il s’agit d’ailleurs du premier du pôle « cold case » chargé, depuis sa création en mars 2022, de résoudre des crimes et affaires non élucidées, disséminées en France.

Lire aussi I “Cold cases” à la française : le pôle du tribunal de Nanterre travaille contre la montre

10h15. Monique Olivier vient d’entrer dans le box des accusé·es. Son visage est morne, sans expression. Elle se tient courbée. Elle a accepté d’être filmée. Une foule de journalistes se presse alors devant elle, seule une large vitre la sépare des caméras. Monique Olivier y reste complètement impassible. Lorsque le président de la cour d’assises, Didier Safar, lui demande ensuite de déclarer son identité, elle a bien du mal à s’exprimer. Sur sa date de naissance notamment, elle éprouve de grandes difficultés à retrouver l’année exacte. Le président lui demande ensuite si elle consent à répondre aux questions de la cour pendant le procès. « Je vais faire de mon mieux », répond-t-elle, laconiquement, d'une voix fluette quasi inaudible.

La lenteur de la justice

Le président commence ensuite le rapport des faits. Monique Olivier écoute, le dos courbé, toujours impassible derrière la vitre du box. Le 8 juillet 1988, Marie-Angèle Domèce, 19 ans, quitte son foyer et disparaît sur le chemin de la gare d’Auxerre (Yonne) où elle doit se rendre. Monique Olivier donne en 2005 des détails sur le viol et le meurtre de la jeune fille mais le parquet de Charleville-Mézières trouve le dossier « trop fragile » pour être jugé. Il faudra attendre quatorze ans de plus et de nouveaux aveux de Monique Olivier pour que l’affaire soit enfin prise au sérieux par la justice. En février 2018, Michel Fourniret reconnaît les meurtres de Marie-Angèle Domèce. Il reconnaît aussi celui de Joanna Parrish, cette étudiante anglaise dont le corps sera retrouvé dans l’Yonne en mai 1990. 

Le président évoque à présent l’enlèvement d’Estelle Mouzin pour lequel comparaît également Monique Olivier. Le 9 janvier 2003, la petite fille de 9 ans disparaît sur le chemin du retour de son école à Guermantes (Seine-et-Marne). Michel Fourniret et Monique Olivier échappent à la justice et l’enquête piétine jusqu’aux aveux de « l’ogre » en 2019. Depuis, Michel Fourniret est mort sans dire où il avait enterré le corps d’Estelle. De son côté, Monique Olivier a reconnu avoir participé à la séquestration d’Estelle Mouzin. Malgré cela et en dépit de fouilles minutieuses menées ces dernières années dans les forêts des Ardennes, le corps de la petite fille n’a jamais été retrouvé. 

Quel rôle a tenu Monique Olivier ?

Au moment où le président évoque l’affaire Estelle Mouzin, Monique Olivier, qui jusque-là semblait spectatrice de son propre procès, se redresse. Tandis qu’assis non loin, au premier rang sur les bancs des parties civiles, Éric Mouzin, le père d’Estelle, se fige. Que peuvent-elles aujourd’hui attendre de Monique Olivier, ces familles dont la vie est marquée à jamais par la béance ? « Avec ce procès, j’aurai eu la conviction d’avoir fait ce qu’il fallait, du mieux possible, malgré toutes les embûches qui étaient semées sur notre chemin », confiait récemment Éric Mouzin à France Bleu. En filigrane du procès de Monique Olivier, se tiendra peut-être aussi celui de la justice française tant les affaires Marie-Angèle Domèce, Joanna Parrish et Estelle Mouzin sont des exemples de ratés judiciaires.

Derrière cette accusation, il s’agira aussi de répondre à une question centrale : quel rôle précis a tenu Monique Olivier dans le feuilleton meurtrier qui a épouvanté la France et la Belgique pendant des décennies ? Si elle reconnaît avoir participé à l’enlèvement de Marie-Angèle Domèce, de Joanna Parrish et d’Estelle Mouzin, reste à savoir si elle l’a fait de son plein gré ou sous emprise. Aujourd’hui encore, la personnalité de Monique Olivier reste une énigme. Pour certain·es, elle a véritablement été sous l’emprise de son mari, pour d’autres, c’est elle qui lui a « donné son permis de tuer ». Lorsque le président soulève cette « complémentarité criminelle » pointée par plusieurs expert·es psychologues, Monique Olivier secoue soudain la tête de gauche à droite. Après deux heures d’audience, il s’agit de sa première réaction. À la fin du long exposé du président de la cour d’assises, Monique Olivier déclare d’une voix fébrile et mal assurée « [qu’elle] regrette tout ce qui s’est passé ». « C’est tout ce que vous avez à dire ? Nous verrons ça plus tard », enchaîne le magistrat.

Lire aussi I Monique Olivier : l'épouse de l'ogre était-elle une ogresse ?

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