italie
© Capture écran euronews.com

Saluts fas­cistes à Rome : les des­sous des images gla­çantes qui ont fait le tour d’Internet

Une masse d’une centaine d’hommes en noir et la tête souvent rasée, bras tendus à la manière des chemises noires de Benito Mussolini. On vous explique la polémique qui secoue l’Italie, et ses enjeux politiques.

Que s’est-il passé le 7 janvier 2024 rue Acca Larentia à Rome ?

Dimanche 7 janvier, des militant·es de l’extrême droite italienne ont, comme chaque année, rendu hommage à trois jeunes militants fascistes tués le 7 janvier 1978 dans la rue Acca Larentia à Rome, qui abritait alors le siège du parti néofasciste Mouvement social italien (MSI, aujourd’hui Alliance nationale).

Cette année, une vidéo prise d’un immeuble surplombant les commémorations et devenue virale sur les réseaux sociaux montre une centaine de manifestant·es réalisant le “salut romain” (ou fasciste) et scandant “presente !” (“présent”), un cri utilisé là aussi par les milices de Mussolini, qui a imposé la dictature fasciste sur le pays entre 1922 et 1945.

Que commémoraient ces militant·es ?

Leur hommage concerne trois jeunes hommes membres du Front de la jeunesse (organe issu du MSI) et tués dans un contexte de violences entre extrême droite et extrême gauche durant les années de plomb (fin des années 60-début des années 80). Franco Bigonzetti (20 ans) et Francesco Ciavatta (18 ans) ont été assassinés par des militants d’extrême gauche, tandis que Stefano Recchioni (19 ans) a été tué par un carabinier quelques heures plus tard au cours d’affrontements entre la police et des manifestants venus protester contre la mort des deux premiers.

Si un carabinier et quatre militants du groupe armé d’extrême gauche Lotta Continua ont été arrêtés et un temps inculpés, aucune condamnation n’a jamais eu lieu dans l’affaire du “massacre d’Acca Larenzia” comme l’appelle-t-on en Italie. De fait, un profond ressentiment envers la justice et l’État s’est cristallisé sur le sujet pour l’extrême droite italienne.

Qui sont les personnes filmées ?

Il s’agit notamment des militant·es du parti néofasciste CasaPound, affirme Il Corriere della Sera. Le journal rapporte un extrait de leur communiqué en réponse à l’indignation provoquée par ces saluts fascistes : “À ceux qui nous demandent un commentaire, nous répondons simplement : comment est-il possible que 46 ans après, justice n’ait pas été faite pour Franco, Francesco et Stefano ? Les enquêtes parlementaires, les polémiques, les demandes d’identification et ce misérable petit théâtre [médiatique] ne pourront pas faire disparaître le souvenir et chaque 7 janvier, nous serons au rendez-vous.”

A ces "fascistes du troisième millénaire", ainsi que les surnomme Il Corriere, s'ajoutent des membres du MSI époque années de plomb. L'un d'eux, sexagénaire, pérore en ces termes : "A tous ceux qui crient au fascisme : mais quel rapport avec notre époque ? [...] Vous dites que l'autre soir, la Digos [l'équivalent opérationnel de la DGSI française, ndlr] aurait dû nous identifier ? Et pourquoi ? Ils nous connaissent tous, ils auraient peut-être dû faire l'appel ?"

Que dit la loi italienne au sujet du “salut romain” et du cri “présent” ?

Si le rôle des autorités policières est en question, c’est que les manifestations d’appartenance à la mouvance fasciste sont un délit en Italie. Ainsi, le Code pénal italien punit depuis 1952 “la réorganisation du parti fasciste dissout”, en ces termes : “quand une association, un mouvement ou même un groupe d’au moins cinq personnes poursuit les visées antidémocratiques propres au parti fasciste […] en consacrant son activité à l’exaltation des représentants, principes, faits et méthodes spécifiques du parti susnommé ou réalise des manifestations publiques à caractère fasciste”.

Si théoriquement, le salut romain et le cri “présent” peuvent être condamnés par la loi italienne, la Cour de cassation instruit actuellement une affaire de saluts romains datée de 2014. Sa décision, qui fera jurisprudence, est attendue au 18 janvier.

Ces militant·es vont-ils être inquiété·es par la justice ?

La Digos a annoncé transmettre un rapport au parquet de Rome, qui doit décider d’ouvrir une enquête judiciaire ou pas. Par ailleurs, le vice-président de la chambre des députés Sergio Costa (Movimento 5 Stelle, antisystème) a affirmé qu’il allait déposer plainte auprès de ce même parquet afin de “déterminer si d’éventuels délits ont été commis, parmi lesquels l’apologie du fascisme, durant la commémoration”. Et d’ajouter : “Voir les images de ce qui s’est passé est bouleversant. Il faut immédiatement que le gouvernement prenne position et réponde de manière forte et ferme.”

Comment a réagi la cheffe du gouvernement, Giorgia Meloni ?

Son silence est assourdissant. La Première ministre, présidente du parti d’extrême droite et post-fasciste Fratelli d’Italia (FdI), n’a pas pris la parole au sujet de cette démonstration de force des partis encore plus à l’extrême droite que le sien.

L’un de ses fidèles, le président du Sénat Ignazio La Russa, a été envoyé au front de la polémique pour prendre ses distances : “FdI est complètement étranger à l’épisode des saluts romains à la commémoration des trois très jeunes victimes de l’attentat d’Acca Larenzia”, a-t-il rebattu à la presse ? Tout en affirmant attendre “la réunion prévue de la Cour de cassation sur ce point spécifique” pour considérer si le salut romain est condamnable ou pas.

Et l’opposition ?

Les atermoiements de la majorité à condamner la manifestation du 7 janvier 2024 laissent un boulevard à la gauche italienne pour faire entendre son indignation. La jeune cheffe de file du Parti démocrate (centre gauche), Elly Schlein, a notamment comparé cette scène glaçante à un épisode déroutant de l’actualité italienne survenu un mois auparavant. Le 8 décembre dernier, à la Scala de Milan, le journaliste spécialiste de l’opéra Marco Vizzardelli avait scandé “vive l’Italie antifasciste” en pleine représentation de la première de Don Carlo, pour protester de la présence dans le public d’Ignazio La Russa ou encore de Matteo Salvini (Ligue du Nord). Par la suite, des policiers de la Digos sont venus lui demander sa pièce d’identité en pleine séance.

“Si vous criez ‘Vive l’Italie antifasciste’ au théâtre, vous faites l’objet d’un contrôle d’identité, mais si vous vous rendez à un rassemblement néofasciste avec des saluts romains et des banderoles non, a tweeté Elly Schlein. […] Et Meloni n’a rien à en dire ?”

Lire aussi l Elections en Italie : un « triomphe » pour le post-fascime de Giorgia Meloni

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.