Capture decran 2024 02 21 a 11.06.42
© Capture écran Youtube / @Law&Crime Network

Aux États-​Unis, une “maman influen­ceuse” incul­pée pour maltraitance

Ruby Franke, “maman influenceuse” américaine de six enfants, a été condamnée mardi à quatre peines d’emprisonnement pour maltraitance aggravée. En août dernier, son fils de 12 ans – en état de malnutrition – s’était échappé de la maison, où il était retenu pour quémander de la nourriture.

Sur sa chaîne YouTube 8Passengers (créée en 2015), l’influenceuse américaine Ruby Franke distillait ses conseils parentalité à une audience de près de 2,5 millions d’abonné·es. Ce canal aujourd’hui supprimé donnait à voir le quotidien de cette mommy vlogger – “maman vloggeuse” en français –, de son mari et de leurs six enfants dans l’État ouest-américain de l’Utah. En août dernier, elle a été arrêtée dans la ville d’Ivins, après que son fils de 12 ans s’est échappé d’une maison où il était retenu pour réclamer de l’eau et de la nourriture aux voisin·es.

Les déclarations de la police ce jour-là décrivent l’enfant comme “émacié”, selon le média américain The Cut. Le jeune garçon aurait par ailleurs présenté des blessures, ainsi que des marques causées par du ruban adhésif autour de ses chevilles et de ses poignets. Ruby Franke a plaidé coupable en décembre à quatre chefs d’accusation pour maltraitance aggravée d’enfants. Elle encourt aujourd’hui une à quinze années d’emprisonnement pour chaque inculpation.

Dérives sectaires et punitions sévères
Ruby Franke et ses cinq plus jeunes enfants

Dans la maison d’Ivins se trouvait également la fille de 10 ans – elle aussi en état de malnutrition – de Ruby Franke. Cette dernière avait vraisemblablement confié la garde de ses deux enfants à son associée commerciale, Jodi Hildebrandt, propriétaire de la résidence. Les deux femmes alimentaient ensemble le compte Instagram Moms of truth. Jodi Hildebrandt, coach et conseillère de vie, est également à l’origine du site et de la chaîne Youtube ConneXions, décrit comme un “groupe de soutien” pour les mères qui aide à “traiter les personnes perdues dans l’obscurité d’une distorsion” et où Franke apparaissait en tant que coach en santé mentale. Selon Business Insider, Jodi Hildebrandt et sa comparse y proféraient notamment des remarques racistes, validistes et transphobes. La plateforme de “cours de parentalité” a par ailleurs tout d’une secte, selon certain·es critiques, qui y soulignent l’approche autoritaire de l’éducation. Selon ces enseignements, les parents ne devraient par exemple pas aimer leurs enfants inconditionnellement ni leur accorder trop d’intimité.

C’est sans doute en raison de cette vision de la parentalité que le fils aîné de Ruby Franke, Chad, a été privé de sa chambre. Puni pour avoir fait des farces à son petit frère, l’adolescent a dormi sur un pouf pendant sept mois. Une anecdote qu’il a lui-même racontée en 2020 sur la chaîne YouTube de sa maman vlogeuse et qui avait indigné de nombreux·euses internautes. Certaines vidéos la montrent également en train de punir ses enfants en leur refusant de la nourriture ou les menaçant de “perdre le privilège” de dîner, arguant que sa fille de 6 ans devrait connaître la faim parce qu’elle avait oublié d’apporter sa boîte à tartines à l’école, d’après le journal américain The Washington Post. En 2020, une pétition en ligne pour réclamer une intervention des services de protection de l’enfance au domicile de Franke avait récolté des milliers de signatures. Si L’initiative n’avait alors pas été plus loin – faute de preuves –, la chaîne 8Passengers a par la suite cessé d’être alimentée.

Soulagement

Depuis l’arrestation de Ruby Franke, suivie de celle de Jodi Hildebrandt – également poursuivie pour maltraitance aggravée –, de nombreuses autres voix se sont élevées pour exprimer leur soulagement. Plusieurs voisin·es racontent ainsi avoir tenté de prévenir les forces de l’ordre. “Je suis vraiment en colère, parce que j’ai parlé. D’autres personnes se sont exprimées”, raconte à la chaîne américaine NBC une résidente du quartier qui s’inquiétait de voir Ruby Franke s’absenter parfois pendant plusieurs jours. “Si les gens savaient le nombre de larmes et le temps passé à parler avec les forces de l’ordre et les services de protection de l’enfance au cours de l’année écoulée […], je veux que ces enfants le sachent, car je pense qu’ils pensaient avoir été abandonnés.” La police locale a déclaré à NBC avoir essayé de prendre contact avec les enfants, sans y parvenir, ces dernier·ères ayant refusé de s’approcher de la porte.

Les deux sœurs de la maman vlogeuse ont déclaré sur Instagram : “Ruby a été arrêtée, c’est ce qui devait arriver.” Shari Franke, la fille aînée de la famille, âgée de 20 ans, écrivait le jour de l’arrestation dans un post Instagram depuis supprimé le simple mot “enfin”, avant d’ajouter dans sa story Instagram, selon le New York Times : “Cela fait des années que nous essayons d’en parler à la police et aux services de protection de l’enfance, et nous sommes ravis qu’ils aient enfin décidé d’intervenir.” Kevin Franke, le père de ces six enfants, a quant à lui tenté – par le biais de son avocat·e – de se détacher des allégations d’abus, affirmant qu’il était “désemparé” et qu’il vivait séparé de sa femme depuis treize mois, rapporte The Cut. Il a demandé le divorce en décembre dernier.

Des accusations et des aveux

Ruby Franke et Jodi Hildebrandt sont toutes deux retenues en prison depuis leur arrestation, en raison de la sévérité des violences infligées aux deux enfants de la mommy vlogger. Le 7 septembre dernier, cette dernière est apparue à une audience en visio-conférence depuis une prison de l’Utah pour un jugement quant à la garde de ses quatre enfants mineur·es. Selon le journal anglais The Daily Mail, elle aurait usé de ce temps de parole pour faire porter le blâme à ses enfants, affirmant que l’un deux lui aurait confié avoir abusé de vingt autres jeunes, dont des frères et soeurs, cousin·es et voisin·es. Des accusations dénuées de preuve qui ont néanmoins poussé la juge à déclarer que l’enfant devra être “placé dans un foyer sans autres enfants”.

Malgré ces attaques, Ruby Franke a plaidé coupable le 18 décembre dernier de maltraitance aggravée, selon KUTV. “Avec mes plus profonds regrets et ma plus grande tristesse pour ma famille et mes enfants, je plaide coupable”, aurait-elle déclaré durant l’audience. Dans le cadre d’un accord avec le tribunal, la maman vlogueuse a par ailleurs admis avoir menotté les pieds de son fils, lui avoir infligé des coups de pied et lui avoir maintenu la tête sous l’eau en obstruant son nez et sa bouche. Le texte de cet accord fait état d’abus similaires perpétrés sur sa fille de 9 ans. En décembre, l’avocat de Ruby Franke a laissé entendre au tribunal que sa cliente avait été influencée par une conseillère qui aurait contribué à “distordre son sens moral”, une potentielle référence à Jodi Hildebrandt.

"Sharenting"

Ruby Franke pourrait aujourd’hui être condamnée à une peine allant jusqu’à 60 ans de réclusion, chacun des quatre chefs d’accusation pour maltraitance auquel elle a plaidé coupable étant punis d’une à quinze années d’emprisonnement. Jodi Hilderbrandt encourt la même peine.

Comme le souligne The Guardian, cette affaire met à nouveau en lumière les travers de ce que le journal dénomme le sharenting, contraction de share et de parenting, ou “partage et “parentalité”. Ce terme désigne les parents qui diffusent et promeuvent leurs compétences parentales en ligne, tout en cherchant à faire de l’argent. Une pratique qui pousse souvent ces adultes à franchir des barrières éthiques, exploiter leurs enfants et porter atteinte à leur intimité. En octobre dernier, en France, une loi a ainsi été votée à l’Assemblée pour protéger davantage le droit à l’image des enfants face aux dérives de certains parents qui les exposent de manière excessive sur les réseaux sociaux.

Lire aussi I Aux États-Unis, une mère condamnée pour la fusillade perpétrée par son enfant

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.