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Portrait de Lyes Louffok. © DR

Lyes Louffok : le porte-​voix des enfants placé·es

Le militant des droits des enfants Lyes Louffok dénonce inlassablement les “aberrations” d’un système de protection de l’enfance à bout de souffle.

Il se décrit comme une “vigie”. Depuis dix ans, Lyes Louffok, ancien enfant placé, passé par “l’enfer des foyers” et victime de violences sexuelles et de maltraitance, ne laisse rien passer. À coup de tweets, de livres et d’interviews, ce jeune homme de 29 ans tire à boulets rouges tant sur les gouvernements successifs, qu’il accuse “d’inertie” coupable, que sur les départements, “hors-la-loi”. Le militant des droits des enfants “déborde de colère” et “criera” jusqu’à ce que l’exécutif “se débouche les oreilles”.

Confié à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) dès sa naissance, Lyes Louffok a été balloté de ses 18 mois à ses 18 ans de familles d’accueil en foyers. Il dénonce aujourd’hui une “situation extrêmement alarmante” et martèle : “On traverse une crise qui ne cesse de s’aggraver d’année en année. Énormément d’enfants devraient être placés et ne le sont pas, faute de moyens. Ils restent donc en danger, dans leurs familles.” Quant à ceux·celles qui ont “la chance” d’être placé·es, ils·elles se retrouvent “dans des structures surchargées, voire dans des campings ou des hôtels”, où parfois, des jeunes filles “se prostituent” et des “gamins de suicident ou meurent d’overdose parce que leurs addictions n’ont pas été traitées”, décrit-il.

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Des enfants invisibles

Si certain·es enfants intègrent des familles “aimantes et bienveillantes”, d’autres connaissent “une longue descente aux enfers”. Ce second parcours, Lyes Louffok le raconte en 2014 dans le livre Dans l’enfer des foyers (chez Flammarion). “Je me suis rendu compte après coup que je n’étais pas un cas isolé et qu’on était extrêmement nombreux à avoir traversé un placement à l’Aide sociale à l’enfance catastrophique”, analyse-t-il.

Pourtant, “quand on tape sur Google : rien”. Le militant réalise qu’il y a très peu d’informations sur les enfants placé·es, alors même qu’ils et elles sont “des centaines de milliers concernés”. “Ça m’a mis énormément en colère, raconte Lyes Louffok, je me suis dit ‘comment les gens peuvent-ils ne pas être au courant ?’”. Depuis, le jeune homme n’a qu’un objectif en tête : “Faire en sorte que les enfants placés ne soient plus l’angle mort des politiques publiques et des débats médiatiques.” En 2022, il publie un second livre, Si les enfants votaient : plaidoyer pour une politique de l’enfance (Harper Collins). Il intègre aussi le Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) et témoigne dans un documentaire Enfants placés, les oubliés de la République (2019). Deux ans plus tard, un téléfilm, L’Enfant de personne, est consacré à son parcours.

Porter "cette radicalité"

Une hyperactivité qui finit par le submerger. En 2022, Lyes Louffok annonce se mettre en “pause”. Le militant est “dans un état d’épuisement psychique. Pendant dix ans, j’ai été énormément sollicité par des personnes placées, qui avaient besoin d’être aidées, poursuit-il. J’avais l’impression d’être devenu un service public”. Bien que salué par les acteur·rices de terrain, son militantisme est aussi critiqué. Ses détracteur·rices pointent du doigt son ton et une proximité avec La France insoumise (LFI), ce qu’il dément. “Je suis de gauche, mais je ne suis et ne veux être affilié à aucun parti.”

Lyes Louffok continue néanmoins à dénoncer publiquement “une inertie depuis quarante ans”, qui “nous impose d’aller demander des comptes et, oui, de déranger”. Le jeune homme avance par ailleurs une liste de mesures urgentes : la création de nouvelles structures, l’interdiction effective du placement d’enfants dans des hôtels ou des campings, la revalorisation des travailleur·euses sociaux·ales. S’il salue la nomination d’une ministre déléguée à l’Enfance et aux Familles, le militant attend de voir la suite. Or, le “temps presse”, rappelle-t-il, pour les 377 000 enfants qui font l’objet d’une mesure de protection au titre de l’Aide sociale à l’enfance.

Le 25 janvier dernier, dans le Puy-de-Dôme, une adolescente de 15 ans a été retrouvée pendue dans un hôtel où elle avait été placée. “Combien de drames va-t-il encore falloir pour qu’on agisse ?” s’indigne Lyes Louffok. En attendant des actions concrètes, le militant des droits des enfants continuera à “porter cette radicalité” revendiquée. “Quand j’ai démarré mon engagement, c’était avec un objectif très clair : que plus aucun enfant placé n’ait à subir ce que j’ai subi dans mon enfance. J’irai jusqu’au bout.”

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