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© Krista Van Der Niet pour Causette

Réparation de l'hymen, se refaire une virginité

La reconstruction chirurgicale de l'hymen (hyménoplastie) divise le corps médical. Faut-il aider la patiente en détresse ou refuser d'entretenir ce mythe, qui serait le symbole de la virginité ?

« Mais vous savez, Sarah, que le prophète Mahomet s’est marié avec Khadija, qui était veuve et donc qui n’était pas vierge ? » demande le Dr Abecassis, chirurgien esthétique. À l’autre bout du téléphone, la jeune fille dit qu’elle sait bien, mais qu’elle n’a vraiment pas le choix : il lui faut être équipée d’un hymen pour son mariage, qui a lieu dans un mois. « On va faire en sorte que cette membrane soit comme avant, la rassure-t-il. Je ne peux pas vous garantir que cela saignera. Les hommes savent que, parfois, ça ne saigne pas, mais il sentira une résistance. »

Une anesthésie, une demi-heure d’opération, et 2 000 à 4 000 euros : c’est le prix à débourser pour se racheter une virginité, en France. La reconstruction de l’hymen échappe à toute comptabilité de la Sécurité sociale. Ce que l’on sait, c’est que les patientes viennent majoritairement frapper à la porte des chirurgiens, écrasées par le poids du conservatisme de leur famille ou du futur époux, qui exigent une nuit de noces sanguinolente. Elles l’ont intériorisé. Mais, parfois, ce sont des femmes violées ou encore des ex-prostituées qui se font recoudre pour surpasser un traumatisme.

Un leurre chirurgical

Concrètement, les chirurgiens suturent les lambeaux restants de la membrane pour la recréer. S’ils n’ont plus assez de matière, ils utilisent la muqueuse vaginale à proximité. « C’est un leurre chirurgical qui consiste à faire saigner une femme », s’indigne la sage-femme Chantal Birman. Souvent, les chirurgiens esthétiques qui la pratiquent ont longtemps hésité avant de s’y résoudre. « Ce n’est pas à moi seul que je changerai la société, je ne peux pas me substituer aux pouvoirs publics. En attendant, j’ai le sentiment d’écouter les demandes des femmes », argue le Dr Abecassis, qui n’a franchi le pas qu’après dix ans d’exercice. Il en pratique aujourd’hui deux par semaine en moyenne. « On aide surtout des femmes en détresse », renchérit le chirurgien esthétique Stéphane Smarrito.

Oui mais. « On n’avancera pas si on continue à accepter de recoudre des hymens », note Chantal Birman. Et à laisser vivre la symbolique de virginité rattachée à ce petit bout de peau. Pour celles qui ne peuvent se payer une hyménoplastie, il y a d’autres techniques. Le faux hymen : le foie de volaille inséré dans le vagin, par exemple, qui ne coûte que 60 euros sur Internet… Ou la sodomie, histoire de rester vierge au moins côté face.

L’hypocrisie s’accompagne parfois d’une demande de certificat de virginité. La gynécologue Claudine Zimmer se retranche derrière les positions du Conseil national de l’ordre des médecins, qui indique que lorsque l’examen pour délivrer le fameux sésame « n’a aucune justification médicale, il ne relève pas du rôle du médecin ». Elle n’en a jamais délivré. Quand un couple se rend chez le Dr Zimmer, en quête de l’attestation, pour Madame, destinée à rassurer les familles, elle a cette question à l’adresse de Monsieur : « Il vous en faudra une à vous aussi ? »


Bon sang ne saurait mentir ?

Attention ! scoop. « Beaucoup de praticiens ne savent pas dire si une femme est vierge ou pas en examinant son hymen », assure le chirurgien esthétique Marc Abecassis. Et pour cause : la membrane qui clôt partiellement l’orifice vaginal a un aspect différent chez chaque femme (elle peut, par exemple, être perforée de plusieurs petits trous). Le planning familial avance le chiffre d’« environ un tiers de filles qui n’en ont pas ». Et on connaît toutes les histoires d’hymens se déchirant sans qu’on s’en rende compte, en dansant ou en pratiquant l’équitation. L’hymen peut aussi exister, mais ne pas être assez vascularisé pour saigner lors de sa déchirure. Conséquence, nombreuses sont les femmes qui n’ont pas perdu de sang lors de leur première fois.

« Ce qu’il faudrait, c’est une campagne d’information à grande échelle pour en finir une bonne fois pour toutes avec le mythe de l’hymen garant de la virginité », plaide la sage-femme Chantal Birman. Parce qu’en fait, il existe des cas où des « vierges anatomiques » tombent enceintes  : les spermatozoïdes sont des cellules mobiles qui peuvent remonter de la vulve jusqu’aux trompes sans qu’il n’y ait eu pénétration.

Mais alors, à quoi sert l’hymen ? Selon le Dr Martin Winckler, on a postulé qu’il servait, chez les toutes petites filles, à protéger la cavité vaginale et l’utérus des bactéries venues de l’extérieur, notamment des matières fécales éliminées par le tube digestif. Mais cela n’a pas été démontré, précise-t-il sur son blog.
En attendant de savoir, la fable de l’hymen a de beaux jours devant elle.

Casser son sabot
En patois solognot, celle qui a cassé son sabot perd le droit de porter un bouquet de fleurs d’oranger… Attribut qui symbolise la virginité bien sûr !  

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