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© Unsplach / Deon Black

"On devrait être plus à le faire, il faut en par­ler” : témoi­gnages de conver­tis à la vasectomie

De plus en plus d’hommes semblent ne plus hésiter à recourir à la vasectomie. Dans l’idée de ne plus laisser aux femmes la lourde charge de la contraception et de prendre enfin leurs responsabilités, ont expliqué cinq d’entre eux à Causette. Tous souhaitent démystifier cet acte et assurent qu’il ne transforme en rien leur vie intime.

En France, entre 2010 et 2022, le nombre de vasectomies a été multiplié par quinze, passant de 1940 à 30288, rapporte une récente étude menée par l’Assurance-maladie et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

De plus en plus d’hommes semblent donc ne plus hésiter à recourir à cette forme de stérilisation, considérée comme définitive et consistant à bloquer les spermatozoïdes via une ligature des canaux qui les transportent depuis les testicules. Dans l’idée de ne plus laisser aux femmes la lourde charge de la contraception et de prendre enfin leurs responsabilités, comme l’ont expliqué cinq d’entre eux à Causette.

Tous souhaitent démystifier cet acte et assurent qu’il ne transforme en rien leur vie intime. Car si la hausse des vasectomies est impressionnante, leur fréquence reste encore faible : environ 0,15 % des hommes concernés ont fait ce choix en 2022. “C’est un acte banal, on devrait être plus d’hommes à le faire. Il faut en parler”, assure l’un des interviewés. Voici leurs témoignages.

Kévin, opéré à 42 ans, en 2022

“J’ai rencontré ma compagne il y a très longtemps, aux débuts des années 2000. À l’époque, on a d’abord utilisé le préservatif, puis elle s’est mise à la pilule. Après la naissance de nos deux enfants, ma femme est passée au DIU au cuivre [stérilet, ndlr] pendant une quinzaine d’années. Mais au moment de le renouveler pour la deuxième fois, on en a discuté : je pensais naïvement que le stérilet était une contraception facile et non contraignante, qui permettait d’éviter de prendre des hormones. C’est, en tout cas, ce qu’elle m’avait expliqué à l’époque. Mais elle m’a révélé que cela rendait les règles plus abondantes et douloureuses. Et que la pose du stérilet n’était pas du tout agréable. 

Je connaissais l’existence de la vasectomie. J’ai commencé à m’y intéresser, à me poser des questions, à me demander si cela me dérangeait que ce soit irréversible. Je me suis rendu compte que non : je venais alors de fêter mes 40 ans, nous avions déjà deux enfants et pas l’intention d’en avoir d’autres. Cela ne me gênait pas que ça ne soit pas réversible. J’en ai parlé autour de moi et un ami m’a annoncé qu’il y avait eu recours. Il n’avait jamais abordé le sujet. Il m’a rassuré concernant mes interrogations sur la lourdeur de l’opération, sur d’éventuelles séquelles… Lors de mon premier rendez-vous avec l’urologue, ce dernier m’a également aidé à y voir plus clair sur plusieurs points. Pour lui, il s’agissait vraiment d’une opération standard, de routine presque. Il était très détendu. Après le délai d’attente obligatoire de quatre mois, je me suis lancé. J’ai eu l’impression que ça a mis un peu de temps à cicatriser, environ trois semaines, mais cela n’a rien changé à ma vie sexuelle.

Plus jeune, lorsqu’on utilisait le préservatif, j’avais l’impression d’avoir une forme de responsabilité que j’ai perdue ensuite. Il semblait normal, dans notre société, d’avoir recours à la pilule ou au stérilet. Mais cela ne laisse pas la place à des solutions qui responsabilisent les hommes. J’ai vécu la vasectomie comme le moment de reprendre mes responsabilités. Il faut reconnaître qu’il s’agit d’une petite action qui permet d’enlever une sacrée charge. J’en ai parlé à mes parents et à mes proches. Comme ma décision était argumentée, je n’ai pas reçu de commentaires négatifs. Par contre, je m’attendais à recevoir plus de questions. Mine de rien, cet acte reste encore militant. Je ne regrette pas du tout ma décision. Elle m’a permis, avec ma femme, de passer à une autre étape de notre vie.”

Thomas, opéré à 32 ans, en 2019

“Avec ma compagne, après avoir eu notre quatrième enfant, nous avons décidé que c’était suffisant, que nous n’en voulions pas d’autres. Jusque-là elle prenait la pilule, j’essayais d’y participer à ma façon en lui rappelant de ne pas l’oublier. Mais il était hors de question qu’elle continue d’être sous hormones pendant encore de nombreuses années. Nous avons aussi écarté le stérilet en cuivre, car nous savions qu’il pouvait y avoir une incidence sur les règles. Après que ma belle-sœur s’est fait ligaturer ses trompes, je me suis dit que la vasectomie constituait une bonne option : l’opération est moins lourde pour les hommes que pour les femmes, et cela me permettait de prendre ma part dans la contraception. Ma compagne a tout de même eu quatre grossesses, son corps n’est plus le même, elle a un périnée fragile… Je trouvais cela normal et naturel de réaliser cet acte.

Je viens d’une famille catholique. Quand j’en ai parlé à mes parents, cela les a surpris, mais ils ont respecté ma décision. Ils ont aussi eu quatre enfants et tout fait pour ne pas en avoir un cinquième. Donc ils me comprenaient. J’ai pris un certain recul par rapport à la religion. Je suis toujours croyant, mais je me pose beaucoup de questions. Depuis longtemps, j’ai pris la décision que la religion n’aurait pas d’incidence sur ma vie. Contrairement à ma sœur, par exemple, qui n’utilise pas de contraception mais des méthodes “naturelles” et estime que si un autre enfant arrive, ce sera parce que Dieu le veut. Dans mon entourage, j’ai appris que quelques hommes avaient fait l’opération. Beaucoup m’en ont aussi parlé après coup. Cela les inspirait, mais ils s’inquiétaient que ça change quelque chose à leur vie sexuelle. Je les ai rassurés. Mais il existe une vraie méconnaissance sur le sujet.

La vasectomie s’est très bien passée. L’opération a été très rapide, je suis arrivé le matin à l’hôpital, sorti l’après-midi. J’ai marché un peu en canard pendant quelques jours, je m’asseyais avec précaution, j’ai eu un petit hématome, mais c’est tout. Le plus difficile a été de se remettre de l’anesthésie générale. C’est dire ! Ma femme a été très touchée que je le fasse. Elle m’a confié qu’elle y avait pensé, mais qu’elle n’aurait jamais osé me le proposer, car cela était une décision qui concernait mon corps. Pour moi, c’est un acte banal. Je n’ai pas l’impression de mériter une médaille.”

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Luc, opéré à 35 ans, en 2023

"A 35 ans, je me suis retrouvé célibataire après dix ans de mariage et trois enfants. J'ai commencé à rencontrer d'autres personnes, on m'a demandé si je voudrais être père à nouveau et je me suis rendu compte que non. La vasectomie m'est apparue comme la meilleure solution pour ne pas imposer à ma potentielle future compagne la charge de la contraception. J'y avais déjà pensé avec mon ex-femme, mais elle ne souhaitait pas que je le fasse dans l'hypothèse où elle voudrait un nouvel enfant. Après le divorce, je me suis dit que c'était le moment de me lancer.

Mes parents m’ont éduqué sur ce sujet : mon père a eu recours à une vasectomie à 41 ans, au cours de l’été 1991, quelques mois après la naissance de mon petit frère, alors que ce n’était pas encore tout à fait légal. Il avait négocié avec l’hôpital, en proposant de donner ses gamètes contre l’opération. Mon père ne trouvait pas normal que la contraception soit exclusivement une charge féminine et que l’on ne puisse pas faire cette opération. Il a toujours milité pour cette cause. Il ne m’en a pas parlé immédiatement, mais quand j’ai eu 14-15 ans. À l’époque, je me demandais comment il avait pu accepter de s’infliger ça. Je me disais que c’était dommage de le faire. Finalement, en grandissant, et après avoir eu trois enfants, j’ai compris son geste. Mon frère, de son côté, a porté pendant cinq ans un anneau contraceptif. Mais il vient de l’enlever comme il essaie d’avoir un enfant avec sa compagne.

Mes parents étaient fiers que j’aie recours à une vasectomie. Par contre, mes copains m’ont tous dit que j’étais fou. Le jour de l’opération, pour les taquiner, j’ai envoyé une photo de moi en tenue, avec la charlotte sur la tête. Ils ont tous plusieurs enfants mais aucun ne franchit le pas. Pour eux, on touche à leur virilité en les stérilisant. Ils ont l’impression que leurs corps va moins bien marcher, qu’on leur enlève quelque chose. À chaque fois que je les vois, j’en remets une couche sur cet acte banal. Les mentalités évoluent timidement. On devrait être plus d’hommes à le faire. Il faut en parler.”

Jérémy, opéré à 37 ans, en 2023

"J'ai une belle-fille et un fils. Après la naissance de ce dernier, ma femme a souhaité arrêter de prendre la pilule : elle se sentait moins bien avec, avait des maux de tête... Nous sommes donc repassés pendant un temps au préservatif pour limiter les risques. Nous étions tous les deux d'accord sur le fait de ne pas avoir un autre enfant. J'ai commencé à me renseigner sur ce qui existait au niveau de la contraception masculine, comme le slip chauffant. Mais cette méthode ne m'attirait pas. J'ai donc opté pour la vasectomie.

J’estime qu’il s’agit d’un acte nécessaire : pendant longtemps, nous avons fait porter la charge mentale de la contraception par les femmes, sans qu’il y ait une raison particulière. De plus en plus de techniques existent, j’espère qu’elles deviendront de plus en plus accessibles, notamment aux jeunes hommes. Mais je regrette qu’on manque encore d’éducation sur ces sujets. Autour de moi, j’ai l’impression que tout va dans le bon sens, mais nous sommes dans des bulles. En dehors d’elles, ces sujets ne sont pas plus diffusés. Il manque une campagne nationale sur la vasectomie. Moi, j’ai réussi à trouver des informations sur Internet, à me renseigner parce que je suis curieux, comme avec le compte Instagram “Orgasme et moi”. Mais une campagne permettrait de toucher un grand nombre de personnes, dont certaines pas forcément au fait de cette technique, de planter des petites graines en somme. Cela m’aurait sûrement permis d’y penser plus tôt.”

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Corentin, opéré à 35 ans, en 2018

“La contraception a toujours été un sujet compliqué avec mon épouse. Après la naissance de notre premier enfant, elle a décidé d'arrêter de prendre la pilule, car elle avait l'impression que cela avait un effet négatif sur sa libido. Elle a testé l'anneau vaginal, sans succès. Pendant un temps, nous n’avons eu recours à aucune contraception, on a un peu joué avec le feu. Entre la naissance de notre deuxième et troisième enfant, elle a essayé le stérilet en cuivre, mais encore une fois, sans que ce soit concluant. Quand nous avons acté que nous ne voulions plus d’enfants, la vasectomie m’a semblé être un bon choix. Le slip chauffant me paraissait un peu boiteux et contraignant. J’en ai parlé avec mon médecin, qui m’a envoyé une plaquette d’information.

Je n’ai eu aucun doute. Comme je fais partie du monde médical, je suis kiné, je savais à quoi correspondait l’opération. Mais cela n’a pas empêché un confrère d’avoir des a priori : il pensait que la vasectomie pouvait changer la couleur du sperme. Ma femme a aussi eu quelques inquiétudes. Elle avait peur que le fait que je ne sois plus fertile joue sur son excitation. Mais ses doutes ont très vite été levés quand je lui ai dit qu’il n’y avait pas eu de problèmes quand elle était sous pilule ou que j’utilisais un préservatif. Nos rapports ne sont, en plus, pas toujours pénétratifs.

J’ai écrit un mail à mes proches pour leur faire part de l’opération, comme il s’agissait d’une anesthésie générale. Je me souviens avoir reçu une réponse très sympa de ma tante. Ma grand-mère l’avait aussi bien pris, elle m’avait dit avoir regardé dans le dictionnaire la définition du mot. Elle était infirmière, je suis sûr qu’elle approuvait à fond le fait que les hommes s’emparent de la contraception. Au moins trois connaissances ont eu recours à une vasectomie après que j’en ai parlé. Je n’ai pas l’impression de les avoir influencées, mais en discutant ouvertement du sujet, j’ai eu l’impression de provoquer un déclic. Elles ne s’étaient simplement jamais interrogées dessus. J’en discute aussi facilement avec mes patients. Je suis fier de ne pas m’inscrire dans le schéma de la contraception qui incombe aux femmes.”

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