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La chanteuse Suzane dans son nouveau clip « Clit is Good ».

Vidéo Clit is good, de Suzane : « YouTube me cen­sure parce que la socié­té fait pres­sion sur le plai­sir féminin »

La nouvelle chanson de Suzane, Clit is Good, aborde avec beaucoup de poésie le plaisir féminin. Son clip, sorti mi-avril, a été censuré sur YouTube aux moins de 18 ans. L'artiste revient pour Causette sur cette nouvelle preuve, s'il en fallait encore une, du tabou représenté par le clitoris.

Quatre jours. C'est le peu de temps qu'il a fallu à Youtube pour censurer le nouveau clip de Suzane, Clit is Good, marquant l'éclatant retour de la jeune prodige française mi-avril. Sur un air pop entraînant, l'artiste de 31 ans parle du plaisir féminin, de sa progressive découverte et de son tabou. Un tabou qui se vérifie avec la limitation de son clip aux moins de 18 ans sur la plateforme de vidéos. Réalisé par la talentueuse Belge Charlotte Abramow, il met en scène dans un décor pop et avec beaucoup d'élégance les actrices Déborah Lukumuena, Victoria Abril et Kit Picamoles, s'abandonnant aux volutes du plaisir.

Causette : Pourquoi avez-vous choisi d’aborder le thème du plaisir féminin dans votre nouveau morceau ?
S. : J’ai mis du temps à écrire cette chanson, je voulais vraiment qu'elle ressemble à de la poésie. J’y aborde le plaisir féminin mais pas que : la non-représentation de ce dernier, le fait qu’il est inégal avec son pendant masculin…
En tant que femme, j’ai mis du temps à arriver vers moi. Je me suis rendu compte qu’on ne parlait pas de ces choses-là, que c’était tabou. Dans une soirée entre copines, je me souviens qu’on s’était donné comme défi de dessiner nos vulves. On n’avait pas réussi, c’était vachement compliqué. Je me suis dit qu’on avait un manque cruel de représentation du clitoris. Après m'être renseignée, j’ai vu qu’il avait été schématisé pour la première fois en 2005, et a fait son apparition dans les livres scolaires en 2017. Aujourd’hui, on sait tous dessiner l'appareil génital d’un homme. Le pénis est largement représenté dans l’espace public. Il n’est pas tabou, contrairement à notre appareil génital. Donc j’ai voulu me concentrer sur ce clitoris, la zone de notre corps uniquement destinée à nous procurer du plaisir, ce qui explique sans doute qu'il soit tabou.
C’est assez paradoxal. On expose le corps des femmes en permanence pour susciter le désir chez les autres. Le porno est très accessible, la nudité des femmes se retrouve dans des publicités et des photographies. Mais le plaisir féminin en lui-même, on ne doit pas en parler.

Comment l’idée de ce clip vous est venue ? Avez-vous exposé vos envies à Charlotte Abramow ou avez-vous travaillé ensemble sur son contenu ?
S. : J’ai pensé à Charlotte Abramow tout de suite. Je l’ai justement rencontrée pour la première fois pour la couverture de Causette de juin dernier, avec Pomme et Thérèse. J’ai eu un bon feeling avec elle, j’avais déjà Clit is Good dans la tête pendant le shooting, et je me suis dit que c’était avec elle que je voulais mettre en images la chanson.
On s’est retrouvées quelques mois après. On en a ensuite beaucoup parlé : on s’est interrogées sur jusqu’où on voulait aller, sur comment symboliser cette explosion que l’on peut ressentir quand on est connectée à soi-même. Je voulais aussi représenter le maximum de femmes, de toutes les corpulences et de toutes les origines.
Je suis contente car les gens qui ont pu voir le clip trouvent justement que les images sont poétiques, artistiques et qu’elles libèrent la parole et la représentation.

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Seulement quatre jours après sa sortie, votre clip a été censuré sur YouTube. Vous y attendiez-vous ? Qu’avez-vous ressenti ?
S. : Quand j’ai appris la limitation du clip, j’étais légèrement en tachycardie (rires). On s’y attendait un peu avec un titre comme Clit is Good, mais au fond j’espérais que ça n’arrive pas, car je me disais que ce ne serait pas normal.
Je m’attendais finalement à ce que les gens le réduisent à la masturbation et ne comprennent pas la base du propos, à savoir l’oppression du plaisir, le manque de représentations, le tabou qui entoure le plaisir féminin. On essaie de proposer une contre-représentation de l’image des femmes. Quand je vois des messages de femmes et d'hommes qui me remercient, je me dis que ce clip sert vraiment à informer.
Je ne pensais tout de même pas qu’il soit limité, surtout lorsque l’on voit qu’il est très facile d’accéder à du contenu pornographique sur internet… J’ai un frère de 15 ans qui tombe beaucoup plus facilement sur ce genre de contenus, souvent malgré lui, à travers des spams etc… On apprend quoi aux plus jeunes, quand on leur dit qu’il est plus facile d’aller sur un site porno que sur mon clip ?

Avez-vous eu un retour de YouTube ou de ses modérateurs sur les raisons de cette censure ?
S. : Le clip a été censuré par Youtube pour « caractère sexuel, nudité » et pour le titre du clip avec le mot « clit ». Quand on demande aux modérateurs si une image en particulier dérange, ils n’arrivent pas forcément à le dire.
Tout est suggéré dans la vidéo. Donc quand on me dit que c’est à caractère sexuel, j’ai du mal à le comprendre. Pour moi il s’agit plutôt d’une œuvre d’art. De me dire que mon clip est limité aux moins de 18 ans, comme une vidéo pornographique pourrait l’être, ça me choque un peu. Quand on a 15-16 ans et que l’on se pose des questions, c’est peut-être mieux de tomber sur Clit is Good que sur une vidéo qui représente la femme de manière dégradante et irréelle.
À la fin, j’ai l’impression que c’est mon propos qui dérange, qui se heurte à ce que pense encore la société. Si YouTube me censure, c’est parce que la société fait pression sur le plaisir féminin. Pour contourner la limitation, on nous a proposé de poster le mot « clit » avec des étoiles, de flouter la plupart des images, de mettre dessus le mot « censured »… Mais par respect pour Charlotte Abramow et les actrices Déborah Lukumuena, Victoria Abril et Kit Picamoles, je ne ferai jamais ça. Je vais laisser ces images comme elles sont sur Youtube. Ne pas défendre cette chanson et son clip, ce serait envoyer un mauvais message aux femmes et aux autres artistes. Ce qui m'embête, c’est que cela limite le visionnage du clip pour les jeunes comme pour les plus grands : il faut obligatoirement détenir un compte pour justifier son âge.

Ce nouveau single annonce-t-il la sortie d’un deuxième album ? Que pouvez-vous nous dire sur son contenu et sa direction artistique ?
S. : Je pense que mon deuxième album est tout aussi spontané que le premier. Je me suis plus ouverte, j’ai eu envie d’enlever une petite couche de filtres. Clit is Good donne le ton de cet album : j’ai toujours une vision sur le monde, les gens qui m’entourent, les injustices…
Mais j’ai aussi eu des envies d’évasion, avec des chansons plus pop, d’utiliser ma voix dans toutes ses nuances. Pour l’instant je le présente en live, comme je l’ai fait avec le premier. J’ai fait une petite tournée en mars et j’ai plusieurs festivals de prévus cet été. Il devrait sortir après.

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