Rencontre avec Florence Fauquet, lau­réate du Mobile Film festival

A l’occasion du Mobile Film Festival, porté cette année par le thème de l’émancipation des femmes, la comédienne et désormais réalisatrice Florence Fauquet, a remporté le prix Coup de cœur du jury, pour son court-métrage Free the nipples. Causette a rencontré la jeune cinéaste de 29 ans.

Lire aussi : Le Mobile Film Festival célèbre cette année l’émancipation des femmes

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Florence Fauquet © Mobile Film Festival

Causette : Le Mobile Film Festival impose une consigne : Un mobile, une minute, un film. De ces contraintes, laquelle a été la plus difficile pour vous ?
Florence Fauquet : Avant tout, la difficulté a été de choisir une idée car j’en avais plein ! Mais il en fallait une qui puisse aller avec ce format. C’est un concept ! il faut une chute bien construite, et rendre le propos lisible, accessible à tous alors qu’on a le temps de… pas grand-chose (rires). Je soumets toujours mes projets à des professionnels, mais aussi des gens de mon entourage, pour avoir un regard neuf, neutre. C’est essentiel pour s’adresser à tous !

Comment avez-vous découvert le Mobile film festival ?
F.F :
J’ai participé à l’édition de l’année dernière, sur la thématique du dérèglement climatique, en tant que comédienne pour le court-métrage #toutvabien. J’ai d’ailleurs reçu le prix d’interprétation féminine ! Ils ont annoncé le sujet de l’année suivante, j’ai tout de suite été inspirée et j’ai décidé de me lancer.

Quel est votre parcours ?
F.F :
J’ai une formation d’acting et je suis comédienne depuis 6 ans, mais j’ai voulu prendre le temps de me former au métier de réalisatrice, voilà pourquoi je suis passée de l’autre côté de la caméra. Enfin du téléphone cette fois-ci ! Et j’ai même proposé deux court-métrages sur des thèmes bien différents.

Dites-nous en plus !
F.F :
Je suis karateka depuis des années, donc j’ai réalisé un premier court-métrage sur une équipe féminine de karaté. Le second, Free the nipples, qui a été sélectionné et primé, traite de la censure de la nudité féminine sur les réseaux sociaux. Spécifiquement sur Instagram qui retire des photos pour un téton, d’où le choix du titre. Je l’ai vécu, et ces tétons que l’on ne saurait voir sont les miens (rires).

Comble de l’ironie, votre court-métrage lui-même a été censuré ! Donc finalement, c’est une mise en abime de la censure, c’est fou !
F.F :
Tout à fait, je mets le doigt sur cette absurdité, et YouTube ainsi qu’Instagram ont supprimé la vidéo. C’est dire à quel point j’avais visé juste … en dénonçant l’hypersexualisation du corps des femmes.

Vous avez reçu le prix coup de cœur, c’est dire que le sujet parle aux gens. Quelle a été votre réaction ?
F.F
: J’étais vraiment ravie bien sûr mais quand mon film a été sélectionné, j’ai eu un petit coup au cœur qui a duré un instant ! Je me suis dit, « Ah ! ça va être vu ! ». Et donc ma nudité par la même occasion. Même s’il s’agit d’une fiction, l’histoire est très ancrée dans le réel, puisqu’il s’agit d’une photo personnelle, et que les images proviennent de mon compte Instagram. Mais j’ai vite été rassurée par les réactions des gens qui y ont vu d’abord du travail avant une forme quelconque d’exhibition.

Vous avez donc pris le parti de filmer votre écran et votre propre profil Instagram, pour quelles raisons ?
F.F :
Déjà le format « capture d’écran » me plaisait, peut-être grâce au court-métrage dans lequel j’ai joué l’année dernière qui montrait des extraits de stories Instagram. Ensuite, tout simplement, car l’idée m’est venue d’une véritable expérience personnelle, où j’ai hésité à poster une photo sur mon profil, cliché pris sur la plage avec une amie, par peur justement qu’il soit retiré. C’est cette image qu’on voit dans mon film. S’en est suivi une grande réflexion sur le sujet. Je me suis renseignée sur les algorithmes censeurs, qui semble-t-il, dès qu’ils détectent des cheveux longs sur un corps relativement svelte, suppriment les photos.

C’est arrivé récemment à Marion Cotillard d’ailleurs.
F.F :
Oui ! elle a d’ailleurs suspendu son compte Instagram car à l’occasion de son anniversaire, elle a posté une photo d’elle enfant, qui a été retirée ensuite, pour cause de « nudité infantile ». C’est délirant tout de même, mais ce sujet est plus que d’actualité. Je l’ai traité avec humour mais en réalité cela soulève des questions assez graves sur la vision du corps des femmes dans la société. Certains comptes ne sont pas censurés alors qu’on y trouve des photos de femmes vraiment sexualisées. Et chaque femme fait bien ce qu’elle veut de son réseau social mais on se rend compte qu’il y a souvent des sponsors derrière… C’est bien qu’il y a un problème…

Vous en tant que femme, utilisant les réseaux sociaux, comment construisez-vous votre conviction féministe ?
F.F :
Je vais vous raconter quelque chose. Ma propre mère, qui a une intelligence incroyable, m’a dit qu’elle voulait me défendre et me soutenir dans ce projet, mais toutefois « est-ce que cette photo (celle où on voit un bout de téton !) n’appelait pas à attirer les hommes ? » Il y a des schémas bien ancrés, et je me rends compte que c’est difficile parfois de reconnaître que nous sommes conditionnées. La lutte féministe, c’est un peu usant ! Je voudrais consacrer mon énergie à autre chose, à la création, au jeu ! Ici, j’ai voulu combiner les deux. Mais je reste traversée par des questions : est-ce que je me tiens correctement, ni trop sexy ni trop masculine, est-ce que je suis trop maquillée ? C’est permanent.

Avez-vous vu les autres court-métrages primés ?
F.F :
Oui ! et c’est plein de talents. Je suis tellement émue de voir que nous sommes plus de la moitié de femmes réalisatrices. Les choses évoluent dans le bon sens, je suis confiante, et il ne faut rien lâcher ! C’est un cadeau, ce festival, qui arrive à un moment charnière pour la visibilité des femmes.

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