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Isabelle Rome (©Wikimedia Commons)

« On s'est dit qu'on allait ten­ter le coup » : com­ment plu­sieurs asso­cia­tions fémi­nistes se sont déme­nées pour qu'Isabelle Lonvis-​Rome reste au gouvernement

Dans « une sorte d'élan collectif », de nombreuses associations et militantes féministes ont signé une tribune de soutien à Isabelle Lonvis-Rome, quelques heures avant le remaniement. Retour sur « une démarche inédite » et, plus largement, sur les réactions et attentes du monde associatif.

Dans l'ombre, plusieurs associations et militantes féministes s'activent : depuis quelques jours, les rumeurs d'un remaniement vont bon train. Et le nom d'Isabelle Lonvis-Rome, ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, circule parmi ceux des potentiel·les membres du gouvernement qui pourraient en être débarqué·es. L'idée est alors de publier une tribune à la fois pour défendre la magistrate, mais aussi pour plaider en faveur de la stabilité dans la lutte pour les droits des femmes.

« On discutait les unes avec les autres et en dehors du collectif. On ne savait pas trop quel ministre allait être concerné par le remaniement et qui allait être soutenu dans ce moment politique. Comme on travaille bien avec Isabelle Lonvis-Rome, qu'elle est toujours attentive et qu'on la rencontre régulièrement, on a tenu à faire une tribune », explique à Causette Yseline Fourtic-Dutarde, co-présidente du collectif Contre le sexisme, à l'origine du texte de soutien. « Les relations entre une ministre et son secteur ne doivent pas être à sens unique, cela ne doit pas toujours être la ministre qui nous soutient, poursuit-elle. Nos relations doivent se construire dans la sororité. C'était normal de saluer la qualité de son travail, son abnégation et sa détermination. Isabelle Lonvis-Rome faisait preuve de beaucoup d’énergie et d’enthousiasme. »

Mercredi soir, la tribune de soutien du collectif est alors postée sur les réseaux sociaux. Parmi les nombreuses signataires, on retrouve les noms de Laurence Rossignol, présidente de l’Assemblée des femmes et ancienne ministre des Droits des femmes, d'Élisabeth Moreno, la prédécesseure d’Isabelle Lonvis-Rome, ou encore d'Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat. Du côté des associations, Ghada Hatem, présidente de la Maison des Femmes, ou encore Dominique Guillien-Isenmann, la présidente de la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF), apportent également leur soutien. Mais rien n'y fait : Isabelle Lonvis-Rome se voit remplacer par Bérangère Couillard, ancienne secrétaire d'État à l'Écologie, qui a notamment participé à l'élaboration d'une loi visant à protéger les victimes de violences conjugales.

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« On sait qui l'on perd, mais on ne sait pas qui va arriver »

Cette tribune constitue « une sorte d'élan collectif », estime auprès de Causette Catherine Ladousse, également co-présidente du collectif Contre le sexisme. Avant de souligner à quel point leur idée a fait « boule de neige », avec des personnes la contactant avant même qu'elle ne les prévienne pour signer le texte. « C'est une démarche, je crois, inédite, ajoute-t-elle. On ne savait pas si elle allait fonctionner, mais on s'est dit qu'on allait tenter le coup. On reproche injustement à la ministre une absence médiatique, or on a réussi à réunir de nombreux soutiens, à la fois associatifs et politiques, de tous les bords. Les gens qui la connaissent savent ses compétences, grâce à son passé de magistrate, et son engagement. »

Sarah Durocher, présidente du Planning familial, qui n'a pas signé le texte, loue néanmoins elle aussi auprès de Causette « l'écoute » et « le soutien indéfectible » d'Isabelle Lonvis-Rome, qui a toujours reconnu le travail de terrain des associations. Quand le Planning a été attaqué pour ces affiches représentant un homme trans enceint ou que certains centres ont été dégradés, notamment à Bordeaux, l'ancienne ministre a toujours répondu présente. « L'attente avant le remaniement a été une période très particulière. Personne n'avait d'informations sur ce qui allait se passer. Aujourd'hui, on sait qui l'on perd, mais on ne sait pas qui va arriver », souligne-t-elle.

« On a besoin de stabilité »

Mais au-delà de ses qualités humaines et professionnelles, ce que les associations et militantes féministes craignent avec son éviction est une rupture passagère dans la lutte pour les droits des femmes. D'importants dossiers en cours pourraient être retardés, comme celui de pôles spécialisés dans les violences intrafamiliales au sein des tribunaux : le décret d'application, attendu d'ici au mois de septembre, est toujours en cours d'élaboration. Or, sur ce dossier, Isabelle Lonvis-Rome avait « des atouts » et apportait « un éclairage supplémentaire », de par son passé de magistrate, note Catherine Ladousse.

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« Dans ce combat, on doit créer un lien de confiance avec une ministre. Pour avancer, on on a besoin d'un peu de stabilité. On ne peut pas chaque année repartir à zéro dans notre travail de rencontre et de plaidoyer. C'est contre-productif », juge également Agathe Hamel, signataire de la tribune et présidente de la délégation des droits des Femmes au Conseil économique, social et environnemental (Cese). Cette dernière déplore que le ministère chargé de l'Égalité entre les femmes et les hommes fasse « souvent partie des heureux élus qui changent lors des remaniements », sans que ce soit toujours nécessaire. « Dans cette tribune on n'est pas toutes d’accord politiquement, ou sur le bilan des actions d’Isabelle Lonvis-Rome, mais on est toutes d’accord pour dire qu’on veut de la stabilité », résume-t-elle.

Dans l'attente de rencontrer Bérangère Couillard

Ce texte de soutien ne doit, en tout cas, pas être vu comme un acte de défiance par Bérangère Couillard, assurent ses signataires. Yseline Fourtic-Dutarde et Catherine Ladousse, les co-présidentes de Contre le sexisme, l'ont croisée pendant la campagne présidentielle, lorsqu'elle s'occupait des sujets liés à l'Égalité entre les femmes et les hommes pour Emmanuel Macron. Elles décrivent son « ouverture d'esprit », son « expertise » sur les violences sexistes et sexuelles et se mettent « à sa disposition pour la rencontrer et lui porter les revendications des différentes associations ».

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Sarah Durocher espère également une rencontre « très rapide » et qu'elle soit « dans la continuité du travail d'Isabelle Lonvis-Rome ». Cette dernière a d'ailleurs posté ce vendredi soir sur Twitter une photographie dans les jardins de l'Hôtel du Petit Monaco, qui abrite le ministère chargé de l'Égalité entre les femmes et les hommes, lors de la passation de pouvoir. Elle souhaite « une pleine réussite » à sa successeure, assurant avoir « le cœur serré » mais être « fière d’avoir porté pendant un an la grande cause d'Emmanuel Macron ». « Mon combat continue », promet-elle.

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