Santé : pénu­ries de pilules abor­tives en France, le droit à l'IVG menacé

Depuis plusieurs semaines, les professionnel·les de santé ont du mal à obtenir en France du misoprostol, médicament utilisé pour les IVG médicamenteuses. L'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds), soutenu par le Planning Familial, s'est alarmé jeudi dernier, dans un communiqué, du manque de transparence dans la gestion de ces pénuries par les autorités sanitaires.

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© Mariano Baraldi

Alors que la semaine dernière, la cour d’appel de La Nouvelle-Orléans aux Etats-Unis a décidé de mettre en place de sévères restrictions concernant à l’accès à la pilule abortive RU 486 (mifépristone), la France est, elle, confrontée à des pénuries de ce type de médicament. Dans un communiqué publié le 13 avril dernier, sur son site officiel, l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds) s'est alarmé des pénuries dans plusieurs territoires en France de misoprostol, l’autre molécule utilisée pour les avortements médicamenteux. Une inquiétude renforcée par la présidente du Planning Familial, Sarah Durocher qui a rappelé à Causette avoir déjà « lancé une alerte en fin d'année dernière sur les difficultés d'approvisionnement de la mifépristone ». Cette fois-ci « c’est conjointement à l’Obervatoire de la transparence des médicaments que le Planning Familial fait cette nouvelle alerte sur la misoprostol »,a-t-elle précisé.

« Les alertes des acteurs de terrain, associations luttant pour le droit à l’IVG, médecins libéraux et sage-femmes ont été ignorées », déplore l’OTMeds dans son communiqué. Selon l’organisme qui pointe « le silence, l’attentisme et l’amateurisme » de François Braun, l’actuel ministre de la Santé, les premières alertes de pénuries remontent au 5 mars dernier.

Une pénurie totale à Lille

Ce vendredi 14 avril, l'Observatoire de la Transparence dans les politiques du Médicaments (OTMed) a alerté que « le misoprostol pour les IVG médicamenteuses est porté disparu dans la totalité des pharmacies à Lille et à différents endroits en région parisienne. A ce stade, il ne s'agit plus de tensions mais bien de pénurie. » Pourtant, selon David Alapini, président des pharmacien·nes dans les Hauts-de-France, contacté par France 3, « il n'y a pas lieu de s'inquiéter », le produit étant, « encadré dans les centres spécialisés, les cabinets, avec des stocks qui leur sont propres, les pharmaciens en reçoivent peu puisque ce sont a priori des prescriptions spécifiques », a-t-il précisé. 

Depuis, Jérôme Martin a expliqué dans les colonnes de Libération que « la situation semble depuis rétablie à Lille, sans que l’on sache comment ». Dans son communiqué, l’OTMeds regrette l'opacité dans la gestion de cette pénurie par les autorités sanitaires française. « Est-ce que la pilule arrive à nouveau par le circuit normal ? Est-ce qu’il y a eu un rééquilibrage entre régions ? C’est au ministère de la Santé, à l’ANSM, de faire ce bilan », questionnait le cofondateur de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament dans Libération. De son côté, Sarah Durocher a expliqué à Causette être déçue « de n'avoir toujours aucune réponse aux alertes envoyées », alors qu' « en fin de semaine dernière, le Planning Familial a adressé un courrier au ministère de la Santé en copie au ministère chargé des Droits des femmes », pour les interpeller sur cette pénurie, a précisé la présidente d'association.

Ces ruptures sont d’autant plus alarmantes que 76 % des IVG ont été réalisées par méthode médicamenteuse en 2021, selon les dernières données de la Drees, le service statistique des ministères sociaux. Une situation jugée « inquiétante » par la présidente du Planning Familial qui rappelle que le « misoprostol qui ne peut pas être remplacé » par un autre médicament.

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Une menace à l'avortement

Dans son communiqué, comme dans l’interview donnée par Jérôme Martin, à Libération, l’OTMeds a évoqué un possible facteur explicatif de cette pénurie : le misoprostol est un médicament sous brevet. Sa production est concentré sur les sites du groupe Nordic Pharma, un laboratoire pharmaceutique suédois, présent dans toute l'Europe, qui en a l'exclusivité. « S’il y a un souci industriel, une impureté sur l’un des sites, pas ou peu d’usines peuvent prendre le relais. La production est donc ralentie pendant des semaines, voire des mois. [...] Avec un seul laboratoire qui produit, on fragilise davantage l’accès à cette technique », a expliqué Jérôme Martin au quotidien, en appelant à changer ce système.

Si la pénurie à Lille a été ponctuelle, les alertes de ce type se multiplient ces dernières semaines à l’échelle du territoire, d'après 20 minutes, et font craindre une limitation de l’accès à l’avortement. De nombreuses organisations associatives et personnalités politiques - plusieurs figures de la Nupes, dont Sandrine Rousseau et François Ruffin, et des membres du Planning familial - ont immédiatement réagi à l'alerte lancée par l’OTMeds. « Cette indisponibilité compromet concrètement le droit à l’IVG », a affirmé Clémence Guetté, députée LFI du Val-de-Marne. « Je vais interpeller par écrit François Braun [ministre de la Santé, ndlr] sur cette situation et sur les mesures qui s’imposent », a également annoncé Pascale Martin, députée LFI de Dordogne.

Pour Sarah Durocher, cette pénurie s'inscrit dans « un continuum de menaces concernant l’accès à l’avortement en France, que ce soit au sujet de la désinformation ou sur les attaques que le Planning a vécu ces dernières semaines ». Pour pallier ces menaces, l'association souhaiterait « à long terme, la nationalisation de certains médicaments au niveau de l’avortement et de la contraception ».

Selon l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), le retour à la normale est prévu pour la « fin avril 2023 ». Mais la filière reste profondément vulnérable. Selon Jérôme Martin, cité par Libération, « on ne peut pas continuer à confier exclusivement ou quasi la production des médicaments dont nous avons besoin, dans ce cas essentiel pour le droit des femmes à disposer de leur corps, à des groupes dont la logique n’est pas forcément celle de la santé publique. »

En mai 2020, le Haut Conseil à l’égalité pointait déjà « un risque d’atteinte aux droits sexuels et reproductifs des femmes ». Listant plusieurs contraceptifs concernés par des ruptures, le HCE rappelait également que le mifépristone et le misoprostol ont vu leur « destin » contrariés par « des problèmes économiques, renforcés par des interventions importantes des mouvements anti-IVG», indique 20 minutes.

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