L'Hôtel de ville de Paris
Hôtel de Ville de Paris © Edwinn 11 sur Flickr

Raphaëlle Rémy-​Leleu : « J’aimerais que l’affaire Girard per­mette de recon­naître enfin l’expertise féministe »

Au lendemain de la publication de l’enquête du New York Times, qui relate le témoignage d’un homme accusant Christophe Girard d’abus sexuels, Causette a interrogé l’élue écologiste à l’origine, avec Alice Coffin, du départ de l’adjoint à la culture.

Affaire Girard, saison 2. L’ancien adjoint à la culture d’Anne Hidalgo – qui a démissionné le 23 juillet dernier après la polémique sur ses liens avec l’écrivain sous le coup d’une enquête pour « viols sur mineurs » Gabriel Matzneff – fait désormais l’objet d’accusations le concernant. Dimanche 16 août, le New York Times, déjà à l’origine de révélations sur la proximité entre l’écrivain ouvertement pédophile et l’élu, a publié le témoignage d’un homme de 46 ans qui affirme que Christophe Girard a sexuellement abusé de lui une vingtaine de fois dans les années 1980. Aniss Hmaïd explique avoir rencontré Christophe Girard en Tunisie alors qu’il n’avait que 15 ans. Ils se seraient ensuite revus très régulièrement. « Je peux dire que j’étais consentant. Mais globalement, j’étais pris dans un engrenage un peu bizarre. Mes parents qui m’encourageaient à le voir. Moi qui espérais quelque chose, du boulot, quelque chose comme ça derrière », explique l’homme au sujet de ses relations avec Christophe Girard.

Monsieur Hmaïd a ensuite travaillé au sein de la maison Yves Saint Laurent, dont
Christophe Girard était l’un des dirigeants à l’époque. Il a transmis des
attestations de travail et des fiches de paie aux journalistes du New York Times. Il a
également fourni de nombreuses photographies de Christophe Girard, dont une où il est entièrement nu. Christophe Girard a annoncé qu’il allait porter plainte pour
« dénonciation calomnieuse ». Son avocate, Delphine Meillet, a dénoncé des accusations « sans fondement ». Mardi 18 août, le parquet de Paris a annoncé l'ouverture d'une enquête pour viol.

En finir avec la culture de l’impunité

Dans les réseaux militants parisiens, on assure, en off, que ces révélations ne
surprennent pas grand monde. « Des bruits et rumeurs couraient de longue date sur Christophe Girard », confie à Causette une activiste. Mais la publication de l’enquête, avec un long témoignage étayé, donne une nouvelle tournure à la polémique de ces dernières semaines.

Causette a donc eu envie d’interroger l’élue Europe Écologie-Les Verts (EELV) au Conseil de Paris, Raphaëlle Rémy-Leleu, qui aux côtés d’Alice Coffin, elle aussi élue EELV, a soulevé le « problème Girard » bien avant tout le monde, estimant qu’il y avait assez d’éléments dans la presse sur ses liens avec Matzneff pour qu’on ne reconduise pas l’adjoint à la culture dans ses fonctions. Conspuée et menacée depuis le départ de Christophe Girard, l’élue écologiste ne fanfaronne pas à la lecture du papier du New York Times. Elle espère surtout que la « culture de l’impunité » vit ses derniers instants.

Causette : Est-ce que la parution de cette enquête change quelque chose à vos yeux ?
Raphaëlle Rémy-Leleu : Dès que quelqu’un·e parle et dénonce des faits de violences sexuelles contre un homme puissant, ça change toujours quelque chose. L’article du New York Times décrit d’ailleurs bien les stratégies d’emprise dont les mécanismes sont connus et dénoncés de longue date.

Rétrospectivement, ça donne plus de poids à votre demande de mise
en retrait de Christophe Girard 
!
R. R.-L. : Nous n’avons jamais réclamé le procès public de Christophe Girard, comme certain·es nous le reprochent. On voulait simplement, face aux éléments mis en lumière par les enquêtes de Mediapart et du New York Times, ne prendre aucun risque. Il nous paraissait essentiel qu’ils soient vérifiés et qu’on s’assure d’en finir avec la culture de l’impunité. La seule chose qui compte, c’est qu’on finisse enfin par appliquer aux violences sexistes et sexuelles la même exigence et sévérité que celle qu’on peut avoir en matière de délits financiers. Quand une personne publique est mise en cause directement dans une affaire, on arrête tout dès la première alerte, on prend le temps de regarder et on demande à la personne de se mettre en retrait.

Sur Twitter, certain·es réclament qu’on vous fasse des excuses. Est-ce que vous le souhaitez ?
R. R.-L. : Je ne sais pas. Je n’ai pas vraiment eu le temps d’y réfléchir, ni de me poser pour réaliser l’ampleur de la vague qu’on s’est prise dans la figure avec Alice Coffin. C’est sans doute trop tôt pour ça. Quand Christophe Girard a démissionné, tout le monde a essayé de dévaloriser notre parole, de nous isoler. Il y a eu une grosse part d’intimidation pour décentrer le problème. J’aimerais bien qu’à l’avenir, ça se traduise par une plus grande reconnaissance de l’expertise des militantes féministes.

J’espère aussi que ça va permettre à certain·es de comprendre que ce qu’on a fait était un geste profondément politique. C’est peut-être l’une des premières fois que le combat féministe a fait irruption comme ça dans le jeu politique de façon aussi identifiée. La situation de Christophe Girard était intenable et faisait prendre un risque à cette majorité de gauche, écologiste, féministe, nouvellement élue et dont nous faisons partie.

Comment se passent les relations avec le reste de la majorité ?
R. R.-L. : Pour le moment, l’été a mis un peu de distance, mais nous allons reprendre à la rentrée. J’espère qu’on va pouvoir retrouver les moyens de travailler ensemble de façon sereine. Et que la gauche sortira de cette séquence en étant plus féministe et solidaire. Mais y a encore du boulot !

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