Elles sont aides à domicile, agentes de nettoyage, aides-soignantes. Elles occupent des emplois aux conditions de travail difficiles. La pénibilité de leurs métiers se transforme en souffrances physiques souvent invisibles qui abîment pourtant leur corps. Enquête sur ces maux professionnels au féminin.
À 61 ans, Maryline, aide à domicile à Chartres (Eure-et-Loir), n’a que quatre années de métier derrière elle, mais, avec les douleurs qu’elle ressent désormais au quotidien, c’est comme si elle trim-ballait sa reconversion professionnelle depuis des décennies. Ce travail, elle l’a démarré sur le tard, à 56 ans, après un divorce trois ans plus tôt. « J’ai été conjointe collaboratrice d’artisan. Avec la séparation, j’ai dû chercher un autre travail. J’avais déjà fait quelques ménages chez des particuliers et je m’étais aussi occupée de mon ex-belle-mère pendant neuf ans. » Sauf que, aujourd’hui, aide à domicile est devenue sa profession qu’elle exerce vingt-cinq heures par semaine, sans compter les heures supplémentaires. Au prix de souffrances physiques de moins en moins supportables.
Gestes répétitifs, postures, rythme…
Quasiment rien chez Maryline, hormis une allure légèrement inclinée vers l’avant, ne laisse pourtant deviner que son corps souffre de son travail. L’auxiliaire de vie ne se plaint pas, ne dit rien de ses douleurs, qui n’auront pas attendu longtemps avant d’apparaître. Au bout d’un an d’exercice de son nouveau métier, elle ressent des contractions musculaires qui ne font que s’intensifier. Quelques mois plus tard, des tendinites se révèlent au niveau des épaules et des poignets jusqu’à ce qu’une hernie discale soit diagnostiquée. « Pas opérable, car mal située, me dit la médecine du travail. Jamais je n’avais connu tous ces maux auparavant. » La cause de ses souffrances est incontestable : ce sont bien les gestes répétitifs, les mauvaises postures et le rythme effréné de son quotidien professionnel qui sont responsables. « Pour chaque intervention, nous avons 45 minutes pour faire la toilette aux personnes âgées, effectuer le ménage dans leur maison, leur installer le plateau-repas… Il y a l’aspirateur que je passe le dos courbé, les personnes âgées qui s’appuient sur mes poignets lorsque je les sors de la douche ou quand je les aide à se lever, le fait de devoir me baisser pour les aider à s’habiller, toutes ces tâches que j’effectue tous les jours, même plusieurs fois dans la journée. » Et ce, sans compter les charges très lourdes qui pèsent sur son corps déjà abîmé, comme ce gros aspirateur professionnel chez cette dame, pas du tout adapté à son travail, qu’elle doit systématiquement monter à l’étage pour nettoyer le reste du logement. Ou les packs d’eau et de lait que Maryline soulève seule lors des courses de certaines[…]