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Morgan Large © Capture d'écran de l'émission A l'air libre de Mediapart consacrée aux combats de la journaliste d'investigation

Menacée, la jour­na­liste d’investigation Morgan Large se dit « très inquiète pour la liber­té d'expression »

Ce vendredi, lors d'une visio-conférence de presse organisée depuis les locaux de l’association de culture bretonne Tri ar Vro, à Guingamp (Côtes-d’Armor), la journaliste Morgan Large est revenue sur le sabotage de sa voiture qu'elle a subi il y a une semaine.

La journaliste Morgan Large, connue pour ses enquêtes sur l'agro-industrie bretonne et sur les atteintes à l'environnement, a déposé une plainte après avoir constaté vendredi 24 mars que sa voiture avait été sabotée. Ce vendredi 31 mars, elle s'est exprimée via une visio-conférence de presse depuis les locaux de l’association de culture bretonne Tri ar Vro, à Guingamp (Côtes-d’Armor) sur cet acte de malveillance arrivé presque deux ans jour pour jour après un premier sabotage.  

Alors que l’animatrice de Radio Kreiz Breizh (RKB) quitte son domicile au volant de sa voiture vendredi dernier, elle entend un bruit inhabituel. Le garagiste a constaté que « les écrous de la roue arrière gauche sont complètement desserrés » et que « la roue bouge à la main, et ne tient presque plus ». Lors de la visio-conférence, Morgan Large a expliqué avoir déposé plainte samedi 25 mars à la brigade de gendarmerie de Rostrenen (Côtes-d'Armor), en présence du président de Radio Kreiz Breizh (RKB). 

Une protection policière refusée

Un événement qui a comme un air de déjà-vu pour la journaliste reconnue pour ses enquêtes sur l’agro-industrie et son travail sur les problématiques environnementales. À l’époque, fin mars 2021, le sabotage faisait suite à des menaces, des insultes, des coups de fil anonymes, et la dégradation des portes de la radio RKB. Cette montée en puissance des intimidations ciblant Morgan Large avait commencé quelques mois auparavant, après la diffusion en 2020 du documentaire Bretagne, une terre sacrifiée, dans lequel la journaliste dénonce la politique d’élevage intensif de volailles dans la région. Récemment, la rédaction du reportage a souhaité le rediffuser, Morgan Large a refusé. Après cette première tentative de sabotage, Reporters Sans Frontières avait demandé une protection policière pour la journaliste, une demande qui avait été refusée.

Mais ce vendredi, Morgan Large a expliqué ne pas s'attendre du tout à ce qu'il lui était arrivé une semaine auparavant. Selon elle, la médiatisation de l'affaire précédente et la plainte déposée avaient mis un coup d'arrêt aux menaces. Depuis, elle avait continué de travailler, même s’il lui a fallu beaucoup de temps pour revenir sur le terrain. « On m’a reconnue une fois et demandé si c’était bien moi la fille de la radio. Après que j’ai dit oui, le gars sur son tracteur m’a répondu en rigolant qu’il devrait me casser la gueule. Mais en se marrant… » Le représentant d’une coopérative l’a menacée de lui causer « des ennuis » si elle citait son nom dans un article. Une autre fois, devant 300 porchers en colère à Saint-Brieuc, on lui a interdit de poser des questions. « Mais je n’ai pas de problèmes avec les éleveurs, pour moi c’était fini tout ça… », raconte-t-elle à Libération.

Un climat inquiétant

Pour la rédaction de Splann ! (une ONG d'enquêtes journalistiques en Bretagne) dont la journaliste est fondatrice, « ce nouvel acte criminel » est une « tentative de porter atteinte à la vie et au travail d’enquête de notre collègue et consœur. En installant la peur dans la profession, il participe au climat de menaces qui pèse sur la liberté de la presse et sur les lanceurs d’alerte. » De son côté, Morgan Large s'est dite « très inquiète pour la liberté d'expression, mais surtout pour les lanceurs d'alertes ».

La dernière enquête, menée par la police de Rennes, et qui avait abouti à un non lieu, avait en partie révélé que les attaques étaient conduites par des réseaux « bien organisées », contrairement à ce que la journaliste pensait. Pour elle, les auteur·rices de ces attaques, dont elle n'a aucune idée de l'identité, « ne veulent pas dialoguer ». Avec cette visio-conférence, la journaliste entendait alerter sur la dangerosité d'enquêter sur les sujets écologiques. « Il serait temps de s'interroger sur la violence, c'est une question capitale », tonne-t-elle, avant d'expliquer que « nier l'environnement n'est plus possible » en menaçant les journalistes qui dénoncent des pratiques anti-environnementales.

Morgan Large a expliqué que pour l'instant, elle n'avait pas de nouvelle de la plainte déposée samedi dernier. La journaliste a raconté à Libération douter sur la suite de sa carrière. « Sur le moment je me suis dit : c’est bon, j’arrête », a-t-elle indiqué encore sous le choc de l'incident avant de préciser qu'elle aimerait « pouvoir [se] trouver un travail pépère, vivre sans avoir peur de ce qu' [elle] va trouver chez [elle]. »

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