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Prospectus dédiés à la sécu­ri­té des femmes dans l'espace public : « Pourquoi ne pas avoir un mes­sage res­pon­sa­bi­li­sant pour les agresseurs ? »

Gérald Darmanin a annoncé que « 5 millions de flyers » rappelant comment réagir lorsqu'on est victime ou témoin d'une agression vont être distribués par les forces de l'ordre à compter de mardi. Une initiative qui laisse l'association experte Stop harcèlement de rue dubitative.

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Alors que, selon un sondage Yougov de 2022, encore trois quarts des femmes en France se sentent en insécurité dans un parking seules le soir ou une rue déserte, que six femmes sur dix ont déjà été sifflées dans la rue et une sur deux agressée verbalement, le ministère de l'Intérieur a annoncé à le lancement d'une « grande opération sur la sécurité des femmes dans l’espace public » estivale.

À compter de mardi 30 mai, « 5 millions de flyers seront distribués par les policiers et les gendarmes, dans le cadre de la démarche "d’aller vers nos concitoyens" » annonce la page du ministère dédiée à l'opération. Sur le flyer, disponible en pdf, s'affiche la volonté de mettre les femmes victimes de harcèlement de rue en confiance : « Les forces de l'ordre vous protègent », peut-on lire sur l'entête. Ensuite, le prospectus dresse une série de rappels sur les gestes et les démarches à adopter en tant que victime ou témoin d'une agression dans l'espace public.

En tant que victime, le prospectus préconise en premier lieu : « Faites du bruit et alertez les personnes autour de vous, cherchez de l’aide et tentez de vous mettre à l’abri dans un lieu sûr (administration, commerce, tiers de confiance). » Ensuite, il est demandé de prévenir les forces de l'ordre en appelant le 17 puis de déposer plainte « dans un commissariat, une brigade de gendarmerie ou tout autre lieu
adapté (hôpital, Maison des Femmes, mairie, etc.) »
en faisant appel « si besoin » à un·e intervenant·e social·e. Le flyer invite aussi les victimes à prendre contact « avec les associations disponibles sur Ma Sécurité, un espace dédié, rassemblant toutes les informations utiles et permettant de tchater 24H/24 avec un policier ou un gendarme ».

Sarcasmes sur Twitter

Pour les témoins, il est demandé d'« intervenir » ou de « tenter de faire diversion en s'adressant au harceleur ou à la victime » tout comme de « filmer ou enregistrer la scène » à condition que cela « ne vous mette pas en danger ». Il est ensuite recommandé d'alerter les forces de l'ordre, d'aider la victime à « se mettre en sécurité » et de la « rassurer ».

Vendredi, Gérald Darmanin, le patron de la place Beauvau, annonçait la diffusion de ces prospectus dans un tweet, déclenchant une série de commentaires acerbes. « Et pour celles qui pourraient être harcelées ou agressées par un ministre en exercice ? », questionne par exemple un internaute, en référence aux plaintes pour viol à l'encontre du ministre de l'Intérieur, classées sans suite. D'autres sont circonspect·es quant à l'efficacité d'une telle démarche : « C'est sûr que les flyers, ça va régler la situation, les femmes vont se sentir en sécurité. »

Violences policières et mauvais accueil dans les commissariats

Contactée par Causette, l'association experte Stop harcèlement de rue se montre, elle aussi, dubitative sur l'efficacité de la démarche. Boris, porte-parole, regrette que l'intitulé (« Sécurité des femmes dans l’espace public ») occulte « les violences subies dans l’espace public par d’autres personnes minorisées comme par exemple les personnes racisées ou homosexuelles », alors même que les agressions physiques homophobes déclarées à l'association Stop homophobie ont bondi de 28% cette année. De la même manière, Stop harcèlement de rue ne comprend pas le sous-titre « Les forces de l’ordre vous protègent » : « Ce flyer explique en fait comment se débrouiller justement en l’absence des forces de l’ordre, qui ne sont donc pas là pour nous protéger. »

L'association pointe une incohérence entre la volonté de protection affichée et « le niveau de violences policières en France », mentionnant en particulier les dépôts de plaintes de quatre jeunes femmes pour agressions sexuelles subies lors d'un contrôle de police à l'occasion d'une manifestation contre la réforme des retraites en mars dernier. « On peut aussi évoquer le mauvais accueil qui est souvent fait aux victimes dans les commissariats, ce qui va parfois aggraver leur trauma », observe Boris.

Stop harcèlement de rue considère enfin que ce prospectus, s'il a le bon goût de s'adresser aux témoins comme aux victimes, oublie les agresseurs. « Si on considère qu’il va être distribué à tout le monde puisqu’il s’adresse aussi aux témoins, pourquoi ne pas avoir un message responsabilisant pour les agresseurs ? », argue Boris. Pour l'association, « la fin des violences dans l’espace public passera surtout par la prévention » car « l’efficacité de la répression demeure très limitée, comme le montre le très faible nombre d’arrestations pour outrage sexiste ».

"Outrage sexiste aggravé"

Cette infraction est souvent jugée peu mobilisable par les associations féministes en ce qu'elle repose surtout sur une situation de flagrance dont seraient témoins des forces de l'ordre. Selon le ministère de l'Intérieur, depuis sa mise en place en 2018 et jusqu'au 31 décembre 2021 « 4700 infractions d’outrages sexistes avaient été enregistrées en France », avec une monté en puissance : « 930 en 2019, 1400 en 2020 et 2175 en 2021 ». Mais le ministère le constate lui-même : « Il faut rappeler que ce type d’infractions donne très rarement lieu à un signalement
auprès des services de sécurité.
[...] Seules 2 % des victimes d’injures sexistes et 5 % des victimes d’injures anti-LGBT portent plainte. »

Depuis début avril, les sanctions pour « outrage sexiste » (infraction créée par la loi Schiappa de 2018) ont été renforcées. Un outrage sexiste « aggravé » (commis sur un·e mineur·e de 15 ans, ou en groupe ou en raison de l'orientation sexuelle de la victime ou dans les transports en commun) est ainsi devenu un délit, entraînant une amende de 3750 euros - contre 1500 euros pour un outrage sexiste sans circonstances aggravantes.

Lire aussi l L'humoriste Florence Mendez écar­tée par M6 pour avoir trai­té Gérald Darmanin de violeur

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