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La mai­rie d’Aulnay-sous-Bois ferme la mai­son de l’association Un toit pour elles

La mairie d’Aulnay-sous-Bois a mis en demeure l’association Un Toit pour elles qui accueillait depuis décembre des femmes sans abris en grande difficulté dans un pavillon de la ville.

Le 21 avril prochain, Laura* devra quitter son foyer car, a 21 ans, son contrat jeune majeur vient de s’arrêter. La jeune fille aurait dû alors s’installer rue Mercier à Aulnay-sous-Bois (93). Dans la « Maison du Cœur » d’Un toit pour elles, une association qui héberge des femmes sans-abri souvent victimes de violences physiques et sexuelles. Mais la municipalité LR de cette ville de la Seine-Saint-Denis vient d’en fermer les portes le 31 mars dernier après seulement quatre mois d’existence. Les six femmes qui vivaient dans la maison depuis le 1er décembre 2020 ont donc dû quitter les lieux. « On a pu leur trouver des nuits d’hôtels en urgence mais ce ne sont que des hébergements provisoires, regrette Mohamed Jemal, président de l’association Un toit pour elles. Alors qu’elles étaient en sécurité à la Maison du cœur. »

Tout commence le 9 mars 2021. Le service Communal d’hygiène et de sécurité de la ville d’Aulnay mène une inspection dans ce pavillon d’un quartier prisé en compagnie de deux policier·ères suite à une plainte du voisinage portant sur une suspicion d’occupation illicite. « On a pourtant signé un bail le 25 septembre 2021 avec l’héritier de l’ancienne propriétaire décédée en 2018, assure Mohamed Jemal. On a fait plus de 4 000 euros de travaux, pour refaire notamment toute l’électricité en plus de payer un loyer mensuel de 750 euros. »  Contactée par Causette, la municipalité assure pourtant avoir retrouvé entre-temps la trace de quatre autres héritiers de la propriétaire « qui souhaiteraient engager une procédure judiciaire à l’encontre de cette association ». Un non-sens pour Mohamed Jemal. « L’héritier avec qui j’ai signé le bail nous a confirmé être le seul, et là d’un coup on nous en trouve quatre autres, je ne comprends pas. » 

« Certaines institutions font tout pour détruire ce que nous essayons de construire. »

Mohamed Jemal, président de l’association Un toit pour elles

La mairie d’Aulnay-sous-Bois déclare ensuite avoir constaté de « très graves manquements ». Dans le rapport effectué à la suite de l’inspection du 9 mars que Causette s’est procuré, les agents notent entre autres que la sécurité n’est pas aux normes ainsi qu’un défaut d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. « Le respect de normes de sécurité et d’hygiène, quelle que soit l’intention louable des associations, plus qu’une obligation légale, est un devoir moral envers tous ceux qui bénéficient des services de ces associations », écrit la mairie dans un communiqué du 10 avril. 

Fondée en 2017 par Mohamed Jemal, chargé de développement social urbain de 38 ans, l’association Un toit pour elles met à l'abri les femmes précaires victimes de violences en leur offrant un accompagnement en hébergement non-mixte. La Maison du cœur rue Mercier dispose de quatre chambres spacieuses, d’un salon, d’une cuisine et d’un grand jardin pouvant accueillir six femmes avec ou sans enfants pour une durée d’un mois à un an maximum. « Ce sont des femmes, des jeunes filles, des vieilles dames qui viennent de toute la France à la recherche d’un lieu protégé, indique Mohamed Jemal. Elles sont traumatisées quand elles arrivent. Beaucoup ont subi des violences physiques et certaines ont été violées. Nous avons voulu apporter à ces femmes un toit, afin qu'elles puissent se sentir en sécurité, se reconstruire, avoir un emploi, une formation. Malheureusement, certaines institutions font tout pour détruire ce que nous essayons de construire. » 

Une décision « politique »

Face aux accusations de la mairie, Mohamed Jemal admet « qu’il y a pu avoir des erreurs sur certaines normes de sécurité comme l’absence d’extincteurs »  tout en précisant « que des travaux étaient en cours ».Le président conteste en revanche certains griefs en rappelant qu’« officiellement, [l’association n’est] pas un établissement recevant du public car [elle accueille] un nombre de femmes limité. » Si le président d’Un toit pour elles comprend les arguments municipaux sur le fond, « sur la forme c’est inacceptable. L’intrusion des agents municipaux dans la maison a traumatisé nos bénéficiaires. » 

L’association regrette surtout « le dialogue inexistant » avec la mairie depuis l’ouverture en décembre. « En janvier nous avons eu un rendez-vous avec les services sociaux de la mairie pour obtenir des domiciliations administratives afin que les femmes puissent amorcer leurs démarches administratives. On a bien senti qu’ils n’étaient pas motivés pour travailler avec nous. » Le président de l’association pointe également une politique de gentrification de la ville. « Je pense que la véritable raison, c’est qu’ils ne veulent pas de populations précaires, estime Mohamed Jemal. La mairie d’Aulnay-sous-Bois n’est simplement pas réceptive à la détresse de ces femmes parce qu’elle ne veut pas les voir dans son centre-ville. » De son côté, la mairie déclare que « la commune est la seule à avoir mis en place un bureau d’aide aux victimes dans le département. »

Pour espérer une réouverture de sa maison du cœur, l’association devra effectuer des mises aux normes et des travaux dans un délai de 30 jours. « Les devis s’élèvent à 30 000 euros, affirme Mohamed Jemal. Nous ne pourrons les faire au vu du délai et de la situation financière de notre association. Nous ne recevons pas de subventions, nous survivons uniquement grâce à l’appel aux dons. » Le président  envisage donc de quitter définitivement Aulnay-sous-Bois. « Même si nous faisons les travaux, la mairie ne nous accompagnera pas. On va bientôt lancer un appel aux maires d’Ile-de-France pour trouver un autre lieu d’hébergement pour ces femmes. » 

*Le prénom a été modifié

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