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Photo : ESTELLE RUIZ / Hans Lucas via AFP

IVG dans la Constitution : der­rière la vic­toire sym­bo­lique, un accès inégal en France

Côté pile : une victoire symbolique avec la future constitutionnalisation de l’avortement, point d’orgue de plusieurs décennies de combat. Côté face : la possibilité d’interrompre une grossesse non désirée reste inégale en France par manque de moyens, selon les professionnel·les de santé et associations féministes.

“L’inscription dans la Constitution ne va pas changer la manière dont aujourd’hui les femmes ont recours à l’avortement en France, ça n’est pas suffisant pour améliorer les choses”, regrette la présidente de la Fondation des femmes, Anne-Cécile Mailfert. “Des maternités de proximité ont été fermées, des centres IVG [interruption volontaire de grossesse, ndlr] ont été fermés, ce qui fait que maintenant les femmes doivent souvent aller beaucoup plus loin, c’est beaucoup plus compliqué alors que ça ne devrait pas l’être”, ajoute-t-elle.

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En France, où l’IVG est dépénalisée depuis la loi Veil de 1975, le nombre d’avortements reste relativement stable depuis une vingtaine d’années autour de 230 000 par an, avec un pic observé en 2022 avec 234 300 IVG pratiquées. Mais ce nombre varie fortement selon les territoires. Les derniers chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees, ministère de la Santé) montrent ainsi un taux de recours pouvant aller de 11,6 pour 1 000 femmes de 15 à 49 ans dans les Pays de la Loire à 22,6 en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

L’accès à l’IVG n’est lui “pas homogène sur le territoire”, relevait, en décembre, auprès de l’AFP Magali Mazuy, chercheuse à l’Institut national d’études démographiques (Ined) : “Une personne qui va demander à avoir recours à l’IVG ou qui va chercher des praticiens ne va pas avoir en face d’elle les mêmes professionnels et la même culture locale relative à la considération de ce soin”, constate-t-elle.

Une situation sur laquelle alerte depuis plusieurs années le Planning familial. Lors d’une conférence de presse mercredi, sa présidente, Sarah Durocher, s’est une nouvelle fois alarmée de “voir certaines femmes contraintes d’aller dans d’autres départements que le leur pour avorter”. Dans le collimateur des professionnel·les de santé et des associations féministes, la fermeture de maternités – le nombre de ces établissements est passé de 1 369 en 1975 à 458 en 2020 – et de centres IVG dont 130 auraient fermé en quinze ans selon le Planning familial.

"Parents pauvres"

Au sein des établissements encore ouverts, la situation n’est pas meilleure, selon la présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), Joëlle Belaisch-Allart, qui appelle à faire en sorte que les “IVG ne soient plus les parents pauvres dans les services”. “Il faut qu’il y ait des plages dans les blocs opératoires dédiées à l’IVG auxquelles personne ne puisse toucher, qu’il y ait ou non une infirmière anesthésiste ce jour-là, insiste-t-elle. Il faut aussi que quand une femme demande un rendez-vous, elle puisse l’avoir dans les cinq jours.”

Avec la désertification médicale et le manque de médecins dans certains territoires, la possibilité de choisir entre une IVG médicamenteuse et une IVG instrumentale (intervention sous anesthésie) n'est pas toujours possible, relèvent les acteurs de terrain.

Afin de renforcer l’accès à l’avortement, un décret a été pris en décembre pour ouvrir la pratique de l’IVG instrumentale aux sages-femmes. Mais les conditions imposées, notamment la présence de quatre médecins, sont trop restrictives, estiment professionnelles et associations. “D’une part, on nous dit qu’on va constitutionnaliser le droit à l’IVG, d’autre part, on publie un décret qui est censé fluidifier l’accès à l’avortement qui en réalité ne change pas grand-chose”, a souligné, mercredi, Suzy Rojtman, porte-parole du collectif Avortement en Europe.

Quant à l'information autour de l'IVG, elle reste parcellaire et gênée par d'intenses campagnes de mésinformation sur les réseaux sociaux, selon la Fondation des femmes et le Planning familial, ce dernier y voyant "une des premières entraves" au droit à l'avortement.

Pour Joëlle Belaisch-Allart, “l’exemple des pays étrangers doit nous inciter à la plus grande prudence. Le droit à l’IVG n’est pas menacé, mais il faut rester vigilant parce que le problème des moyens est fondamental. S’il n’y a pas les moyens, cela finira par menacer le droit à avorter”.

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