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PPDA ©Georges Seguin

Affaire PPDA : trois nou­velles femmes témoignent contre l’ex présentateur

Libération a recueilli le témoignage de trois nouvelles femmes accusant l’ancien présentateur de viols et d’agressions sexuelles. Trois récits qui appuient la trentaine de témoignages précédents. Parmi eux, celui de Hélène Devynck qui poursuit sa prise de parole dans le livre coup de poing, Impunité, à paraître le 23 septembre chez Seuil.

Trois nouveaux témoignages édifiants viennent s’ajouter à la longue liste de ceux visant déjà Patrick Poivre d’Arvor. Libération a dévoilé lundi 19 septembre, les récits de trois femmes qui accusent l’ancienne star de TF1 de viols et d’agressions sexuelles. Deux plaintes pour un viol et des agressions sexuelles ont été déposées ce mois-ci ainsi qu’un autre signalement adressé au procureur de la République chargé de la deuxième enquête préliminaire dans l’affaire tentaculaire visant l’ex présentateur. Des plaintes et un signalement qui n'engagent cependant pas de poursuites judiciaires, les faits étant prescrits, mais qui appuient la description d’un mode opératoire déjà dénoncé dans les précédents témoignages.

Un point commun nouveau se dessine toutefois à travers ces récits inédits : les faits se déroulent dans le monde de l’édition. Un milieu dans lequel Patrick Poivre d’Arvor exerçait une grande influence et où de nombreuses personnes étaient au courant du comportement problématique de PPDA envers les femmes, selon les témoignages recueillis.

Omerta dans le milieu de l'édition

Le premier témoignage recueilli par Libé en décembre dernier concerne une plainte déposée le 12 septembre par Bénédicte Martin pour agression sexuelle. Si les faits qui seraient survenus en novembre 2003 dans le bureau de l’animateur sont prescrits, cette journaliste et écrivaine de 44 ans pense que « sa déposition peut être utile à d’autres femmes ».

En novembre 2003, cette jeune autrice de 24 ans parvient à faire paraître son manuscrit de nouvelles érotiques chez Flammarion, dont l’éditeur de l’époque est Frédéric Beigbeder. Pour la promotion de son livre, elle est invitée à l’émission littéraire de PPDA, Vol de nuit. À l’issue de l’enregistrement, le présentateur lui propose de revenir pour assister cette fois au journal télévisé. Quelques semaines plus tard, après l’enregistrement du JT, elle se retrouve seule avec PPDA dans une pièce fermée. Ce dernier l’aurait, selon Bénédicte Martin, saisie par derrière, à la gorge. Après avoir basculé sur le sol, PPDA aurait remonté sa jupe et l’aurait embrassée. L’autrice parvient à s’échapper et à fuir. 

Bénédicte Martin dit avoir raconté cette scène à plusieurs personnes du milieu de l’édition, dont son éditeur Frédéric Beigbeder qui lui aurait répondu : « C’est normal, tu es une fille. » Bénédicte Martin mentionne aussi le nom de l'auteur Michel Houellebecq. « À propos des actes de PPDA que je n’ai eu cesse de relater, aucun de mes interlocuteurs dans le monde de l’édition n’a jamais été choqué », raconte-t-elle auprès de Libé

Une violence régulière et organisée

Trois ans avant Bénédicte Martin, Juliette (le prénom a été modifié), journaliste et autrice elle-aussi, subit le même mode opératoire. Elle raconte à Libération qu’après un passage à Vol de nuit, PPDA l’entraîne dans son bureau. Selon son témoignage, il la plaque contre une table, relève sa jupe et la pénètre « sans tentative de séduction aucune »

Tétanisée, la jeune femme ne bouge pas. Dans son témoignage, Juliette dit se souvenir d’une boîte de lingettes. PPDA en aurait pris une, se serait essuyé et lui en aurait tendu une afin qu’elle se « nettoie », comme il aurait dit. Ce qui laisse penser à Juliette que ces pratiques étaient régulières et organisées.

Après le viol, elle raconte qu’elle aura entretenu « une sorte d’amitié » avec le présentateur, se disant déchirée entre nécessité professionnelle et souvenir de cette agression. Une manière aussi pour PPDA d’obtenir la garantie de son silence. À Libération, elle dit « qu’elle n’a jamais oublié “cette sale histoire” mais qu’elle est parvenue à l’occulter ». C’est en apprenant le 12 septembre dernier qu’une enquête préliminaire a été rouverte, que Juliette décide à son tour d’écrire au procureur de la République par solidarité avec les autres femmes. « Ne pas parler, ce serait, dit-elle, laisser la peur gagner et nier qu’il y a eu aux prémices de leurs relations, un rapport imposé. »

« L’entendre dire que jamais il n’avait contraint aucune femme, je ne l’ai pas supporté. J’ai explosé.»

Anne Cauquil-Gleizes

Dans le troisième témoignage recueilli par Libération, Anne Cauquil-Gleizes revient sur des faits qui se seraient déroulés en 1985 et que Libé avait déjà partiellement relatés en novembre 2021 sous un autre prénom (Amélie). À l'époque, Anne Cauquil-Gleizes qui témoigne cette fois sous sa véritable identité est une toute jeune autrice de 16 ans. Admirative, elle envoie un mot à PPDA pour lui demander des conseils d’écriture. Ce dernier la rappelle assez rapidement. Quelques mois plus tard, PPDA et Anne Cauquil-Gleizes se rencontrent dans une chambre d’hôtel de Sète où le présentateur est de passage pour une manifestation littéraire. A peine la jeune femme était-elle entrée dans la chambre, que PPDA la bascule sur le lit, la déshabille et la pénètre. « Ça dure cinq minutes à peine. Je reste complètement passive, je ne comprends pas ce qui m’arrive », raconte l’enseignante aujourd’hui âgée de 55 ans. 

Comme beaucoup de femmes de ce dossier tentaculaire, ce qui provoque sa parole est la prestation de l’animateur dans Quotidien, le 3 mars 2021: « L’entendre dire que jamais il n’avait contraint aucune femme, je ne l’ai pas supporté. J’ai explosé. » Anne Cauquil-Gleizes a porté plainte le 9 septembre dernier à l’encontre de PPDA pour deux faits distincts aujourd’hui prescrits. L’une pour le viol subi en 1985 et l’autre pour une agression sexuelle ultérieure en 1991 ou 1992. 

Portrait d'un homme violent et abusif

Sollicitée par Libération, l’avocate de PPDA a répondu ne pas vouloir faire de commentaire sur ces récents témoignages : « La position de Patrick Poivre d’Arvor est connue [il conteste les faits, ndlr] et j’ai moi-même eu l’occasion de faire part publiquement, après le classement sans suite motivé, de certains éléments de sa défense », indique Me Jacqueline Laffont.

Reste que ces récents témoignages attestent les trente récits de femmes – et les dix-huit plaintes -, dressant le portrait d’un homme violent et abusif, depuis la première plainte déposée par l’écrivaine Florence Porcel en février 2021. Parmi ces femmes, la journaliste et autrice Hélène Devynck, qui publie un récit le 23 septembre prochain, Impunité, aux éditions du Seuil. 

Un viol en 1993

Hélène Devynck avait confié son témoignage au journal Le Monde en mars 2021, moins d'un mois après la plainte déposée par Florence Porcel – qui était alors restée anonyme. Elle avait ensuite témoigné la même année aux côtés de sept autres femmes dans les pages de Libération. Selon Le Monde, l’idée d’écrire Impunité naît dans la foulée du classement sans suite de l’enquête pour viols qui visait l’ancien présentateur vedette, le 25 juin 2021. Cette annonce plonge dans la consternation les vingt-trois femmes qui ont témoigné – huit d’entre elles avaient alors déposé plainte, dont Hélène Devynck. Les faits remontent à l’année 1993. Hélène Devynck était l’assistante de PPDA pour qui elle rédigeait le script du 20 heures. Un soir, chez lui, PPDA l’a violée, dit-elle. « Une relation consentie », s’est-il défendu lors de son audition par la police. 

« Quelle est la responsabilité de TF1 dans cette affaire ? »

Au-delà de raconter sa propre histoire, Hélène Devynck retrace dans ce texte rédigé à la première personne un système et une culture qui protègent les agresseurs. Avec, en première ligne, l’employeur de PPDA pendant plus de vingt ans, la chaîne privée de télévision TF1. Une chaîne qui, depuis l’éclatement de l’affaire début 2021, se retranche derrière « une profonde transformation » et rappelle le licenciement de PPDA en 2008 selon L'Obs

« “Quelle est la responsabilité de TF1 dans cette affaire ?” C’est, à ce jour, une question sans réponse », s’interroge Hélène Devynck dans son livre. Si l’autrice s’interroge sur la responsabilité du groupe, elle pointe aussi la solidarité entre ces femmes qui accusent PPDA, comme le montrent les quelques extraits du livre publiés dans Le Monde. « On a su avant de se voir qu’on était faites du même bois. On avait toutes buté contre le silence ou l’indifférence, partagé l’humiliation, l’espoir d’une justice et la volonté de défendre celles qui ne le peuvent pas », écrit Hélène Devynck.

Où en est le dossier judiciaire ? 

Une instruction est actuellement en cours à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée en novembre 2021 par Florence Porcel. Cette dernière accuse PPDA de deux viols. L’un en 2004 dans le bureau de la star à TF1, l’autre en 2009 dans les locaux de sa société de production. Le second fait dénoncé n’est pas couvert par la prescription et est donc passible d’une condamnation par la justice, contrairement au premier.

En juin, les avocats de Florence Porcel obtiennent une victoire juridique. Après un recours devant la chambre d’instruction, la cour d’appel de Versailles a estimé que les juges d’instruction ne pouvaient pas écarter d’emblée les faits de 2004 à cause de la prescription. Ils pourraient donc être amenés à conduire des investigations sur cet épisode.

En parallèle de cette instruction, une deuxième enquête préliminaire (dans laquelle 23 femmes avaient dénoncé des viols, des agressions ou du harcèlement), a été ouverte par le parquet de Nanterre en décembre 2021.

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