MISE À JOUR - 04/11/20 : Le gouvernement polonais a suspendu le 3 novembre, la décision du tribunal constitutionnel de restreindre l'accès à l'avortement, suite aux manifestations massives dans le pays. « Il y a une discussion en cours, et il serait bon de prendre un peu de temps pour le dialogue et pour trouver une nouvelle position dans cette situation, qui est difficile et suscite de vives émotions », a déclaré aux médias polonais Michal Dworczyk, secrétaire général du gouvernement polonais.
La foule a envahi les rues de Varsovie vendredi 30 octobre. Le rassemblement initié par le collectif Strajk Kobiet – grève des femmes – comptait des centaines de milliers de polonais·es, rassemblé·es pour revendiquer le droit à l’avortement, dans un climat sous tension, et ce, malgré la pandémie de Covid-19. Pour Causette, le photographe polonais Rafał Milach s’est rendu au cœur de la manifestation qui s’est poursuivie jusque tard dans la nuit de la capitale.
Après huit jours de mobilisation dans les plus grandes villes de Pologne, ce sont plusieurs centaines de milliers d’éclairs rouges, symboles de la contestation, qui ont battus le pavé de Varsovie vendredi 30 octobre. À l'origine de l'initiative, le collectif féministe Strajk Kobiet - grève des femmes - suivi par d'autres organisations féministes polonaises. Une manifestation largement suivie par 100 000 personnes selon la mairie et 80 000 selon les forces de l’ordre, et ce, malgré l'explosion de la pandémie de Covid 19 et l'interdiction des rassemblements publics. Il faut dire que la colère ne cesse de gronder depuis le 22 octobre dernier, jour sombre de la déclaration du tribunal constitutionnel qui a restreint encore davantage l’accès à l’IVG (Interruption volontaire de grossesse). Une semaine contestataire marquée également, mercredi 28, par une grève générale très suivie et relayée partout dans le pays et au-delà. Exemple, en France, dimanche dernier, plusieurs rassemblements de soutien ont été organisés. « Cassez-vous ! », « C’est la guerre ! », peut-on lire sur les pancartes de Varsovie à Paris, l’ambiance est résolument révolutionnaire.
Raison de leur lutte : le durcissement de l’accès à l’IVG donc. La loi polonaise en la matière, mise en place en 1993, était déjà la plus restrictive d’Europe dans un pays où l’influence cléricale est toujours très forte. En effet, les femmes ne pouvaient avorter qu’aux motifs impérieux de grossesse en cas de viol ou d’inceste, ou en raison de malformation fœtale, y compris « grave et irréversible ». Et c’était sans compter sur l’arrivée au pouvoir en 2015 du parti ultraconservateur PiS (droit et justice), qui a durci la législation autour de l’avortement, en retirant le jeudi 22 octobre le critère d’éligibilité concernant les fœtus malformés. Dès le lendemain, des manifestant·es se sont insurgé·es contre cette « délégalisation déguisée » de l’IVG. En effet, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon un recensement datant de 2019, effectué par des ONG locales, près de 200 000 Polonaises ont avorté de façon clandestine ou à l’étranger alors que 1 100 avortements officiels ont été pratiqués en Pologne, dont 98 % concernent les fœtus malformés. Supprimer ce critère revient donc à une interdiction quasi totale de l’avortement.
De quoi renforcer la mobilisation qui s’est poursuivie jusque tard dans la nuit de vendredi à samedi dans les rues de la capitale. Dans un climat tendu, ponctué d’altercations parfois violentes avec les forces de l’ordre, des manifestant.es pro-vie, et des groupuscules d’extrême droite. La décision du tribunal constitutionnel qui déchaîne les foudres devrait être publié au Journal officiel d’ici à quelques jours, ce qui laisse peu de temps aux Polonais·es révolté·es pour se faire entendre de leur gouvernement.
© Rafał Milach / Magnum Photos pour Causette -
Une femme se tient devant un cordon de policiers à Varsovie avec dans ses mains une pancarte « Grève des femmes » pour dénoncer l’interdiction quasi totale de l’avortement. L’éclair rouge est rapidement devenu le symbole viral des contestations.© Rafał Milach / Magnum Photos pour Causette -
Sur les panneaux, différents slogans : « Interdisez d’interdire », « Droits des femmes : enfer pour les femmes », « Jarek même votre chat a honte de vous ». (Référence à Jaroslaw Kaczynski, vice-Premier ministre polonais et président du parti conservateur « Droit et justice » à l’origine du durcissement législatif.)© Rafał Milach / Magnum Photos pour Causette - Un éclair rouge pour manifester le poing levé contre le durcissement législatif de l’IVG en Pologne. © Rafał Milach / Magnum Photos pour Causette -
« Droits des femmes ou menaces. » Des slogans en référence au célèbre « Treats or tricks » d’Halloween.© Rafał Milach / Magnum Photos pour Causette -
Présence importante des forces de l’ordre face à l’afflux de manifestant·es venu·es en masse pour dire non aux nouvelles lois sur l’avortement.© Rafał Milach / Magnum Photos pour Causette -
Des éclairs rouges et des slogans antigouvernementaux : les manifestant·es ont massivement exhibé le symbole de leur révolte dans la capitale.© Rafał Milach / Magnum Photos pour Causette -
Un éclair rouge et des larmes noires. Une manifestante parmi les centaines de milliers venu·es manifester le 30 octobre à Varsovie.© Rafał Milach / Magnum Photos pour Causette -
Jeu de mots. On peut lire sur la pancarte derrière la jeune femme brandissant un éclair rouge, « Prosciutto (jambon), Prochoice (droit de choisir), Prosecco (vin blanc italien) ».© Rafał Milach / Magnum Photos pour Causette -
Des slogans en référence à Jaroslaw Kaczynski scandent : « Jarek chie dans la litière et dit que c’est son chat, pas lui », « Tu as volé la Lune, donc tu as un endroit pour déguerpir d’ici ».© Rafał Milach / Magnum Photos pour Causette -
Les manifestant·es font preuve d’ingéniosité avec ce poing levé géant pendant la manifestation du 30 octobre.© Rafał Milach / Magnum Photos pour Causette - Des manifestant·es font face à des groupes de droite et ultra catholiques rassemblés autour des églises pour soutenir le durcissement législatif de l’avortement. Ici, devant la basilique Minor de Varsovie.